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Sapé comme jadis, le compte insta du street-style à l’ancienne

undefined undefined 7 mai 2019 undefined 12h06

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Sarah Leris

D’où viennent les tendances des leggings, des crocs et des ballerines ? D’il y a beaucoup plus longtemps que ce que l’on pouvait penser, d’après cet Insta.


Pour tous ceux qui n’en peuvent plus des photos de street-style des dernières fashion weeks qui polluent Instagram, on a la solution : Sapé comme jadis. En d’autres mots, un compte insta qui s’intéresse aux prémices de la mode, la vraie.

S’entremêlent donc photos du siècle dernier et peintures de la Renaissance, toutes accompagnées de légendes qui reviennent sur les origines des tendances qui s’y trouvent. Références historiques et gros modeux au programme. Ainsi, on en sait plus sur les choix vestimentaires de la reine Elisabeth II, par exemple. Florilège.

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Quand elle épouse Napoléon, après avoir échappé à la Révolution, Joséphine de Beauharnais porte encore les robes blanches en gaze de soie et en mousseline qui émoustillaient les dîners dans les dernières années de l’Ancien Régime. La mode est aux robes antiques, depuis que plusieurs médecins, et Jean-Jacques Rousseau, ont déclaré la guerre au corps à baleines. Pour se protéger du froid, Joséphine s’enroule dans les châles en cachemire que Napoléon lui rapporte de sa campagne d’Égypte. Ça caille, surtout qu’on se trimballe à moitié à poil sous sa mousseline, au point de dévoiler la couleur de sa jarretelle. Mais les choses s’emballent, et Bonaparte devient premier Consul, puis carrément Empereur. Finie la gaudriole, maintenant qu’on a un empire, il faut qu’il ait de la gueule. D’autant qu’un autre sujet chagrine Napoléon : mousselines et cachemires viennent d’ailleurs, et principalement d’Angleterre, l’ennemi. C’était bien la peine d’aller en Égypte barrer la route des Indes si c’est pour retrouver des poils de chèvres sauvages d’Asie centrale dans son canapé. Déterminé, Nap déchire même les robes de Joséphine, quand il les soupçonne d’être étrangères. Bonaparte ambitionne en fait de replacer la France dans le business du luxe, à son niveau d’avant la Révolution. Joséphine doit représenter l’élégance et le savoir-faire du pays, ce qu’elle fait d'ailleurs sans rechigner, à coups de deux paires de chaussures par jour. Les robes style Empire, faussement simples avec leur taille haute et leurs petites manches ballon, coûtent très cher. Elles sont cousues de bandes de tissus enrichis, brodées d’or et de perles, ce qui a en outre le mérite d’alourdir les tissus légers, et de faire tomber droit les jupes. Progressivement, le velours et d’autres tissus plus épais reviennent, résultats des efforts pour développer l’industrie française et couvrir les excès des décennies passées. Le retour à l’ordre passe aussi par le vêtement…

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Pour des raisons politiques, et parce qu’elle n’a pas de pénis, Marguerite de Valois n’a d’autre choix que d’épouser Henri, vaguement roi du pays Basque, et même pas catholique. Outre qu’il préfère la chasse et la bagarre au savon, Henri n’a à ce moment-là aucune chance de devenir roi de France. Dégoûtée, Margot se réfugie dans les nippes et les cosmétiques, avec pour objectif d’étaler le faste de la cour de France dans ce trou paumé qu’est la Navarre, et éventuellement de draguer un ou deux Béarnais. Pour parvenir à ses fins, Margot se couvre de velours de Gênes brodé de fils d’or, abandonne les fraises, et choisit des teintes chaudes, rouge-orangées, alors qu’on porte plutôt du noir. Tout ça émoustille, on la trouve un peu hardie, si ce n’est carrément culottée. D’autant que Marguerite se parfume lourdement, convaincue que l’odeur éloigne pêle-mêle la peste, le choléra, le mauvais oeil, et peut-être même son mari. Elle embaume l’ambre, le musc et le jasmin, c’est sensuel, animal, et ça n’arrange pas son cas. Margot n’y va pas non plus de main morte sur le maquillage. Pour accentuer la pâleur de son teint, elle étale des préparations à base de métaux lourds - carbonate de plomb et mercure - sur son visage, tel un masque de plâtre. Ça brûle, ça dessèche, ça abime les gencives, mais c’est très à la mode, car ça permet de cacher ses émotions. Notamment quand sa belle-mère, la très protestante Jeanne d’Albret, la traite de fille des rues. Répudiée pour absence de progéniture, Marguerite finit sans dents, sans cheveux, mais avec une perruque constituée, dit-on, des poils de ses amants. La légende de sa vie délurée, inventée trois siècles plus tard, est aussi la conséquence de ses choix vestimentaires.

