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Nicole Garcia apporte son Mal de pierres à l\'édifice du cinéma français

undefined undefined 31 octobre 2016 undefined 00h00

undefined undefined 29 novembre 2016 undefined 14h20

Louis Haeffner

Il y a les films que l'on regarde, ceux que l'on écoute, d'autres encore que l'on essaie de comprendre... Mal de pierres est un film que l'on regarde, que l'on écoute, que l'on goûte, que l'on sent, et surtout que l'on ressent. Le jeu sublime de Marion Cotillard, certes, mais surtout la réalisation ultra-sensorielle de Nicole Garcia résultent en un film intense, d'une beauté physique qui foudroie littéralement le spectateur.


On savait Nicole Garcia adepte d'un cinéma qu'on pourrait qualifier de "féminin", dans le sens où ses films portent à l'écran avec force des personnages du sexe faible. Cette entourloupe verbale ne doit cependant pas nous faire perdre de vue la composante principale de la "manière" Nicole Garcia, qui est en réalité la recherche d'une sensorialité presque naturaliste. Ce procédé, qui a pour but de toucher le spectateur en lui présentant des personnages à fleur de peau, est ici appliqué avec un brio remarquable. 

critique cinema mal de pierres

Gabrielle, le personnage principal, passe ainsi la première partie du film a essayer de gérer son besoin d'amour, de passion, de contact physique. On le ressent avec beaucoup de force grâce au jeu impressionnant de Marion Cotillard, habitée, brûlante, en permanence au bord de l'implosion, presqu'inquiétante. Ainsi la première scène du film donne le ton avec une certaine poésie, Gabrielle faisant tremper son pubis avec - semble-t-il - délectation dans l'eau cristalline d'une rivière provençale. C'est beau, mais on sent tout de suite qu'il y a quelque chose de suspect, de dysfonctionnel. 

La sensualité qui se dégage avec tant de puissance de Gabrielle est aussi due au choix du décor : la Provence, sèche et aride, en été, la chaleur, la rivière toute proche : on est ici dans un symbolisme presque grossier, mais les images sont d'une beauté solaire telle qu'on est comme essoufflé par la tension sexuelle ambiante. Marion Cotillard est belle à se damner, juste, intense, à la limite de la folie. La phrase de la mère de Gabrielle résume d'ailleurs parfaitement son personnage : « elle n'est pas folle, [...] elle a seulement besoin d'un homme dans sa vie. » 

Cela étant (très bien) fait, le film peut commencer. Gabrielle se marie sous l'impulsion d'une mère aimante mais rétrograde, son mari José (Alex Brendemühl, regard azur et barbe dure) l'idolâtre et la comprend malgré elle, et décide donc après fausse couche de faire soigner sa "maladie de la pierre" dans un sanatorium en Suisse. C'est là qu'elle rencontre André, un officier français revenant d'Indochine et atteint d'un mal qui le fait énormément souffrir. Louis Garrel, fidèle à lui-même, compose un personnage au charme taciturne, offrant chacune de ses paroles comme un trésor rare et inestimable.

André et Gabrielle vont finir par s'aimer, c'est la scène-clé du film, le point culminant à la fois scénaristique et esthétique du film ; une merveille de "scène de cul", d'une sensualité moite et vibrante, filmée avec une pudeur respectueuse qui montre deux corps se mélangeant à la perfection.

Nicole Garcia réalise sûrement ici son film le plus abouti avec un portrait de femme complexe, victime d'elle-même mais résiliente, qu'elle filme avec une sensibilité minutieuse et admirative. Marion Cotillard, quant à elle, donne (à nouveau) la pleine mesure de son talent ; elle compose dans Mal de pierres une véritable allégorie de la passion, nerveuse et magnifique.