Depuis 1921, la République de Montmartre s’est fixée le but de faire rayonner la réputation artistique de Montmartre et de poursuivre l’action caritative entamée par ses fondateurs. Que devient aujourd’hui cette association de truculents épicuriens au cœur gros comme la butte ? Gravissant courageusement les escaliers menant à leur fief, on est allé à leur rencontre.
Nous voilà accoudés à La Bonne Franquette, célèbre resto de la Butte qui nous plonge immédiatement dans l’atmosphère du Vieux-Montmartre. A la table d’à côté, des membres de la République sirotent joyeusement leurs verres, une femme au caractère bien trempé et à la voix rieuse entame une chanson de cabaret. La machine à remonter le temps opère. Alain Coquard, président de la République de Montmartre fait son entrée, non sans quelques acclamations. Elu en 2012, puis réélu en 2015 à l’unanimité, c’est lui qui nomme et révoque ses ministres. Ils sont 800 membres à travers le monde, dont certains au Costa Rica, en Italie, au Japon. « On voyage beaucoup pour faire rayonner le patrimoine montmartrois. On a des ministres pour chaque domaine. Le plus jeune, Paul Dureau, a 23 ans, il est ministre des Chansonniers. » Ce Lyonnais d’origine en impose, autant par sa carrure que par sa bonhomie.
Alain Coquard, préseident de la République de Montmartre intronise deux nouveaux membres © Frédéric Loup
Cette grande famille ultra conviviale a été imaginée « un soir d’hiver morose de 1920 » à La Taverne de Paris, au 3 avenue de Clichy, (aujourd’hui disparu) par le dessinateur humoriste Joë Bridge : « Citoyens, Citoyennes, fondons dès ce soir La République de Montmartre et répondons à l’exaltation de l’esbroufe et du bluff par la blague sans pitié, la charge outrancière et les ridicule achevé. En même temps, réveillons le vieux lion populaire en le faisant se souvenir de ce qu’il fût ! Organisons des fêtes, amusons-le car il meurt littéralement d’ennui dans son antre ! » De grands artistes de la Butte comme Fernandel ou Mistinguett s’y joignent pour défendre l’esprit montmartrois à travers des actions culturelles et caritatives. « Tous les ans, nous organisons une biennale d’art ou du livre. Il y a aussi la Fête des vendanges de Montmartre, le Noël des enfants. On perpétue la devise de la République : "faire le bien dans la joie." »
Une ambition artistique et caritative
Pour la 8e biennale du livre en novembre dernier, leur éminent ministre de la Nuit, Michou, est venu présenter son ouvrage : Michou, Prince bleu de Montmartre ; dont tous les droits d’auteur seront reversés aux P'tits Poulbots, le dispensaire créé par Francisque Poulbot, membre fondamental de la République, pour aider les enfants nécessiteux de Montmartre. Pour Michou, Montmartrois d’adoption, « c’est un véritable honneur de faire partie de la République. Quand on me demande si j’habite à Paris, je réponds : « Non, un petit village juste à côté qui s’appelle Montmartre. Quand j’ai connu la Butte, il y avait du folklore, des baladeuses dans les rues, de la folie, c’était autre chose… J’adore les lieux emblématiques comme le Moulin Rouge ou le Théâtre des deux ânes, c’est l’âme des lieux. » Sa coupe de champagne à la main, Michou incarne à merveille la généreuse folie des artistes montmartrois qui affichent un humour corrosif : « je suis tout en bleu parce que j’ai fricoté avec un Schtroumpf », lâche-t-il en un clin d’œil.
Michou présente son livre Michou, Prince bleu de Montmartre à la 8e Biennale du livre de la République © Frédéric Loup
Munis de leur écharpe rouge, leur cape et leur chapeau noir, célèbre tenue d’Aristide Bruant immortalisée par Toulouse-Lautrec, les membres de la République incarnent une institution à part entière.
Une véritable institution
Ces généreux épicuriens s’investissent dans de nombreux événements institutionnels parisiens. Ils offrent par exemple le muguet à Anne Hidalgo pour le 1er mai. La Maire de Paris semble d'ailleurs faire presque partie de la bande comme en témoignent ses mots sur la République : « Les vendanges y sont fraternelles et les déjeuners interminables. Jamais le vin n’y tourne au vinaigre. […] Voilà ce que promet de folklore hérité des confréries d’antan et ce que tiennent parfaitement les Montmartrois de ce temps. Longue vie à la République de Montmartre ! »
Anne Hidalgo en compagnie de la République de Montmartre devant leur fief, A la Bonne Franquette © Frédéric Loup
Les joyeux lurons sont aussi là pour sauvegarder la Butte. « On s’engage aussi pour défendre notre patrimoine », explique le Président. A l'image de la Cité des Arts de Montmartre qui grâce à leur mobilisation, sera finalement réhabilitée. Pour Veronica Antonelli, artiste lyrique ambassadrice à Toulouse et en Occitanie, le but est de « réfléchir à des projets culturels un peu atypiques par rapport à notre société. On représente aussi le patrimoine immatériel de Montmartre avec tous ces artistes qui y ont vécu. On mange bien, on s’amuse beaucoup surtout. » Et puis, tous ces personnages dignes d’un roman de Balzac ont selon elle un vrai plus : "l’esprit rebelle montmartrois."
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