Livre de chevet : Les gens de la nuit, de Michel Déon

undefined 19 janvier 2017 undefined 00h00

Agathe

Dire la nuit, en extraire sa substantielle moiteur, son entrain électrique qui pousse les uns et les autres à s’émuler dans un partage d’expériences et de découverte, n’est pas chose facile. Beaucoup pensent le monde de la nuit comme un cadre superficiel dans lequel seul les bobos et les trouducs insomniaques s’épanouissent. C’est faux. Michel Déon, écrivain et académicien français, dans son ouvrage Les gens de la nuit de 1958, prend comme point de départ la folle époque du Paris nocturne des années 50. Un voyage initiatique particulièrement actuel dont on voulait te faire profiter ; parce que la nuit, ce n’est pas seulement la teuf.


« Cette année-là, je cessai de dormir » 
nous affirme le personnage principal, Jean Dumont, dont la ressemblance avec l’auteur ne peut que frapper. Ce fils d’académicien, publicitaire, cœur blessé d’un amour perdu, se tourne vers la nuit afin de trouver un sens à son existence, un soulagement à ses obsessions.

Vagabond absorbé par les rencontres tardives, les boites de nuit d’un Paris surexcité par la libération, sa liaison avec Gisèle, toxicomane noctambule, Jean devient une ombre dans un champ de silhouettes qui « a peur du jour qui blesse son regard, des avenues désertes, de la Seine immobile entre ses rives, des monuments endormis ».

Voici le conte d’un mal de vivre tenace et d’un salut plausible. Ce Paris qui a bel et bien existé, perdu à jamais mais dont les stigmates rappellent tous à l’ordre, y est longuement magnifié. Jean Dumont c’est toi, c’est moi, le style et la syntaxe en plus. 

« A ma fenêtre, comme la veille, je me suis attardé encore un moment à épier la nuit de Paris que j’allais bientôt quitter. Des vies ténébreuses et des vies claires s’y heurtaient. Si grande que fût, à cette heure, ma tristesse, rien ne pouvait m’empêcher de penser que nulle part ailleurs je ne trouverais cette minute de vérité, cette seconde d’exaltation qui vous empoignent quand la ville se secoue et rejette son manteau d’ombres : façades grises et boulevards jalonnés de poubelles, mais aussi Notre-Dame et la Sainte-Chapelle profilées sur un ciel cotonneux » peut-on y lire, résonnant de justesse plus d’un demi-siècle après.

Les gens de la nuit, entre mélancolie et guérison, ton parfait petit livre de chevet.

Bisous

Les gens de la nuit, Michel Déon, au Editions La Table Ronde, 186 pages, mai 2015