Tendance healthy : quand la quête du bien-être vire à l\'obsession

undefined 17 janvier 2017 undefined 00h00

Olivia

Pas de gluten, pas de lactose, pas de viande, pas de gras, la tendance healthy s’est emparée de nos assiettes. Au moindre "mauvais" aliment ingurgité, on culpabilise… Les spaghetti et leur gluten, les chips et leur huile de palme, le saumon et son mercure. Cette quête de manger sain ne serait-elle pas en train de virer à l’obsession ? 


Manger healthy : simple mode ou réelle tendance de fond ?

Tout droit venu de Californie où le culte de soi est roi, le phénomène healthy signifie "manger sainement". A l'origine, le terme désigne les personnes qui adoptent un régime végétarien, voir végétalien ("vegan" : sans chaire animale, ni œufs, ni produits laitiers, ni miel), et entretiennent leur forme physique. « Ce phénomène s'est propagé par les réseaux sociaux, au début c’était les mannequins, les personnes influentes qui partageaient tout ce qu’elles faisaient », explique Amélie, créatrice du blog vegan et de la chaîne YouTube Amelie Tahiti.

Plus qu'un mode de vie, le phénomène healthy serait avant tout un état d'esprit. « C’est une façon d’être en harmonie avec soi-même, et ça passe par la nourriture, en incorporant plus d’aliments naturels, de fruits, de légumes, et par le sport », précise Amélie. 

Au-delà de cette folie des réseaux sociaux, l’adoption du mode de vie healthy participe d’une prise de conscience générale. Les scandales à répétition concernant les pesticides d’une part, et la viande d’autre part nous ont donné envie de manger autrement. C’est notamment ce qui motive de nombreuses vegan à adopter ce régime alimentaire. « Je savais que c’était mieux pour la planète et pour les animaux », confie Amélie.

Mais selon le nutritionniste Jacques Fricker, toute cette mouvance ne serait finalement qu’une mode.

« Ces régimes sans gluten, sans gras, ce sont des modes parce qu’on a besoin d’avoir des peurs et des boucs émissaires qui pour la plupart du temps ne sont pas justifiés », nous explique-t-il.

« Ce n’est pas "bien manger" que de considérer qu’il y a des aliments – viande, lactose – ou des habitudes alimentaires qui sont très très mal par rapport aux autres ».

A l’inverse, Emma Sawko, fondatrice de Wild & The Moon, la cantine végétale et sans gluten la plus hype du Marais, refuse de parler de mode. Imprégnée depuis son enfance par cette façon de manger – « quand je rentrais de l’école, il y avait du vert et des graines dans mon frigo » -, elle prône l’authenticité de ce concept, et explique son succès par une chose très simple : « les gens en ont marre de mal se nourrir ».

« Tout cela vient à un moment où on ne sait même plus ce que renferme vraiment ce terme "healthy". Il signifie des choses différentes selon les gens » déclarait Sarah Ginestro, une cadre dirigeante lors du colloque Most Powerful Women organisé par le magazine américain Fortune en décembre dernier et réunissant les femmes américaines les plus influentes dans le secteur du business.

« La définition de ce qui est healthy a évolué au cours du temps. Aujourd’hui, je pense qu’il s’agit de donner aux gens accès à de la vraie nourriture. C’est aussi simple que cela », conclut-elle.

Selon les experts du colloque, cette velléité des consommateurs de manger des aliments frais et sains serait une réelle tendance de fond, et non une simple mode.

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En page 2, on te parle de l'orthorexie, ou quand l'habitude vire à l'obsession malsaine

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Pourquoi on devient addict

Privilégier les produits bio, bannir la viande, le gluten, le lait… en limitant autant notre alimentation : l'obsession d’être en bonne santé ne prendrait-elle pas le pas sur notre plaisir gustatif ? Que nenni, répond Emma Sawko.

« Consommer de cette façon-là, ça a quelque chose de très addictif, parce qu’on sent vraiment un effet sur la santé » explique-t-elle. « On a plus de vitalité, on sent qu’on a une plus jolie peau, il y a beaucoup "d’effets secondaires" positifs. »

En mangeant sain, on éduque son palais autrement et on a du mal à se retourner vers une alimentation industrielle ou la junkfood. La blogueuse Amélie confirme : « Quand on mange de la nourriture préparée, ça n’a pas le même goût. Maintenant, j'ai naturellement envie de consommer des choses fraîches, le corps s’habitue à ça. »


L'orthorexie : quand l’habitude vire à l’obsession 

Au début des années 2000, le terme "orthorexie" est apparu, pour définir ce phénomène "d’obsession de l’alimentation saine". « L’orthorexique se fixe une éthique alimentaire rigoureuse, composée de règles strictes, qu’il s’astreint à respecter quotidiennement (…) Il opère une dichotomie entre le sain et le malsain », explique Camille Adamiec, auteur d’une thèse sur le sujet. « Ce cadre règlementaire rigoureux va rendre complexe et (parfois) difficultueux l’acte de se nourrir au quotidien. » 

De façon assez surprenante, cette "maladie" aurait été créée en grande partie par les producteurs de sucre pour essayer de ridiculiser les conseils d’équilibre alimentaire, confie le Dr Fricker. Attention donc à ne pas faire d’amalgame.

« Autant il est néfaste pour le corps et pour l'esprit d’être obsessionnel sur l’alimentation, de se dire qu’on ne mangera jamais ci ou jamais ça, autant avoir compris qu’il vaut mieux privilégier certains aliments que d’autres, c’est un équilibre alimentaire », explique-t-il. Sombrer dans le trop sain pourrait être néfaste pour la santé mentale.

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La solution miracle ?

Alors même si les bénéfices de certaines superfood sont avérés, il est en revanche faux de penser que « manger sans gluten et sans lactose, c’est manger sain », explique le Dr Fricker. « Manger sain, c’est beaucoup de fruits et légumes, c’est des produits laitiers, des pâtes (bon pour la santé et bon pour le goût), du pain. »

Le mode de vie idéal serait donc d'adopter une alimentation équilibrée – chose que l’on a tendance à oublier.

Et même les adeptes de la cuisine healthy sont d’accord. « Moi-même je suis contre les dogmes, je mange végétalien, mais je ne suis pas végétalienne », explique Emma de Wild and The Moon. « Je mange de tout, si je connais la provenance, si je sais comment c’est produit, il n’y a pas de problèmes. » Arrêter d’être dans l’excès, voilà peut-être la clé.