Ces Parisiennes qui se battent contre les violences faites aux femmes

undefined 24 novembre 2017 undefined 19h17

Camille H

Aujourd’hui, 25 novembre 2017, c’est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Quels sont les tristes chiffres de ces comportements largement dénoncés ces derniers temps sur la toile ? Et surtout, quelles sont les Parisiennes qui mènent de front le combat, pour que les violences faites aux femmes cessent ?

Alors qu’aujourd’hui cinq militantes féministes lancent une action sous le hashtag #SoyezAuRdv pour réclamer au président de la République un plan d’urgence contre les violences sexuelles, où en sont les chiffres, et qui sont ces femmes qui se battent pour les réduire ?


Des chiffres qui stagnent
 

123 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire en 2016 en France, soit une femme tous les trois jours.

225 000 femmes âgées de 18 à 75 ans déclarent avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur conjoint ou ex-conjoint sur une année.

93 000 femmes âgées de 18 à 75 ans déclarent avoir été victimes de viols et/ou de tentatives de viol sur une année. 


Les Parisiennes qui s’engagent

Julie Vella, co-fondatrice de l'association Elle's Imagine'nt

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Elle's Imagine'nt, c’est quoi ?

C’est une association qu’on a créée à Paris en 2009 avec Sonia Pino, une psychoclinicienne. Depuis huit ans, on accompagne, on suit les femmes victimes de violences conjugales. En 2016, on a accompagné 280 femmes. L’idée est que l’association prend en charge un accompagnement global spécifique. C’est-à-dire que ça concerne toutes les sphères de la vie des femmes. On traite les aspects juridiques, sociaux mais aussi professionnels. On n’héberge pas mais on travaille avec des partenaires pour pouvoir trouver un foyer pour celles qui en ont besoin. Beaucoup de femmes n’ont pas besoin d’hébergement mais surtout d’un accompagnement psychologique et juridique. Après toutes ces violences, il faut aider à se reconstruire. 

Concrètement, comment cet accompagnement se passe-t-il ?

On a 6 salariés et 24 bénévoles qui travaillent au sein de l’association. Ce sont des travailleurs sociaux, des avocats, des psy pour la plupart. Les femmes peuvent nous contacter par téléphone ou par mail. En 2016, on a reçu 2700 mails. L’entourage des femmes en proie aux violences conjugales nous contacte aussi pour comprendre comment les aider. Quand ces femmes nous appellent, on leur propose un premier rendez-vous. Le but est d’évaluer la situation d’urgence ou de danger afin d’opérer la meilleure prise en charge.

Quelles actions ont été mises en place ?

Il y a des entretiens psychologiques individuels mais aussi des groupes de parole deux fois par semaine, les vendredis et samedis afin de les sortir de l’isolement. Il y a aussi une permanence d’avocats du Barreau de Paris. Des intervenants externes viennent aussi pour des ateliers. On a eu une reflexologue pour travailler la respiration. Une vingtaine de femmes ont aussi bénéficié d’un coach professionnel. Le fait qu’on soit adhérent à la Fédération Nationale Solidarité Femme nous permet d’avoir des mises en sécurité dans toute la France à travers des hébergements mis à disposition. On met même en place des formations de prévention pour les avocats ou les médecins pour comprendre les problématiques des violences faites aux femmes. Il y a peu de temps, on a même fait une formation RH chez PSA Peugeot-Citroën. L’association fait également de interventions dans les collèges en discutant du contrôle dans les relations amoureuses ; de l’emprise des hommes souvent liée à la jalousie. C’est la base de comportements problématiques qui peuvent derrière entrainer des violences. Chez les 18-25 ans, beaucoup de femmes pensent qu’elles ne sont pas victimes de violences car elles ne sont pas mariées. Sinon, on a lancé une campagne forte en 2016 qui s’appelait « Je ne supporte pas les Bleus » avec des figures de l’Equipe de France de football comme Frank Lebœuf ou Raymond Domenech. On voulait que les hommes soient aussi intégrés au combat. Dans un mois, on aura des nouveaux locaux où l’on pourra accueillir des permanences de rendez-vous.

Rendez-vous sur le site d'Elle's Imagine'nt 
8, rue Poirier de Narçay - 14e


Louise Delavier, membre de l’association En Avant Toutes, créée en 2013

 en avant toutes-équipeUne partie de l'équipe En Avant Toutes avec Louise Delavier, la deuxième en partant de la droite.

Quel est le but de votre association ?

On vise vraiment l’aide aux jeunes femmes. Il y a plein d’associations qui existent pour les femmes, mais les jeunes femmes n’y vont pas. L’idée est de déconstruire dès le plus jeune âge les représentations des relations femmes-hommes, les inégalités, et les violences au sein du couple et de la famille. On se centre sur les violences dans les couples chez les ados par exemple.

De quelles façons vous agissez ?

