The Last Family : plongée dans le f(l)ou artistique

undefined 22 janvier 2018 undefined 11h07

La Rédac'

Zdzislaw Beksinski était un peintre surréaliste, photographe, dessinateur et sculpteur polonais, un type connu et reconnu, un génie. Il est mort assassiné en 2005, succombant à 17 coups de couteau. The Last Family plonge le spectateur dans le quotidien un peu fou de la famille de l'artiste, entre l'appartement des époux et celui de leur fils suicidaire. 


Je sais pas pour vous, mais moi, je me suis toujours demandé à quoi pouvait ressembler le quotidien d'un artiste. Que fait-il en se réveillant par exemple. Un fix ? Il s'allume une clope en mettant du Wagner à fond ? J'imagine que ça se joue au cas par cas, certains doivent probablement avoir une vie normale et filer sous la douche. Ce n'est en tout cas pas vraiment ce qu'il se passe pour la famille Beksinski, ces gens étaient clairement différents du reste de l'humanité. Entre le père qui documente scrupuleusement sa vie de famille à base d'enregistrements audios, de photos et plus tard de films en 8 mm, le fils qui passe de temps en temps prendre des tableaux pour les suspendre chez lui ou foutre le bordel dans la cuisine sur un accès de colère lié à son ultra-sensibilité, une grand-mère en grande forme physique qui déraille et l'autre qu'il faut soigner à domicile, sans oublier une mère aux petits soins qui sert de liant à cette tambouille familiale, on nous plonge dans un quotidien pour le moins surprenant, pour ne pas dire hallucinant. Est-ce réjouissant ? difficile à dire. C'est parfois drôle, souvent un peu pathétique, toujours absolument fascinant

Grâce aux très nombreux documents d'archives, l'équipe du film a pu se plonger sans modération dans la vie de cette famille pas comme les autres et voir avec les yeux du peintre. C'est cette forme d'impressionnisme moderne qui sert de vecteur aux émotions si spéciales véhiculées par ces personnages parfois loufoques, père et fils en tête. Ainsi Tomasz Beksinski exprime, par l'intermédiaire de la performance remarquable de Dawid Ogrodnik, un mal de vivre saisissant, une mélancolie et une douleur qui nous touchent au plus profond de notre être. Traducteur, Dj, animateur d'une émission radiophonique, il fut l'un des acteurs majeurs de l'accession du peuple polonais à la culture occidentale en partageant sa passion pour le cinéma et la musique. C'est d'ailleurs cet aspect de sa personnalité qui donne sa bande-son très new wave au film. Mais c'est surtout le regard, stoïque et aimant, que son père porte sur lui, qui fait de ce film plus qu'une simple biographie. Le réalisateur nous parle en fait du rapport de l'artiste au monde qui l'entoure, nous fait comprendre à quel point toute chose est source d'étude et de représentation, jusqu'à la mort de ses proches.


En faisant de The Last Family une sorte de docu-fiction à tendance surréaliste, Jan P. Matuszynski termine le travail de documentation entrepris par son héros, Zdzislaw Beksinski, et nous éclaire non seulement sur l'œuvre exceptionnelle d'un artiste majeur du XXe siècle, mais également sur notre propre rapport au monde, en nous permettant d'appréhender toute la complexité du cerveau humain.