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Quand elle accède au trône en 1953, Elizabeth doit faire face à l’épineux problème de comment s’habiller pour aller au boulot sans avoir l’air d’une reconstitution historique. La dernière souveraine avant elle date du 19è, un siècle où on pouvait encore réquisitionner 14 manants pour porter sa traîne en dentelle. Mais Elizabeth veut coller à son époque et paraître - un peu - moderne, sans aller jusqu’à mettre des pantalons. Le premier impératif est de ne pas faire de faux-pas. Les ourlets de ses robes sont lestés, pour éviter qu’ils se soulèvent dans une bourrasque, ou qu’ils se coincent dans une culotte. Ses tenues sont conçues pour répondre à tous les imprévus, stylistiques et pratiques, tel revêtir le manteau de plume néo-zélandais qu’on vient de lui offrir, ou chevaucher l’éléphant pakistanais qu’on vient aussi de lui offrir. Par loyauté, Elizabeth ne fait appel qu’à des créateurs britanniques. Dans les pays chauds cependant, on l’autorise à mettre des tissus locaux, afin d’éviter qu’elle suffoque sous du fil d’Ecosse. Bien que la reine d’Angleterre soit très peu utile, ses vêtements sont pensés comme un outil diplomatique : avant chaque visite, une team est dépêchée pour enquêter sur les symboles nationaux, croyances liées aux couleurs, et même décors des podium où elle interviendra. Au Kenya, elle met du vert comme le drapeau, en Australie, du jaune comme la fleur nationale, aux Jeux Olympiques du rose car ce n’est aucun pays. Personne ne l’oblige pourtant à porter des couleurs aussi vives. Si Elizabeth a décidé de consister en un manteau rectangulaire fluo et un couvre-chef rond assorti, c’est parce qu’elle mesure 1m63, et qu’elle a besoin d’être signalée de loin. Elle a donc créé une sorte de charte graphique qui permet de l’identifier immédiatement au milieu d’une foule et de montrer qu’elle est la reine, sans avoir à trimballer sa couronne.

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Dans l’Egypte antique, le léopard n’est pas un animal sacré, contrairement à d’autres animaux qui sont sacrés tel le lion, et plus bizarrement le scarabée. On peut donc le tuer et s’en faire des robes, comme Nefertiabet, prêtresse et soeur (ou peut-être fille) de Khéops, le même que celui de la pyramide. ⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀ ⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀ Ce n’est pourtant ni une tenue de soirée, ni une tenue courante. A cette époque, et pour encore des siècles, tout le monde porte du lin en Egypte. La laine et le cuir sont interdits dans les temples, et globalement mal vus parce que d’origine animale, alors qu’on essaie d’être civilisés. Comme il est difficile quand on porte du lin de se distinguer d’un autre mec qui porte du lin, le clergé et les hauts dignitaires ajoutent une peau de léopard négligemment posée sur l’épaule, parfois avec la tête et les pattes, ce qui peut surprendre considérant l’animalité d’une peau d’animal, quand on trouve que déjà la laine c’est trop.⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀ ⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀ ⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀⠀ L’explication vient peut-être d’un épisode de la mythologie: Seth, dieu assez foireux, se déguise en léopard pour approcher la dépouille d’Osiris. Mais Anubis l’attrape et le brûle avec un truc chaud, laissant sur son pelage les tâches qu’on connaît, avant de le dépecer et de le mettre sur son dos. Les prêtres l’imitent pour rappeler à ceux qui veulent s’approcher des tombeaux que c’est pas la peine. Réservée aux plus riches, la fourrure reste rare… C’est sans doute pour cela qu’on a retrouvé des robes de lin tachetées imitant la fourrure du fauve, un des premiers cas de contrefaçon de l’histoire.

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