Douleur et gloire : Almodóvar se dévoile dans ce chef-d'œuvre autobiographique

undefined 22 mai 2019 undefined 19h39

Louis Haeffner

"Un film de Almodóvar". Quel bonheur quand apparaissent à l'écran ces quelques mots, toujours les mêmes. Puis la musique, délicate, avec ce petit quelque chose de baroque, d'un peu désuet, mais qui trahit vite un indicible raffinement. Je ne peux m'empêcher d'accompagner mon sourire ému d'un frottement de mains enthousiaste. C'est parti.


Comme son nom l'indique, il va être question dans ce film de douleur, et de gloire. La douleur, physique d'abord, d'un cinquantenaire en proie à différentes pathologies, notamment un mal de dos chronique qui le terrasse régulièrement, mais une douleur affective également, qu'il faut évidemment mettre en rapport direct avec le statut d'artiste et la gloire que celui-ci peut valoir à notre homme. Cet homme, qui replonge de façon très vivace dans différentes époques de sa vie après avoir "chassé le dragon", c'est Salvador Mallo, l'avatar brillamment interprété par Antonio Banderas (prix d'interprétation masculine à Cannes) du génial réalisateur du film. 

Douleur et gloire film critique

Pedro Almodóvar nous propose donc de nous immerger – à l'image de la première image du film figurant Salvador Mallo en apesanteur au fond d'une piscine – dans l'intimité de ses souvenirs, mais aussi dans le combat perpetuel que représente chez lui le processus de création. Jamais trop éloignés l'une de l'autre, on est ici témoin de la façon dont la vie personnelle de l'artiste nourrit son œuvre cinématographique et littéraire. Hors si cette analogie a tout de classique, elle est ici mise en scène avec une délicatesse et une maestria rares par le cinéaste espagnol.

Douleur et gloire film critique

On connaissait son habileté à produire un cinéma de l'intime, avec des thèmes tournant souvent autour de l'identité, du souvenir ou de l'amour ; on s'émerveille cette fois devant son aptitude à réunir tous ces thèmes dans une sorte de film synthèse de l'ensemble de son œuvre cinématographique, qui apparaît dès lors comme un véritable hommage à lui-même, sans toutefois qu'il ne comporte quoi que ce soit d'égocentrique. Car le réalisateur de Talons Aiguilles est avant tout un formidable conteur d'histoires, et peu importe si cette histoire est, encore une fois, la sienne, on s'y glisse avec le même plaisir que les fois précédentes, renforcé cette fois par l'impression agréable et difficilement explicable d'une parfaite fusion entre l'artiste et son œuvre

Douleur et gloire film critique


Almodóvar nous montre, si l'on en doutait, qu'il faut considérer ses films comme autant de confessions, de dévoilements de sa psyché, qui sont le seul sens à donner à son art, celui d'un homme qui porte en lui le divin fardeau de la création. Avec une maîtrise formelle totale, il livre un film éminemment personnel autant qu'une profonde réflexion sur le processus créatif et sur le cinéma en général. Un chef-d'œuvre.