[REVUE] Pourquoi You soulève de véritables questions ?

undefined 23 janvier 2019 undefined 13h00

Inès Agblo

On a bon nombre de réserves quant au contenu de la série… Mais il faut bien admettre que le show de Netflix soulève pas mal de questions intéressantes. On les aborde au sein de cette revue.

En septembre, Netflix a frappé un grand coup avec You. La plateforme a rassemblé pas mal d’ingrédients attrayants, avec un come-back de Penn Badgley (Gossip Girl), mais aussi la présence de Shay Mitchell (Pretty Little Liars). Tout ce beau monde est enrôlé dans une série centrée sur un… disons amoureux passionné, légèrement cinglé sur les bords.

En effet, Joe, l’anti-héros de You, est prêt à tout pour conquérir Beck, puis pour la garder. Il est d’usage courant de l’identifier comme un stalker, mais ses agissements vont bien au-delà au fil des dix épisodes de la première saison.

Malgré un certain succès du show lancé par le géant du streaming, on ne peut s’empêcher de pointer du doigt des lacunes et invraisemblances évidentes au sein du scénario. Celles-ci seront abordées au sein des réflexions majeures rassemblées dans cette revue.

Car, outre les critiques (à ne pas écarter toutefois), You soulève de véritables questions dont l’intérêt rattraperait presque la médiocrité certaine de l’écriture.


Juste diabolisation des réseaux sociaux ?

Aujourd’hui, pour stalker qui que ce soit, ma foi, il vous suffit de jeter un coup d’œil à ses réseaux sociaux. Instagram, Facebook, Twitter… Tout un chacun laisse la fenêtre ouverte sur sa vie privée. Les outils les plus simples tels que la géolocalisation d’une photo, ou des informations pourtant capitales : lieu de vacances, adresses de prédilection, fréquentations… se retrouvent à portée de clic. Une charge de données est ainsi laissée à disposition des proches mais aussi des plus curieux.

Le problème avec You, c’est que ce fléau est traité avec une naïveté prononcée. Il serait erroné de dire que non, les réseaux sociaux ne dévoilent rien. Seulement, dans le show, c’est à un strip-tease intégral que nous avons affaire. Le personnage de Beck n’a aucun mal à taper la pose devant son immeuble, laissant ainsi son adresse exacte accessible au premier intéressé, ne protège pas son portable avec mot de passe, NE MET PAS DE RIDEAUX CHEZ ELLE (mais ça, c’est une autre histoire).

Il est bon de faire peur quant aux dangers de l’Internet en montrant comment il est simple de mettre à nu une personne par le seul pouvoir de ce qu’elle y laisse. Seulement, il faut adapter la chose de manière terre à terre. Tout le monde ne tient pas ses réseaux sociaux comme un foutu journal intime, un bon nombre certes, mais beaucoup savent rester en surface.

Tout contenu sur sa personne, lâché sur le web, est risqué. Mais diaboliser la chose de manière élémentaire avec un message un peu bateau du style « vous devriez faire attention à ce que vous postez, un maniac pourrait chercher à vous suivre » est simpliste.

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Avec ce manque de subtilité, la sonnette d’alarme n’atteint pas forcément nos oreilles, puisque l’on ne se reconnaît pas à travers la non-intimité adoptée par le personnage de Beck. Pourtant, le message est réaliste, c’est sa diffusion qui est biaisée.


Joe : secrètement l’homme idéal ?

L’autre question qui nous titille est liée à la construction du personnage de Joe. Bon, il n’est pas le bonhomme le plus sain qu’il soit… Toutefois, la ligne motrice de ses agissements est de conquérir une jeune demoiselle dont il tombe amoureux.

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En soi, Joe serait ainsi un amoureux transi avec un peu (beaucoup) trop d’entrain. Cette double vision a ainsi amené certaines spectatrices à clamer leur amour pour le personnage : de quoi faire flipper Penn Badgley, l’interprète.

On se doute bien que ces admiratrices n’en sont plus après les crimes commis par l’anti-héros. Il est davantage question de son dévouement pour Beck, qui, exorcisé par les démons de son passé, le motive à faire plein de conneries. Dénué de ses antécédents psychologiques, son portrait est celui d’un homme profondément épris. Sauf que voilà… Au final, c’est un freak.


Qu’est-ce qu’on est censé retenir de la série au final ?

Bien que son écriture soit très naïve et parfois carrément surréaliste, au terme du visionnage, on peut aisément retenir quelques trucs ici et là de la série. Nous avons déjà parlé de la place du numérique et du double visage de Joe, voyons voir ce qu’il y a d’autre…

Pour commencer, on peut féliciter la dualité intéressante entre les personnages de Joe et Peach. Tous deux sont fous amoureux de la même femme, et font démonstration d’excès de manières différentes mais tout aussi malsaines. À l’arrivée, les deux veulent "obtenir" Beck, seulement l’une va employer la manipulation et l’autre va éliminer tout ce qui se met en travers de son chemin. L’un comme l’autre sont désespérément prêts à tout pour la faire leur, sauf que le comportement de l'un est condamnable et pas l'autre. Pourtant, les deux sont pervers.

Autre point intéressant, l’ironie évidente et assumée de la construction de personnages comme ceux des amies de Beck, Blythe en particulier. Même si ces figures-là peuvent très vite agacer, la dimension clichée insufflée est clairement voulue et permet d’en dire beaucoup quant à Beck à travers son entourage.

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Enfin, il est justement adéquat de revenir sur Beck. Beaucoup (auxquels je me joins) ont du mal à s’attacher à la demoiselle. Son comportement est souvent invraisemblable, comme nous l’avons abordé avec la non-intimité qu’elle adopte, mais ça va bien au-delà. Qu’il s’agisse de sa naïveté, sa mentalité, ses fréquentations… Ces points qui la rendent facilement antipathique "atténuent" le statut d’anti-héros de Joe puisqu’il se trouve en quelque sorte face à une anti-héroïne.

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Ces sentiments mitigés face aux deux personnages rendent cette chasse intéressante puisque les archétypes de proie et chasseur n’écopent pas de lecture purement manichéenne.

Et vous, qu’avez-vous pensé de You ?