On a créé le premier chat de France qui répond aux questions des personnes qui s’interrogent sur le couple et les violences qui peuvent y exister. Il est ouvert les lundi, mardi et mercredi après-midis. Et particulièrement chez les jeunes. On fait aussi pas mal de prévention dans les collèges, les MJC. On ne vient pas donner des cours de féminisme, mais on vient discuter, essayer de déconstruire des idées reçues.

Quelles sont les types de violences qui vont sont rapportées ?

Il y a beaucoup de notion de jalousie. Ils considèrent qu’être jaloux symbolise une preuve d’amour. Alors que c’est une forme de contrôle sur la femme. Ou alors d’autres considèrent que lorsqu’on est marié, la femme nous appartient : ce sont des clichés qui reviennent souvent. Si on creuse, il y a une grosse méconnaissance de la sexualité chez les jeunes. Ils en parlent beaucoup mais il y a énormément de clichés. Certains ados nous disent : « les hommes pénètrent et les filles ont mal c’est normal. » Ou encore : « c’est normal que les hommes aient le contrôle puisqu’il sont plus forts physiquement. » Quand on voit certains films qu’ils adorent comme Twilight, c’est important de faire de la prévention. Dans Twilight, Robert Pattinson observe Kristen Stewart dormir sans qu’elle sache qu’il est là, il lui fait mal pendant l’amour et on trouve ça sexy, et on fait passer l’idée que les garçons ne peuvent pas se contrôler. Beaucoup de jeunes filles racontent que quand elles sortent avec un garçon depuis quelques semaines, elles ressentent l’obligation sous la pression de « passer à la casserole ». On doit leur expliquer que ce n’est pas normal.

Pour plus d’infos sur l’association en Avant Toutes, rendez-vous ici. Et si vous voulez soutenir l’association et le développement du chat, une campagne Ulule est en ligne par là. 


Ketsia Mutombo, co-fondatrice du collectif Féministes contre le cyber-harcèlement

 collectif-cyber-harcèlementLe collectif Féministes contre le cyber-harcèlement avec Ketsia Mutombo, la deuxième en partant de la gauche.

Comment s’est créé le collectif ?  

On l’a fondé en 2015. On était une quinzaine de féministes. Le déclencheur a été un compte qui diffusait des photos de jeunes filles nues qui pour certaines n’avaient que 13 ans. Malgré nos signalements, rien ne changeait. C’était vraiment choquant, les filles étaient parfois identifiées avec leurs noms ou leurs adresses. On a décidé de créer le collectif. En janvier 2016, on a lancé une campagne de sensibilisation sur Twitter autour du hashtag #TwitterAgainstWomen. L’idée c’était de montrer qu’il y a avait beaucoup de violences, de discriminations et de sexisme envers les femmes sur les réseaux, sans qu’il y ait un réel travail de modération. 

Quel impact cette campagne a-t-elle eu ? 

Des femmes sont venues pour nous parler de cyber-harcèlement. Un des premiers messages était celui d’une jeune femme qui ne savait pas si le fait que son ex ait couché avec elle alors qu’elle était en train de "décuver", à moitié endormie après une cuite, représentait un viol. Ça m’a marquée. De 13 à 35 ans, les femmes nous racontent les violences sur le web. Il y a une vraie violence envers les femmes qui s’est déployée numériquement avec de nombreux moyens. Il y a les SMS mais aussi les réseaux sociaux.

Comment agissez-vous contre ces cyber-harcèlements ?

Tout d’abord on relaye un contenu féministe sur Twitter, Facebook et Instagram. Ça permet une vulgarisation du propos féministe et finalement de faire évoluer les choses petit à petit. Il y a un an, un garçon qui diffusait des photos nues de ses conquêtes pouvait passer aux yeux de certains pour un beau gosse, il gagnait des abonnements même. Aujourd’hui, il y a une certaine indignation. On essaye aussi d’être une première oreille bienveillante. Beaucoup de femmes nous parlent d’hommes qui leur font du chantage en menaçant de mettre sur le web des photos ou des vidéos de leur ébats sexuels si elles ne se remettent pas avec. Déjà, il faut leur dire qu’elles sont victimes. Ensuite les soutenir juridiquement si elles le souhaitent. Parfois elles en parlent aux forces de l’ordre et on leur répond : « c’est pas grave, tu n’as qu'à te déconnecter du site ou dire que ce n’est pas toi en photo. » C’est violent. On peut donc leur partager des textes de lois, les renvoyer vers des contacts juridiques ou médicaux. L’accompagnement psychologique est très important, la plupart des femmes qui ont vécu un cyber-harcèlement sexuel nous font part de leur envie de se suicider, elles ont parfois des troubles alimentaires, s’automutilent. 

Quelles actions reste-t-il à mener ?

Il faudrait que les équipes de modérateurs soient correctement formées aux questions de discrimination et d’oppression et surtout qu’elles soient plus nombreuses. Et il faut surtout que les modérations pour les cas de cyberviolences soient tout autant effectives que pour tout ce qui est propriété intellectuelle, droits d’auteur, etc.

Pour consulter le travail des Féministes contre le cyber harcèlement, rendez-vous sur ici