On est beaucoup à privilégier les professions d’avocats, dans la finance ou la communication, et à délaisser les métiers manuels. Pourtant, certaines personnes empruntent encore cette voie et y prennent un plaisir fou. Marius fait partie de celles-là. A bord de son taxi londonien, il sillonne Paris pour aiguiser nos couteaux, et perpétue ainsi une tradition presque tombée en désuétude aujourd’hui. Le Bonbon est parti à sa rencontre.
C’est par un gris matin d’octobre que je rencontre Marius. Le rémouleur m’a donné rendez-vous quai de l’Hôtel de Ville. Je l’aperçois alors à l’arrière de son taxi londonien, attelé à son ouvrage. Avec sa salopette, sa casquette vissée sur la tête et ses sabots aux pieds, le bonhomme semble tout droit sorti d’une autre époque. Posté devant une école de cuisine, il a pour mission d’affûter 70 couteaux. « Il me faut une minute par couteau », me glisse-t-il.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Marius n’est pas rémouleur depuis toujours. Il y a cinq ans, à 51 ans, après avoir passé sa vie à être cuisinier (et à aiguiser ses propres couteaux), il décide de devenir affûteur sur un coup de tête. « Tout le monde m’a dit "je te garde ta place (en cuisine, ndlr), vas-y essaye", ils y croyaient pas, et moi j’me suis dit, "si ça marche pas qu’est-ce que je risque ?" ».
© Olivia Sorrel-Dejerine
A bord de sa voiture anglaise, il commence alors à arpenter les rues de la capitale. De restaurant en restaurant, le bouche à oreille fonctionne et le succès ne tarde pas. Car contrairement aux autres rares rémouleurs typiques, Marius se déplace, n’importe où. Il suffit de fixer un rendez-vous, et l’artisan sera là, prêt à aiguiser les couteaux sur place en un rien de temps. Des bouchers, poissonniers, coiffeurs, particuliers aux grands chefs tels que Thierry Marx, en passant par couturières du Moulin Rouge, de chez Chanel ou Gaultier, il affûte les lames du Tout-Paris.
« Faut-il un talent particulier ? » lui demande-t-on. « Il faut être très manuel, c’est un geste sur la meule. Si tu l’as, tu l’as », dit-il simplement.
© Olivia Sorrel-Dejerine
Le rémouleur au look de titi parisien ne cache pas sa fierté d’avoir remis ce métier au goût du jour : « les gens parlent de moi, donc du métier, on revient un peu en arrière parce qu’on va tellement vite en avant que des fois on se perd ». Mais surtout, Marius adore ça, notamment grâce aux rencontres, parfois incongrues, qu’il fait tous les jours. « Une fois je roulais sur le périph’ et comme j’ai la conduite à droite, il y a un mec qui se met à ma hauteur, et qui me dit "j’ai un couteau à faire", je lui ai dit "prochaine sortie ?" et hop, on s’est arrêtés en haut de la rampe et j’ai affûté son couteau ».
Gare aux pessimistes qui pensent que ce métier pourrait disparaître, l’affûteur soutient au contraire qu’il ne se perdra jamais. « On aura toujours besoin de se faire couper les cheveux, et un coiffeur aura toujours besoin qu’on affûte ses ciseaux. »
Si vous avez des couteaux à aiguiser, contactez Marius !
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Marius
Tél. : 06 59 62 98 99