Si le nom de Robert Doisneau est célèbre à travers le monde entier, on a souvent tendance à réduire le travail du photographe à quelques clichés, dont le célébrissime Baiser de l’Hôtel de Ville. Pourtant, son œuvre représente plus de 450 000 pièces, dont quelques centaines nous sont aujourd’hui accessibles au sein du Musée Maillol. Des tranches de vie volées, témoignages inestimables de la poésie de l’instant présent.
La poésie, tout le temps, partout
Ce qui frappe avant tout, en parcourant les salles du Musée Maillol, c’est la capacité de Robert Doisneau à transformer une scène quotidienne en jeu, en témoin de l'extraordinaire qui se dissimule partout autour de nous. Chacun des clichés, dans chacune des salles thématiques de l’exposition, nous livre une vision tantôt enfantine, espiègle même, tantôt sérieuse et vibrante de petits moments de tous les jours, qui prennent ici une saveur toute particulière.
Véhicule militaire, 14 juillet 1969 © Atelier Robert Doisneau
De la première salle consacrée aux bêtises et à l’innocence des enfants à celles un peu plus loin dédiées aux travailleurs des usines ou de la mine, leur résilience et leur force, Doisneau se pose en sauveur de l’Homme. À travers chacune de ses photos, l’artiste nous livre un parcours de vie et d’humanité, qui dresse toutes les palettes de l’être humain, de sa petite enfance à sa vieillesse. Un portrait poétique, brut, un brin absurde et fantaisiste par moments, qui démontre toute la justesse de l'œil de Doisneau.
Une justesse qu'il met au service des autres, que ce soit lors de ses différents séjours dans les mines, ou des ses années au sein de l'usine Renault de Boulogne. Mais aussi alors qu'il consacre plusieurs années de sa carrière à la mode, notamment en devenant collaborateur régulier chez Vogue France, ou en réalisant de nombreuses publicités pour des marques diverses et variées au sein de l'agence Rapho. Sans jamais se départir de sa vision artistique, il insuffle une dynamique nouvelle à la photographie, tout au long de sa longue et prolifique carrière.
Paris et sa banlieue en toile de fond
Instants Donnés est aussi pour nous l’occasion de plonger presque littéralement dans la vie mondaine et culturelle du Paris du XXe siècle. De salle en salle, le musée met en lumière les liens puissants que Doisneau entretenait avec les artistes de son temps, qu’ils fussent peintres, sculpteurs, écrivains ou photographes. On s’immerge avec délice dans l’intimité de Marguerite Duras, Simone de Beauvoir, Fernand Léger, Jacques Prévert ou encore Giacometti, dans les ateliers et cafés favoris desquels le photographe avait ses entrées.
Les coiffeuses au soleil, Paris 1966 © Atelier Robert Doisneau
Mais plus que les personnalités qui la faisaient vibrer, c’est la capitale elle-même qui s’érige véritablement en star de cette exposition. Cafés, bistrots, rues pavées, places, et même la tour Eiffel, tous s’animent sous l'objectif de Doisneau, qui nous livre une véritable déclaration d’amour. Un portrait qui s'étend aussi aux environs de la capitale, puisque le photographe saisie aussi l'humanité dans les banlieues des années 30 à 50 ainsi que dans les années 80.
Au gré de ses rencontres, de ses humeurs, il nous offre des instants saisis au vol, imprévus, infinis, dans lesquels chacun est libre de lire ce qu’il veut. Car après tout, les photos « réussies sont celles qui ne concluent pas, qui ne racontent pas une histoire jusqu’au bout mais restent ouvertes, pour permettre aux gens de faire eux aussi, avec l’image, un bout de chemin, de la continuer comme il leur plaira : un marchepied du rêve, en quelque sorte… »
Instants Donnés
Musée Maillol
59-61, rue de Grenelle – 7e
Jusqu’au 12 octobre 2025
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