Lucien Clergue au Grand Palais, l'expo photo saisissante

Son nom ne vous évoque peut-être pas grand chose, et pourtant, Lucien Clergue fait partie de ces photographes dont l’œuvre est d’une beauté saisissante. Grand ami de Picasso et de Jean Cocteau, il devient célèbre pour ses photographies de nus féminins au moment de la révolution sexuelle des années 60/70. Dès le 14 novembre, le Grand Palais expose les meilleures photographies de ce capteur d’instants. Le Bonbon s’est laissé surprendre par ces images d'une puissance rare.

Lucien Clergue n’a pas vingt ans lorsqu’il présente ses premières photographies à Picasso à la sortie d’une corrida à Arles. « Quand j’ai su que Picasso était dans l’arène, j’ai couru chercher quelques-uns de mes clichés. A la sortie, je lui ai montré une des photos et il m’a dit "j’aimerais en voir d’autres" », raconte le photographe dans une interview diffusée au cours de l’exposition. Cette rencontre marque le début d’une grande amitié. Picasso décide par la suite de le parrainer, et dessinera pour lui la couverture de plusieurs de ses ouvrages.

La première partie de l'œuvre de Clergue est marquée par une certaine tristesse. Sa jeunesse difficile fait de lui un jeune homme mélancolique aux premiers travaux plutôt sombres. Profondément marqué par la guerre au cours de laquelle sa maison est détruite, il immortalise le paysage démoli d’Arles et l'utilise comme décor pour photographier des petits saltimbanques de façon poignante. Il s'intéresse également aux charognes. « Je découvre le soleil sur la mort », déclare-t-il à propos de cette série.

Picasso fait évidemment partie intégrante de son œuvre. On découvre l'artiste-peintre à différents instants de sa vie, dans son atelier, aux corridas ou encore dans sa villa "La Californie" à Cannes. Clergue séduit également Jean Cocteau qui le conseille pour le choix de ses titres et rédige des textes pour accompagner ses photos.

Clergue photographie l’importante communauté gitane implantée à Arles, et nous permet d’être immergés dans le quotidien de ces gens, de découvrir leurs fêtes et leurs commerces forains. Il y rencontre le chanteur flamenco culte Manitas de Plata qu’il lance et avec qui il fait le tour du monde.

La corrida est également une partie importante des photos de l’artiste. Toute sa vie il photographiera ce spectacle tauromachique. Un de ses tout premiers travaux le distingue : l’agonie du taureau photographiée au ras du sol sous la barrière de protection, nous explique-t-on.

Les nus de la mer, les paysages de Camargue et les éléments qui le constituent sont un autre pan de son œuvre. Pour ses premiers nus, il immortalise des corps de femmes aux formes généreuses dans le creux des vagues. On ne voit jamais le visage de ces femmes, donnant ainsi à ces corps une dimension universelle. Clergue raconte comment à l’époque (1957), la censure était de mise et comment il y échappa en ne montrant jamais à la fois le sexe et le visage.

Il photographie les paysages de Camargue dans leurs moindres détails. Le sable, l'eau, les herbes sont immortalisés au plus près, le contraste y est important et les lumières radicales. Ces clichés abstraits et graphiques sont pleins d’une énergie, d’une intensité que l'on ne perçoit pas dans les travaux de sa jeunesse.

La scénographie réalisée par le couturier Christian Lacroix donne encore plus de vie à toutes ces photos remarquables. L'exposition, ponctuée de nombreuses vidéos, permet de comprendre en profondeur l'œuvre de cet homme. Une phrase prononcée par son ami d'enfance Jean-Maurice Rouquette nous a particulièrement interpellés : « Ce qui fait l'artiste ce n'est pas sa vision, c'est sa générosité. » Une belle manière de décrire l'œuvre de cet immense photographe.