[REVUE] Pourquoi Hollywood doit arrêter de faire des suites ?

undefined 23 avril 2019 undefined 14h45

Inès Agblo

Que vous soyez d’accord ou pas, on a décidé de pousser un coup de gueule. Nous, on a choisi notre camp, et c’est celui de l’anti-suites.

On les connaît bien nos amis ricains… Ils font de bons films, il faut le reconnaître, mais après coup, ils ont du mal à s’en séparer. Dès lors que le succès est grand, le réflexe automatique est de vouloir en obtenir plus. Sauf qu’il est souvent bon de laisser les œuvres au sommet de leur gloire sans tenter le diable pour plus.

Face à la nouvelle vague de suites récemment annoncées, on a eu envie de faire une levée de boucliers. Bien entendu, nous n’allons pas nous contenter de cracher là-dessus par pure gratuité. Nous prendrons le temps d’expliciter pourquoi les suites, ça craint.


Les suites précipitées : quand le succès t’incite à faire des conneries

Dans ce cas de figure, l’expression avoir les yeux plus gros que le ventre est on ne peut plus adéquate. La plupart du temps, il s’agit des studios qui ont le grand plaisir de constater que leur dernier bébé a rapporté beaucoup de sous. Du coup, ils se chauffent pour en pondre un deuxième qui deviendra malheureusement le mal-aimé de la famille.

Vous nous trouvez durs ? Si on vous dit Grease (1978), vous pensez John Travolta, chansons inoubliables, une des meilleures comédies musicales du cinoche… Par contre, si on vous dit Grease 2 (1982), on est bien d’accord que la première pensée prend la forme suivante : POURQUOI ?

critique-pourquoi-hollywood-doit-arreter-faire-suites-films-classiques-grease-2Grease 2

Les plus grands clients de cette méthode restent les films d’horreur. À partir de one-shots relativement bons, les ricains ont la bonne idée de les décliner en saga de films à l’infini. Sur ce modèle-là, on peut citer des exemples à foison : Rec (4 films), Destination finale (5), Paranormal Activity (6) ou Saw, le grand vainqueur (8). Mais pour le coup, ça peut passer tranquillou, parce que même si la qualité de ces successions de films peut aisément être remise en question, ça reste des films qui font peur. Et dans l’idée, tant que le contrat est rempli, on peut laisser couler

critique-pourquoi-hollywood-doit-arreter-faire-suites-films-classiques-paranormal-activity-4Paranormal Activity 4

Par contre, quand on assassine le travail de Jim Carrey par exemple – coup sur coup avec Le Fils du Mask en 2005 (après The Mask, 1994) et Evan tout-puissant en 2007 (après Bruce tout puissant, 2003) –, on se demande à nouveau : POURQUOI ? Nous avons affaire à des suites qui ont l’allure de pièces détachées collées à des films ayant marché, dans l’espoir que le label sauvera la qualité médiocre du projet. Sauf que non.

critique-pourquoi-hollywood-doit-arreter-faire-suites-films-classiques-donnie-darko-2Donnie Darko 2 : l'Héritage

C’est ce concept de label qui pose véritablement problème. Les mecs se croient tout permis juste un ajoutant 2 à n’importe quel film à succès. Mais voilà, cette pratique est à la genèse d’un hall of shame des suites assez tristes à voir : Basic Instinct 2, Donnie Darko 2, Battle Royale 2… Jeu à essayer chez vous : dans chacun de ces cas, en retirant le 2, vous obtenez un bon film. Magique !

La chose est d’autant plus agaçante quand vous pensiez que tel ou tel film culte était sauf, mais que des producteurs se chauffent plusieurs décennies après pour faire n’importe quoi.


Les suites distancées dans le temps : quand t’as plus d’idée et que tu replonges dans le passé

Vous aviez espoir que ces films restent des entités individuelles, non entachées par le désir dangereux de prolonger leur succès. Seulement, des personnes mal intentionnées se sont motivées pour que ça ne dure pas.

C’est typiquement ce genre de suites auxquelles nous avons affaire dernièrement. Si l’on personnifiait Hollywood, on pourrait l’imaginer ouvrir un casier sur lequel une étiquette "culte" serait collée. Il passerait en revue les dossiers y étant rangés et choisirait lesquels de ces classiques pourrait être ressortis du tiroir pour à nouveau faire du chiffre. Sauf que voilà… En engendrant des suites distancées dans le temps, le dommage est d’autant plus important puisque les films ont réellement eu le loisir de s’installer au panthéon du cinoche en tant qu’œuvres uniques. Sauf que NON, voilà qu’on les sort de là des décennies plus tard pour tenter de désespérément les remettre au goût du jour.

critique-pourquoi-hollywood-doit-arreter-faire-suites-films-classiques-top-gunTop Gun

Pour illustrer cette manœuvre, prenons l’exemple actuel le plus frappant : la suite de Top Gun. Sorti en 1989, le film rencontre un énorme succès au box-office et devient un des films phares de Tom Cruise. On aurait adoré qu’il reste statufié au fameux panthéon d’Hollywood, mais voilà… L’année prochaine, vous aurez le droit à un second volet, soit 31 ans plus tard. L’ancien casting (Tom Cruise, Val Kilmer) sera ainsi mêlé à la jeune génération (Miles Teller).

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Ce cas de figure est d’autant plus parlant que Top Gun avait vieilli avec une veine vintage assez sacrée, passant notamment par la BO, les bombers et les lunettes de pilote de chasse devenus des éléments cultes propres à la culture du film. Désormais, la suite cherche à extirper cet univers et le confronter à l’évolution avec un synopsis mettant en lumière le rôle des drones dans la mise à mal de cette profession ancienne. Un face-à-face intéressant, mais ne préférerions-nous pas que ce qui est à César reste à César ? Et ce qui appartient aux nineties continue à nous plonger dans une certaine nostalgie, et ne devienne pas un rappel quant aux changements effectués depuis ?


Les exceptions : quand ça fonctionne et que l’écho du "why not ?" s’invite…

Non, nous n’avons pas une vision purement manichéenne de la chose. Toutes les suites produites par Hollywood ne doivent pas être mises dans les mêmes catégories. Nous en avons abordé deux spécifiques plus haut, mais il est temps de parler de ces exceptions à la règle qui sauvent le précepte.

critique-pourquoi-hollywood-doit-arreter-faire-suites-films-classiques-blade-runnerBlade Runner

En effet, il arrive que des suites soient les bienvenues, notamment quand le cerveau derrière l’œuvre originelle est inclus au projet. Nous avons le parfait exemple pour illustrer ce principe avec Blade Runner 2049. Oh croyez-moi, j’avais grincé des dents en apprenant la sortie de cette suite qui, à mon nez, ne sentait pas fort bon. Sauf que voilà, ce deuxième bébé est produit par Ridley Scott himself et réalisé par Denis Villeneuve, pouvant clairement prétendre au titre d’héritier en tant qu’un des meilleurs réalisateurs hollywoodiens actuels.

critique-pourquoi-hollywood-doit-arreter-faire-suites-films-classiques-blade-runner-2049Blade Runner 2049

À partir du moment où la naissance est approuvée et encadrée par le daron et que l’accouchement est manœuvré par un expert, la suite a toutes les chances ne pas être ratée. Bien entendu, on retire tout de même à Blade Runner sa prospérité telle une œuvre unique culte. Mais quand le film est sorti de son panthéon pour pondre une nouvelle production de qualité, on approuve davantage.

Si seulement ça pouvait être le cas de tous…