La Mort de Staline, l\'histoire drôle dans l\'Histoire

undefined 9 avril 2018 undefined 19h56

Louis Haeffner

Qu'est-ce qu'on a ri ! Je dis "on" pour désigner la salle entière, morte de rire, du début à la fin. Sauf à certains moments un peu plus graves – il y a quand même pas mal de gens qui meurent dans ce film. Je vous raconte un peu, mais le mieux est quand même que vous y couriez sans plus attendre.


Nous sommes le 2 mars 1953. Joseph Staline, après avoir dîné avec les plus éminents des membres de sa garde rapprochée – Beria, Khrouchtchev, Malenkov – et visionné un western, s'apprête à écouter l'enregistrement d'un concerto de Mozart, qu'il a commandé spécialement à la radio officielle du Kremlin. À l'intérieur de la pochette est glissé un mot de menace à son attention ; pris d'un fou rire à sa lecture, Staline s'effondre, foudroyé par une attaque cardiaque. Au petit matin l'alerte est donnée et débute alors, entre les hommes d'État sus-cités, un machiavélique jeu de stratégie pour la conquête du secrétariat général de l'URSS. 

La Mort de Staline film critique

Si l'on ne savait pas véritablement à quoi s'attendre en allant voir le film d'Armando Iannucci, qui semblait devoir être tiraillé entre reconstitution humoristique et fidélité historique, la première scène donne de suite le ton : ce sera une comédie, mais une comédie grinçante. À un humour à l'anglaise fait de quiproquos et de situations gênantes, le réalisateur britannique couple un sens du dialogue qui relève tout bonnement du génie comique : chaque réplique ou presque est drôle à se taper le cul sur son siège de velours, et chaque personnage déploie un type d'humour particulier, du psychopathe manipulateur qui a toujours un coup d'avance au politicien de la mesure qui jure comme un charretier en passant par le ringard dépassé et un peu idiot qui tente avec maladresse de se donner une consistance. 

La Mort de Staline film critique

Mais La Mort de Staline n'est pas qu'une comédie un brin loufoque voire totalement déjantée. Le storyboard reprend en effet les événements historiques qui suivirent cet événement majeur dans l'histoire soviétique. Sont ainsi évoqués, avec un humour forcément noir, les exécutions sommaires des "opposants" au régime, les détentions arbitraires, les tirs de l'armée sur la foule, les exactions de la police du Kremlin dirigée par Beria, lui-même friand de jeunes filles qu'il violait à tours de bras... C'est ainsi la petite histoire qui prête à rire, les discussions de couloir, quand la grande, elle, intime au recueillement. 

La Mort de Staline film critique


Rares sont les réalisateurs qui parviennent à traiter d'un sujet grave avec humour sans se planter, il faut avoir la capacité de gérer le paradoxe avec une grande finesse. Avec La Mort de Staline, Iannucci et ses acteurs s'amusent visiblement comme des petits fous, et font d'une pierre deux coups en régalant les spectateurs, mais aussi en les instruisant. Un grand film comique, comme on n'en fait que très peu.