Une première fois à Berlin

undefined 12 février 2016 undefined 00h00

Agathe

"Berlin" est un terme magique qui fait briller les yeux des blasés d’Ile-de-France. Si tu n’es jamais allé à Berlin, tu souffres d’un handicap. Il paraît que Paris est mort et que tout se passe là-bas, les gens y sont humbles et la nuit y bat plus fort. Je suis Saint-Thomas, il me fallait le voir pour le croire.

Je fais partie de ces gens que la société ne comprend pas : je n’aime pas voyager car l’étranger m’angoisse. Ballotée au cœur d’une génération qui sur-vend une ouverture d’esprit liée à la découverte du monde, j’ai dû m’y résigner. Aussi, une bonne partie de mes amis vivent au-delà de ma chère patrie, je n’allais pas prendre le risque de mourir dans l’ignorance.

Berlin, selon les dires, tient sa force en trois aspects : l’abordable coût de la vie, les clubs, et la population. Qui dit Berlin dit mur, drogue et Berghain.

Un EazyJet plus tard je me retrouvais au milieu de Kreuzberg, quartier bobo côté ouest. Une fois le tour des lieux fait, je rencontrai les colocataires de ma pote, une joyeuse bande de hippies trentenaires bio-recyclables. J’entrai alors brusquement dans le monde merveilleux des allemands éco-responsables qui fabriquent eux-mêmes leur farine et se déplacent uniquement à vélo. On est loin des jeteurs de mégot compulsifs qui peuplent notre capitale, et ce n’est pas plus mal.

Les yeux encore collés en raison du périple de la veille, j’avais le plaisir de parler théorie du complot avec ces altermondialistes tolérants, dès 8h du mat’, pour embrayer sur mon week-end. Stimulant. Pour le déjeuner, nous sommes allés manger local : des fallafels, du houmous et des kebabs. Parce qu’ici nos grecs sont de grosses blagues, il y avait moyen là-bas de se baffrer pour 3 balles. Alles gut.

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Des clubs à Paris il y en a beaucoup, alors pour quelqu’un qui ne décroche jamais du 75, ce n’est pas une priorité d’aller balancer tout son fric par la fenêtre pour voir Nina Kraviz performer. J’ai donc passé la majeure partie de mon temps à trotter dans la ville.

Berlin c’est moche, on ne va pas se mentir. Les rues sont à mon sens trop larges et l’architecture austère. Il émane cependant de cette ville une magnificence mystérieuse, je dois sans nul doute être inaliénablement attachée aux rues étroites et dégueulasses de ma tendre ville-poubelle.

J’ai vu tout ce qu’une parfaite touriste doit voir, des musées aux monuments en passant par les spots phares. J’ai pris quelques photos mais n’ai cependant pas eu le courage de poser devant le mémorial aux juifs assassinés d’Europe, les deux pousses levés avec un rictus qui crie « Yes trop chouette la shoah ! ». Il y avait déjà trop d’Espagnols et de Chinois dans le champ.

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Mes soirées furent comblées de découvertes. Je ne crache pas sur la liberté qu’offre cette ville. Il est vrai que, pour un œil français, croiser quelqu’un une bière à la main dans les transports en commun l’identifie instantanément à un clodo, pourtant, c’est là-bas tout ce qu’il y a de plus banal. Aussi, le fait de fumer dans les bars ou les boites m’a projeté dans un mauvais film des années 80. J’en aurai presque été gênée de me cramer une clope sans ressentir l’adrénaline de voir un videur surgir de nulle part pour me tej.

C’est certain que Berlin est plus safe car moins peuplé de pauvres types en iench qui n’ont de cesse de harponner tous les vagins qui passent, mais les gens ne m’ont pas non plus paru friendly à outrance. J’ai eu l’occasion de rencontrer du monde, de discuter et de constater que, partout en Europe, François Hollande ne fait pas des émules. Et puis, j’ai suivi leur rythme, du moins, j’ai tenté car je ne me drogue pas. Ils sont sympas ces Berlinois.

Le premier soir on a essayé de me trainer au Berghain. Ecrasée de fatigue, j’ai refusé, et puis c’était l’occasion de mettre un gros doigt à une fascination universelle autour de cet endroit. J’ai toute ma vie pour y aller, je n’allais pas m’y précipiter aussi facilement.

Le deuxième soir, j’ai fini au Klub Renate et toute ma mauvaise foi s’est faite la malle. J’apprécie de naviguer à contre-sens car c’est toujours drôle de bousculer les autres, cette fois-ci j’ai dû m’aligner.

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Le Klub Renate est une espèce d’ancienne maison-immeuble réinvestie en boite. Plusieurs ambiances, des lits, une déco bricolée, des néons. De nuit et rempli de fêtards transpirants, le lieu avait des abords burlesques. Formidable. C’est surtout le système-son, les fumigènes et l’adresse du Dj qui m’ont transportés. Je ne sais plus qui mixait et ce n’est pas le principal, le son flottait sur les corps désarticulés, il y avait des mecs déguisés et l’expérience devenait intégralement sensorielle quand la fumée enveloppait le reste d’espace vital disponible. C’est à cet instant-là que j’ai percuté.

Berlin n’est peut-être pas mieux mais agréablement différent. Il s’agit d’une alliance complexe de la mentalité, de l’Histoire et du lieu. Si Paris parfois patauge, c’est parce que Paris a tendance à se regarder et se masturber sur une identité visuelle foireuse. Le mélange des sens et la communion m'ont alors dépaysée.

A Berlin, il y a tellement de normcores qu’on ne distingue plus les SDF. A Berlin, on prend le RER toute la nuit et on te traitera de grand bourgeois si tu oses chopper un Uber. A Berlin on a soit un vélo soit une merco. A Berlin on aime tout le monde et on parle toutes les langues. A Berlin on mange bio et on préfère prendre de la keta parce que la cocaïne s’est mal. A Berlin on se sent bien, surtout dans les boites.

Merci Berlin, finalement je t'aime bien.