MEMO : l\'expo qui rend hommage à la mémoire du hip-hop

undefined 1 février 2018 undefined 17h17

Rachel Thomas

Culture à part entière, le hip-hop est passé au fil des années d’un phénomène underground à l’un des modes d’expression les plus puissants de la scène culturelle mondiale. Des murs, le street art est passé aux toiles des plus grands musées. De la rue, la danse est arrivée sur les plus grandes scènes. Si certains supports permettent aujourd’hui de stocker les œuvres urbaines, que reste-t-il de la mémoire du mouvement hip-hop ?

L’exposition Memo rend hommage à cette culture à coups de fragments d’histoires collectés par l’association RStyle et La Place, qu'on connaît bien. A travers un parcours immersif dans le magnifique Pavillon Carré de Baudouin, le fondateur de RStyle, François Gautret, nous plonge dans cinq salles, chacune ayant une "énergie" particulière. On y découvre des œuvres pluridisciplinaires qui invitent à se questionner sur la conservation de la culture hip-hop aujourd’hui.


Plongeon immédiat dans l’univers hip-hop avec cette photo d’un des premiers battle de danse au Fort d’Aubervilliers en 1983, par Willy Vainqueur.

François Gautret nous prévient d'emblée, ce n'est pas une expo street art comme les autres. « Contrairement aux expos street art qu’on peut voir de nos jours, on est pluridisciplinaires : danse, musique, photos, installations, archives vidéos… c’est ça qui fait l’originalité de cette exposition. Chaque salle représente une énergie : Power!, Rêve, Adrénaline, Origines, et le Questionnement », nous explique-t-il.


La première énergie Power!
 accueille une immense installation lumineuse en forme de train, un triptyque de danseurs en images, un cercle où sont projetés au sol des vidéos de danseurs de break dance, et des archives des premières block party. Le tout sur le son de Dynastie.

« C’est ici que se développe la rage de vivre, le dépassement de soi. Ici, sur un cercle au sol, on diffuse des images de battles que j’ai tournées moi-même le week-end dernier en Ukraine. C’est le moment d’exprimer le pouvoir ! »


La salle de la deuxième énergie, Rêve,
 est déguisée en chambre. Des posters (ou ce qui y ressemble) sont affichés aux murs ainsi qu'une carte du monde, du lino au sol, des platines… Nous sommes bien dans une chambre de b-boy ou de b-girl.

« C’est le moment de création. Devant notre miroir, on teste des mouvements, on apprend à se connaître et à développer sa créativité, seul dans sa chambre. » Ces "posters" affichent en fait des artistes féminines du hip-hop. Pour découvrir leur portrait, il suffit de flasher le QR avec votre smartphone et une vidéo YouTube s’affiche comme par magie !


Puis, place à l’Adrénaline
. Quand le hip-hop devient une nuisance qui doit être éliminée, quand le graffiti est assimilé à du vandalisme, les graffeurs utilisent le métro comme toiles de fond, tout en sachant qu’ils peuvent être arrêtés à tout moment.

« C’est à ce moment que l’adrénaline monte et leur insuffle l’énergie de graffer, et d'imposer leur signature. » Entre les aboiements des maîtres-chiens, des graffitis un peu partout et une lumière clignotante qui rappelle celle du métro, on sent notre cœur s’accélérer. Un univers sonore et visuel vient nous immerger encore mieux dans l’esprit du graffeur.

En vidéo, on retrouve une œuvre de Charlie Aehern, qui n’est autre que le réalisateur de Wild Style, film culte du mouvement. « Il a réalisé pour nous un court-métrage Wild Style Paris exceptionnel », s'extasie François.

En montant les escaliers pour échapper aux maîtres-chiens, les plus curieux remarqueront des clichés de métro tirés du livre Descente Interdite.


En haut, la salle des Origines

Le hip-hop puise ses sources dans les cultures de population venues de toutes parts. Kung-fun, capoeira et danses africaines sont projetés sur grand écran, au rythme de sons africanisants, pour montrer le parallèle entre hier et aujourd’hui.

Des dessins sur les parois de la Grotte de Lascaux à ceux qui ornent les murs de nos bâtiments aujourd’hui, une fresque au style paléolithique illustre l’évolution de nos modes de peinture.


Et puis le grand point d’interrogation

Les archives du mouvement hip-hop sont précieuses. Mais si elles ne sont pas conservées et protégées, il se perdra. Œuvre monumentale, et assez inattendue : une BD grandeur nature signée Berthet One. Il illustre pour la première fois des scènes racontées par les acteurs du mouvement. Lui aussi a une histoire atypique puisque, enfant de la cité des 4000 à La Courneuve, il est en prison pour braquage lorsque ses dessins attirent l’attention d’un gardien.


« A l’adolescence, je savais pas danser sur la tête, pas rimer, ni graffer, par contre je savais dessiner. J’ai commencé à graffer avec mon crew le TH3, et aujourd’hui je sors aussi des albums BD sous le nom de Berthet One. A ne pas confondre avec Berthet, puisque j’ai utilisé les code de la culture hip-hop (avec l’appellation "One", ndlr). Et je peux dire que j'en fait partie. », nous confie-t-il. Cette performance sera détruite à la fin de l’exposition, à l'instar de beaucoup d'œuvres de la culture hip-hop.

Un immense point d’interrogation vient clore l’exposition. Projetés sur chaque triangle de cette œuvre signée Heavy M, des extraits de l’urban film festival en guise de mapping vidéo. La question : « Ils existent, tous ces documents : où peut-on les voir, existe-il un lieu pour les archiver, pour faire de la transmission de savoirs ? On pose cette question là, en gros format » Alors, des éléments de réponse ? 


Bon à savoir : des visites guidées sont prévues tous les samedis à 15h
Du 2 février au 31 mars 2018
Pavillon Carré de Baudouin
121, rue de Ménilmontant - 20e
Entrée libre