Montmartre : un prédateur sexuel court les rues 

undefined 2 juillet 2020 undefined 12h17

Manon Merrien-Joly

« Un pervers parmi tant d’autres », « père Noël malsain », amateur de « viande bien fraîche » : une quinzaine de témoignages recueillis par la journaliste Pauline Grand d'Esnon pour le magazine Néon concordent pour accuser Wilfrid A., photographe et street-artist, de violences sexuelles. Le quinquagénaire s'est fait connaître après avoir réalisé la photo de la pochette de l'album Authentik du groupe NTM en 1991 puis plus récemment pour son graffiti "l'amourt court les rues" posé partout dans Paris après les attentats du 13 novembre 2015. 

Publiée le 22 juin dernier, l'enquête donne la parole à ces jeunes filles, apprenties modèles pour beaucoup ou travaillant dans le milieu artistique, approchées par Wilfrid A. sous le prétexte d'une séance photo organisée avec lui, se vantant d'être "influent", leur proposant de les "prendre sous (s)on aile". Gestes déplacés, attouchements, viol : les témoignages sont glaçants. 


Absence de consentement

Les langues se sont d'abord déliées sur un groupe Facebook où les modèles partagent leurs expériences de ces violences. Puis, au fil des témoignages recueillis et des captures d'écran de messages consultés par Néon, on décèle un "mode opératoire" similaire : Wilfrid A. aborde les jeunes filles dans la rue ou sur les réseaux et leur propose un verre, prétendant avoir des contacts dans le milieu de la mode. Certains témoignages décrivent des agressions dans la rue, d'autres se poursuivent chez le photographe ou pendant une séance photo ou Wilfrid A. commettrait des attouchements, pour "détendre" et "mettre en confiance" ses victimes. Plusieurs jeunes filles disent également avoir été incitées à boire, à fumer de la marijuana ou à prendre de la cocaïne. 

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Sur l'ensemble de l'enquête plane la "réputation" du street-artist, connu des gens du quartier : « C’était le gars qui traîne aux Abbesses et qui propose aux filles plutôt jolies de les prendre en photo. Parmi mon entourage, on avait toutes sa carte. » explique l'une des jeunes filles qui fréquentait un lycée du 18e arrondissement, âgée de 16 ans lorsqu'elle a été abordée par Wilfrid A. Son témoignage est appuyé par celui de sa petite sœur : « Dans notre secteur c’était un sujet de blague, un pervers parmi tant d’autres. Les Batignolles, Pigalle, Montmartre… C’était son terrain de chasse », explique la jeune femme.

Suite à la publication de l'enquête sur Facebook, de nombreuses femmes ont également témoigné dans les commentaires. On peut notamment lire : « Je ne peux pas rester silencieuse sur ce coup : je confirme les dires sur ce Wilfrid. J'ai également eu affaire à lui. On se dit souvent que si y'a pas pénétration y'a pas viol et que cela ne sert à rien d'informer les flics. J'ai eu tort. Je suis prête aujourd'hui à témoigner si besoin. C'etait en 2015 chez lui. » ou encore « Je pensais être folle, je suis choquée du nombre de victimes. Je m'en veux de ne pas avoir parlé plus tôt. » Certaines ont également partagé des captures d'écran : 

Sur les seize jeunes femmes interrogées, une a porté plainte, au lendemain de la publication de l'enquête. Les victimes n'osent pas parler car (oh, surprise) elles se heurtent à un mur côté police. « J’ai eu affaire à une commissaire ou une gendarme qui a mis en cause toute ma parole. J’ai vraiment pas confiance. », explique notamment l'une d'entre elles. Contacté, Wilfrid A. n’a pas répondu aux sollicitations de Néon

Nous avons contacté la jeune fille qui a donné l'alerte au magazine Néon. Elle nous a expliqué avoir été agressée par le photographe à l'âge de 18 ans : « Il y a 7 ou 8 ans, nous explique-t-elle au téléphone. Et je me suis aperçue que depuis toutes ces années, il y avait encore des témoignages très récents. J'ai donc commencé à faire jouer mes contacts dans le modèle du mannequinat et des modèles nus assez militants et féministes, dans le milieu de la photo ce mec était connu comme le loup blanc, il y avait d'autres victimes. Et après la publication de l'article, on a eu une centaine de filles en tout qui ont témoigné, ça n’arrête pas depuis la publication de l’article. Néon a été inondé de messages, j'ai été inondée de messages, des personnes qui ont partagé ont reçu des messages. Clit Revolution (collectif féministe militant, ndlr) a pris les choses en main pour indiquer aux filles comment porter plainte et les a orientées vers une avocate. » Une plainte collective va être déposée.