Est-ce bientôt la fin des connards sur Internet ?

undefined 13 octobre 2017 undefined 16h18

Olivia

Les connards, on en trouve partout, et peut-être même plus qu’avant. C’est en tout cas le parti pris de Richard Sutton, prof' en psycho' à Stanford et auteur du Asshole Survival Guide ("Guide de survie anti-connard" en VF). Parmi les divers facteurs de cette recrudescence de méchanceté, on retrouve la technologie, miroir des discours haineux sur la toile. Face à cette prolifération, on adopte donc des mécanismes de protection. Pas sûr pour autant que cela signe la fin des connards sur le net.  


2017, année phare du connard

Dans son livre, Richard Sutton décrit le connard comme « une personne qui dénigre, épuise et manque de respect aux autres ». Bien qu'il n’existe aucune statistique pour le prouver, l'auteur soutient que l'on ferait face à une recrudescence de connards. Un des facteurs en cause ? La technologie qui permet la prolifération de la méchanceté aussi vite que la maladie. « Une seule exposition à la méchanceté, tel qu’un email où l’on se fait insulter, peut transformer une personne en un "porteur", similaire à la contagion d’un rhume », explique-t-il

L'auteur souligne également cette tendance des gens à être nettement plus méchants lorsqu'ils n’ont pas de contact visuel à établir. Mais c'est surtout le rythme effréné et la manque de sommeil engrangés par la technologie et cette rapidité à laquelle on s'est habitué qui nous feraient plus facilement perdre notre sang froid. 

Par ailleurs, l'augmentation de connards médiatisés - Bonjour Trump et ses tweets à foison - amplifie le phénomène de contagion. Connard ou pas, il n'en demeure pas moins que les discours haineux prolifèrent bien plus rapidement avec Internet et son effet de miroir grossissant.  


La solution : se barricader
 

Pour endiguer cette dynamique haineuse qui prospère sur Internet, le groupe de réflexion Renaissance Numérique a lancé en juillet dernier le site seriously, une plateforme pour désamorcer la haine en ligne. Cet outil numérique nous donne ainsi des arguments concrets et des conseils sur quel comportement adopter (humoristique, raisonné…), histoire d'être moins à cran. Quant au tumblr PayetonTroll, il répertorie les témoignages de femmes victimes de cyber harcèlement impuni. 

https://payetontroll.tumblr.com/post/160439247511/une-définition-bien-personnelle-du-féminisme

Autre solution qui s'offre à vous : bannir Twitter, qui depuis son test de messages à 280 caractères se voit accuser de donner encore plus d’opportunités aux cyber harceleurs pour sévir. Le réseau social affirme pourtant vouloir lutter contre les contenus "abusifs" et le harcèlement, et a notamment instauré en mars dernier une sanction automatique de certains comptes problématiques repérés par un algorithme. 

Il vous est impossible de quitter le net ? Optez donc pour l’appli Polygram qui remplace les commentaires par des émojis. Avec un système de reconnaissance faciale, l’application analyse notre réaction et la transforme en émoticon. Alors même si votre interlocuteur a envie de vous insulter, il ne pourra le faire qu’avec un smiley. 

Le gouvernement prend aussi des mesures. En février, Najat Vallaud-Belkacem annonçait la participation de la France au Safer Internet Day, un événement mondial organisé par le réseau européen Insafe pour sensibiliser les jeunes et leurs familles à un usage responsable du web. Le ministère de l'Education a aussi élaboré Non au Harcèlement, un guide pour prévenir et faire face au cyberharcèlement. 


Vers une forme d'autocensure

Au-delà du harcèlement, cette peur de se faire critiquer nous pousserait jusqu'à l'autocensure. C’est ce qu’explique le chercheur hollandais Tijmen Schep avec sa théorie du "social cooling" (ou "refroidissement social"). Selon lui, à force de se sentir scruté, jugé, voir noté sur Internet, on ferait extrêmement attention à notre comportement sur les réseaux sociaux.

Dernier exemple en date, Julia Molkhou, chroniqueuse sur Canal +, qui après avoir livré sur Twitter son expérience de harcèlement sexuel dont elle a été victime au moment du hashtag BalanceTonPorc, s’est vue devenir la cible de nombreux détracteurs, au point de regretter de s’être exprimée. « J'en arrive à regretter d'avoir evoquer ce souvenir vieux de plus de 10ans. Vos réactions me glacent. #BalanceTonPorc », a t-elle tweeté le 15 octobre dernier.

Vivre dans cette « économie de la réputation » nous conduirait à une culture de la conformité. Nos posts sur Insta ou Facebook se ressemblent tous - bouffe, paysage, semblant de vie idyllique -, notre peur du bad buzz nous poussant à agir comme des moutons.

Phénomène que Titiou Lecoq, auteure, blogueuse, et journaliste spécialiste des réseaux sociaux expliquait dès 2015 sur ChEEk Magazine :  « Au tout début, on ne maîtrisait pas du tout les règles, on pouvait mettre des photos qui n’étaient pas valorisantes. Aujourd’hui, il y a des codes esthétiques, on ne voit passer que de très jolies photos. Le côté brut, avec Instagram et ses filtres notamment, a disparu.» Une évolution qui aurait selon elle « le même effet pervers que la publicité: on a l’impression qu’il existe une vie parfaite, une bouffe parfaite, une maison parfaite, une déco parfaite, un mec parfait et des enfants parfaits ». Résultat, « ça crée une espèce de frustration permanente car, comme pour la pub, on a beau acheter des crèmes, on n’aura jamais la peau parfaite de la nana. C’est pareil avec la vie parfaite, on ne l’aura jamais non plus». 

En plus de nous pousser à être tous pareils, les réseaux sociaux nous dépriment, et aurait même pour effet d’ôter la spontanéité dans nos rapports humains, Tijmen Schep donne notamment l’exemple de cette crainte qu’une "mauvaise" photo soit diffusée sur les réseaux sociaux. 

Quelle solution pour arrêter d'être trop lisse ? « Continuer à enfreindre nos règles, faute de quoi on sera certes mieux élevés, mais moins humains… », conclut Tijmen Schep. Et surtout dire merde à tous les connards du net.