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Les Parisiens sont-ils prêts à partir en guerre ?

undefined undefined 23 novembre 2025 undefined 13h00

Jérémy Pennors

« La France doit accepter de perdre ses enfants ». Ce mardi 18 novembre, le général Fabien Mandon, plus haut gradé de l’armée française, a lâché cette phrase glaçante devant les maires réunis à Paris.

Selon lui, la nation doit retrouver la « force d’âme » nécessaire et accepter de « souffrir économiquement » pour affronter un conflit majeur, notamment face à une Russie qu’il estime préparée pour 2030. Il exhorte ainsi les élus à « en parler dans vos communes » afin de préparer les esprits, encourager l’engagement citoyen et faciliter les entraînements puis l’installation des militaires dans leurs communes.

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Un discours qui choque même parmi les politiques les plus modérés : comment préparer la population à un conflit quand le rôle d’un gouvernement devrait avant tout être de le prévenir  ? Les Parisiens, habitués aux alertes politiques et sanitaires (vague d'attentats en 2015, Gilets Jaunes en 2018 et crise du Covid en 2020), mais jamais confrontés à la guerre, se retrouvent face à un message brutal : il faudra (peut-être) un jour accepter le pire.


Le guide de survie qui met la pression

Pour accompagner ces propos, le gouvernement a publié le 20 novembre le guide Tous responsables, 27 pages pour « préparer les Français à diverses crises », du conflit armé à la catastrophe nucléaire. Le manuel détaille un kit de survie pour 72 heures (eau, nourriture, médicaments, vêtements chauds, radio à piles, argent liquide) et insiste sur l’importance de reconnaître l’alerte et de rejoindre la réserve citoyenne.

Même si l’objectif officiel est pédagogique, le message est clair : la guerre est possible, et chacun doit y être préparé. À Paris, cette approche résonne difficilement : la ville n’a jamais été habituée à penser la survie en termes militaires, et la majorité des habitants n’a ni formation ni expérience pour affronter un conflit réel.


Un désaccord générationnel

Plusieurs sondages reflètent d'ailleurs cette inaptitude : alors sur l'ensemble du panel interrogé, une courte majorité (53%) est favorable au rétablissement du service militaire obligatoire, seuls 41 % des 18‑24 ans soutiennent une telle initiative, contre 63 % chez les plus de 60 ans, selon un sondage Ipsos-CESI Ecole d’ingénieurs paru le 16 mars 2025.

La jeunesse, celle qui serait directement concernée et mobilisée, rejette massivement cette idée (59%). Mais la fracture n’est pas seulement générationnelle : on observe dans ce même sondage que les catégories sociales favorisées y seraient plus favorables, tandis que les classes populaires, souvent privées de sécurité matérielle et d’avenir, craignent le risque pour elles-mêmes.

Autre indice de désengagement, à la question « Êtes-vous prêt à payer plus d’impôts pour augmenter le budget de la Défense à 5 % du PIB, au lieu des 2 % actuels ? » posée par l'insitut Cluster 17 dans un grande enquête en mai 2025 : 56 % répondent non, dont 30 % très défavorables.

Là encore, le clivage est net : les classes populaires et moyennes refusent massivement, tandis que les classes aisées se montrent plus ouvertes. Résultat : même lorsqu’on parle d’investissement militaire, la population refuse de mettre la main à la poche, signe qu’elle n’est pas prête à soutenir concrètement une politique de guerre. Pour rappel, 1,2 million de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans la métropole du Grand Paris, soit un taux de pauvreté plus élevé qu'en France métropolitaine : 18,3% contre 14,9%.


Une préparation loin de la réalité

Entre discours martiaux, guides officiels et manœuvres en ville, le fossé reste immense entre la vision de l’armée et le quotidien des Parisiens, même si cette dernière demeure largement soutenue par l'opinion. L’abandon récent du Service national universel (SNU) par Sébastien Lecornu, jugé trop coûteux et ingérable pour les armées, en est d'ailleurs la preuve la plus éclatante.

D'autant que nombre d'experts rappellent un fait simple : la France n’est pas prête. Ni matériellement, ni psychologiquement. Beaucoup de citoyens se demandent à quoi sert la dissuasion nucléaire si, en réalité, elle ne les protège pas et qu’on les prépare pourtant à accepter des sacrifices extrêmes.

 Et si le véritable défi n’était pas seulement de préparer les Français à la guerre, mais de réfléchir à la manière d’éviter qu’elle n’ait jamais lieu ? Dans une ville comme Paris, entre inquiétudes citoyennes et discours militaires, la question reste entière.