Une douce matinée de week-end, les ventures vides et les babines alertes, une poignée de bons vivants s'est invitée du côté du 8ème arrondissement pour participer à un cours de cuisine. Au programme, deux heures d'élaboration d'un menu bistrot.
« J’imagine que tu peux remplacer ce jus par de la bisque de homard. » Michel, venu de Boulogne, feuillette un livre de cuisine avant d’entrer dans le vif du sujet : un cours de cuisine offert pour Noël par sa fille Ariane qui l’accompagne. Le rendez-vous est donné dans un hôtel particulier du 8e, accessible par un patio arboré.
À défaut de mener les hostilités, Guy Martin, chef émérite et fondateur de ces ateliers, a l’œil sur les recettes enseignées. Ce jour- là, c’est menu bistrot. Chaque semaine, une vingtaine de cours sont donnés autour de différents thèmes, de la pâtisserie à la cuisine gastronomique. Toutes les générations peuvent en profiter, le seul impératif étant le nombre restreint de participants, de façon à ce que tout le monde puisse mettre la main à la pâte.
Ici, ce sont six apprentis cuisiniers qui nouent fermement leur tablier avant de rejoindre le chef autour du plan de travail. Assidu, il a déjà décarcassé le lapin du plat principal, un râble façon royale (farci au foie gras et à la truffe), cuit le saucisson et préparé la pâte du saucisson brioché au vin prévu pour l’entrée. Le groupe commence par le dessert, une crème brûlée à la vanille, dans une ambiance très studieuse. Pendant que chacun se relaye pour casser les œufs puis pour remuer la préparation au fouet, le chef y va de ses petites astuces : « Vous pouvez conserver les gousses de vanilles dans un pot de sucre pour lui donner du goût ! »
Fin de l’entrée en matière, tous s’attèlent déjà à manier le couteau comme des pros, habilement conseillés. Les sifflements interrompent un instant le ciselage : la brioche de l’entrée vient de sortir du four, dorée et gonflée à bloc. L’euphorie s’apaise un peu du côté de Magdalena, femme active suédoise venue accompagnée de sa mère et de son fils, quand elle découvre la crépine, membrane qui enveloppe les viscères du veau et usitée ici pour la cuisson du lapin farci. « C’est ça, le râble ? », interroge-t-elle d’un accent nordique. Le chef, en plein rush, lui répond entre deux secousses de casseroles. Du côté des apprentis, le rythme est plus calme et la conversation s’engage sur les îles suédoises. « Ma fille aussi vit en Suède », lâche à la petite famille un des participants, quinqua et passionné de cuisine.
Plus que de décrocher trois étoiles, c’est la convivialité des cours qui prime. « De toute manière, si on ne refait pas la recette dans la semaine qui suit, on oublie », confie Magdalena, habituée à privatiser les cuisines pour des rendez-vous d’affaires. La session est loin d’être prise à la légère pour autant. Pour preuve, les produits sont les mêmes que ceux du Véfour, restaurant de Guy Martin lui-même, le plus vieux de Paris.
Après deux heures de cuisine, d’attention et de gourmandise, l’équipe s’installe à table pour la dégustation, tandis que le chef dresse les assiettes. De cuisiniers à convives, la frontière est mince. Une serveuse entre en scène pour appuyer d’avantage cette transition. Après quelques bouchées, le verdict tombe : « C’est le meilleur saucisson brioché que j’ai mangé », lâche un des convives.
En guise de pause digestive après l’entrée et le plat, chacun s’active pour peaufiner la crème brûlée. Le chalumeau passe de main en main, au même titre que le fouet en début de cours. De retour à table, le tintement des tasses à café donnerait presque l’impression de se tenir au restaurant. Et ce n’est pas si bien dire, mis à part que les convives ont été installés à une table unique après avoir eu la chance de passer en coulisses.
Atelier Guy Martin 35, rue de Miromesnil - 8e Tél.: 01 42 66 33 33
