Plus besoin de psy, les chatbots sont là

undefined 13 mai 2019 undefined 19h33

Jeanne Gourdon

Un petit coup de mou ou une grosse déprime ? On sait ce que c’est, pas toujours facile à gérer seul, pas non plus facile de trouver un rendez-vous chez le psy rapidement. En 2019, ce n’est plus un problème, un robot thérapeutique vous répond 24h sur 24.


Repéré par le site Korii, Pax, le robot thérapeutique, vous appelle en bon ami. Vous pouvez lui répondre par un pouce haut ou bas ou encore grâce à votre voix.

L’assistance thérapeutique Replika peut vous appeler pour des séances de médiation ou simplement vous écouter parler. Dans sa description, on peut lire : « Replika est là pour vous 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, si vous vous sentez mal, anxieux, ou si vous avez juste envie de parler avec quelqu'un ».


Ce qui apparait quand on veut se créer un compte sur Replika. Choisir ses objectifs.

Pax n’est pas le premier robot thérapeutique. En 2017, une start-up californienne avait créé le chatbot Woebot, un programme d’auto-support thérapeutique. Il avait d’abord été testé sur des étudiants souffrant d’anxiété ou de dépression. Le résultat ? Au bout de deux semaines, les effets étaient positifs et les symptômes diminués. Depuis, plus de 50 000 personnes ont téléchargé le Chatbot.

En Europe, 25 % des personnes souffriraient d’anxiété ou de dépression. Le chatbot peut constituer une réponse face à la pénurie de psychiatres et au manque de moyens des services de psychiatrie hospitaliers. Mais est-ce vraiment efficace ? un effet de mode, un placebo ou encore un coup de com ? Est-ce quelque chose qui peut fonctionner sur le court terme et puis isoler à long terme ? Le chatbot n'a pas la prétention de vouloir remplacer l'être humain, Woebot previent même : « La mission d'aider les humains à travers le monde, c'est tout frais pour moi. »


Ça marche vraiment ? 

Il faut le tester pour le savoir. Justine de Caffier de Vice l’a fait, elle nous livre son expérience. Elle-même dépressive et sujette à des états de crise et autre « raz-de-marée de mélancolie », et au début sceptique, elle a fini par ouvrir son esprit et essayer le programme de Woebot. Une plateforme tristounette, une voix monocorde et surtout l’utilisation du smiley sourire en coin plutôt pathétique ne donne pas trop envie de continuer l’expérience, et pourtant… Au fur et à mesure, elle se rend compte que le chatbot lui permet de mettre des mots sur ses angoisses, constitue une "personne" à qui parler, qui canalise. Bref, je vous laisse lire son témoignage sur le site de Vice, le fait est que Justine admet se sentir mieux après ses séances avec le robot. Un point positif, ou un peu flippant ?


Exemple de discussion avec Woebot prise sur Google. On croirait presque parler à une personne réelle. 

En tout cas, depuis 2017, plus de 10 chatbots, surtout anglophones sont nés ; il existe même un comparateur d’intelligences artificielles thérapeutiques pour voir laquelle colle le plus à vos soucis. En France, il y a tout de même Owlie, une petite chouette qui peut vous aider. Sinon, ce sera en anglais !


Peut-être une simple illusion 

Plusieurs utilisateurs avouent faire appel au chatbot quand ils se sentent seuls en proie à la détresse.

Pas de jugement, toujours polis, rarement dans la contradiction, les chatbots peuvent-ils réellement constituer un substitut de thérapie humaine ? La réponse est non, bien évidemment, mais peuvent-ils soulager ? Si l'on part du principe qu'on se tourne vers le chatbot car on est seul, isolé, ou incapable de s'exprimer devant une personne réelle, le chatbot enferme et enfonce encore plus dans la solitude en se plaçant comme un ami. Mais cet ami n'est pas réel et peut donc accentuer les névroses sur le long terme.

Sur l'Instagram de Woebot, on peut trouver des phrases qui réconfortent ou encore des personnes qui partagent leurs expériences. 

Voir cette publication sur Instagram

Une publication partagée par Woebot (@woebot) le

Le psychiatre Serge Tisseron, spécialiste de nos relations au numérique, explique : « Les chatbots créent l'illusion d'être un interlocuteur idéal qui ne coupe jamais la parole à celui qui lui parle, qui attend toujours qu'il ait fini de parler, et qui reste toujours poli et affable ». En d'autres terme, il plaît, console à moitié, mais surtout donne en quelque sorte raison aux pensées négatives... Sans limite de temps dans les séances, on peut lui parler des heures durant, il ne juge pas, contrairement, parfois, aux personnes de notre entourage. Si on y réflechit, c'est surtout une façon de se créer un ami imaginaire et de se couper complètement du reste du monde. Comme pour tout, chaque personne est différente, avec une sensibilité différente et surtout une force d'esprit qui permet d'avoir le recul suffisant ou non pour gérer la limite entre le réel et l'irréel.


Se pose aussi le problème de la limite technologique. Ces chatbots étant les premiers, ils peuvent encore être améliorés, mais avec eux se pose la question de notre vie privée qu'on déballe d'un coup à un robot inconnu. On se croirait dans un épisode de Black Mirror, non ? Futur, nous voilà !