Au revoir là-haut : la France vue d\'en bas selon Dupontel

undefined 26 octobre 2017 undefined 15h34

La Rédac'

Albert Dupontel est un mec super. Non content de nous faire rire à gorge déployée, il partage avec nous son regard critique et désabusé sur la société, et plus généralement sur la nature humaine. Grand adepte de l'humour noir et absurde, il signe avec Au revoir là-haut son premier grand film en élargissant quelque peu son champ d'action, pour le plus grand bonheur du spectateur.


Habitué à des personnages pour le moins loufoques, qu'il met en scène dans des films non moins particuliers depuis une vingtaine d'annnée (Bernie, son génial premier film, date de 1996), Dupontel est bien connu du paysage cinématographique français, attendu à chaque fois et plutôt apprécié dans l'ensemble. Il lui manquait peut-être une sorte de "normalité", quelque chose qui le fasse sortir de la case "doux-dingue" dans laquelle on avait bien voulu l'enfermer jusqu'ici. Trop de noirceur, trop de satire, trop de folie, il y avait toujours un petit peu trop de quelque chose dans ses films pour les rendre accessibles au (très) grand public. Que l'on considère cette forme d'extrêmisme comme un défaut ou non, il a dans tous les cas été corrigé dans ce sixième film, ce qui explique en partie son éblouissante réussite. 

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Au sortir de la guerre de 14, Albert Maillard décide de s'occuper de son ami Péricourt, qui lui a sauvé la vie au péril de la sienne. Il lui en coûtera une partie de son visage, ce qui l'obligera, une fois rétabli, à porter des masques qu'il se confectionne lui-même, le bonhomme ayant un don naturel pour les arts plastiques. Sur une idée de Péricourt, les deux poilus montent une arnaque massive au monument funéraire, exploitant ainsi le système qui les envoya à la guerre et les dons de dessinateur de l'homme masqué. 

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Si cette histoire quelque peu rocambolesque permet à Dupontel réalisateur de déployer une imagerie et une esthétique flamboyantes et un tantinet burlesques - mais d'une intensité poétique assez folle -, et de faire briller Dupontel acteur (Maillard) et l'excellent Nahuel Perez Biscayart (Péricourt), on comprend néanmoins que le tissu narratif n'est qu'un prétexte, aussi beau soit-il, pour laisser le champ libre à Dupontel satiriste.

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Son propos, fidèle à ce qu'il nous dit depuis 20 ans, est assez clair : les élites sont coupables de la fracture économique et sociale inhérente à la société française depuis un siècle. Mine de rien, Dupontel dézingue ceux qui nous gouvernent, j'en veux pour preuve la seule phrase audible de Péricourt, lors d'une fête consistant à exécuter à coups de bouchons de Champagne les généraux de la Grande Guerre. Arrivé au Maréchal Foch, Maillard dit à Péricourt : « Le maréchal Foch ? Enfin quand même... - C'est un trou du cul comme tous les autres. » Voilà qui en dit long sur les intentions de notre réalisateur, et sur ce qui, au final, importe dans ce film.

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Au revoir là-haut réussit donc le tour de force de réunir, dans un film au final assez court (2h environ), critique sociale, film historique, humour politique et poésie. A n'en pas douter, Albert Dupontel tient son grand film, et passe ainsi de fait dans la catégorie des réalisateurs français cultes, avec une œuvre inventive, intelligente et drôle... son portrait craché en somme.  


Au revoir là-haut
, d'Albert Dupontel

Avec Nahuel Perez Biscayart, Albert Dupontel, Vincent Lafitte
En ce moment en salles