Homophobie : les gays à Marseille sont-il heureux ?

undefined 30 mars 2017 undefined 00h00

La Rédac'

Une question volontairement provocatrice ? Pas tellement. Si l'on en croit de nombreux études et témoignages, Marseille ne serait pas une ville particulièrement "gay friendly". Et les agressions récurrentes qui font la une des médias n'aident pas à changer l'image de la ville. A Marseille, les gays sont-ils heureux ?


Son visage meurtri par les coups a fait le tour des réseaux sociaux. Son agression, le 3 mars dernier, avait été largement couverte par les médias locaux et nationaux. Durant plus de 36 heures, Zak Ostmane, militant LGBT algérien réfugié en France depuis 2014, avait été drogué, séquestré, violé et battu par deux anciens légionnaires. Un acte de barbarie dont la motivation initiale laisse peu de place au doute. « C'est un crime à caractère homophobe », affirme Véronique Godet, déléguée Paca de SOS Homophobie.

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Le mois dernier déjà, l’acteur de Plus belle la Vie Laurent Kerusoré avait confié son désir de quitter Marseille, après avoir été victime de 13 agressions, notamment au moment du débat autour du Mariage pour tous. « J’en ai marre d’être parfois le punching-ball de la connerie de certains », confiait notamment celui qui joue le rôle de Thomas, le serveur gay du bar Le Mistral. En septembre dernier, les médias s'étaient également fait l'écho du passage à tabac d'un jeune homosexuel, en plein Marseille, par un groupe de cinq personnes alors qu’il sortait avec un ami d’un club gay

Une ville « sexiste »

S'agit-il de cas isolés ou bien Marseille serait-elle particulièrement sujette à ce genre d'actes homophobes ? « Marseille est une ville méditerranéenne, à l'état d'esprit plutôt sexiste », explique Véronique Godet. Alors que l'on pourrait penser que les grandes villes permettent plus facilement l'ouverture d'esprit des gens, la militante constate que ce n'est pas toujours le cas. « Dans les petites villes ou les villages, les gens se connaissent tous. Il n'y a pas de crainte de l'autre, même si on ne partage pas la même orientation sexuelle. À l'inverse, dans les grandes villes comme Marseille, on est plus anonymes les uns envers les autres. Afficher son homosexualité en public est donc plus délicat. Et cet anonymat facilite l'agression verbale ou physique. De manière générale, c’est au sein des grandes agglomérations que l’on compte les résultats les plus inquiétants : la sur-représentation de l’homophobie augmente avec la sur-représentation de l’homosexualité. »

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Des propos qui corroborent les différents rapports annuels de SOS Homophobie sur l'état de l'homophobie en France et notamment à Marseille. Avec ses quelques cinq millions d’habitants, la région Paca se situe à la deuxième place en termes d’agressions homophobes. Marseille, son chef-lieu, est 23e au classement des villes en lutte contre l’homophobie. D’autres facteurs illustrent ces mauvais résultats, comme la pauvreté de la ville en matière d’établissements gays. « Nous avons peu d’établissements homologués par le Sneg (Syndicat national des entreprises gaies). Ce ne sont pas des lieux faits pour les gays, mais ils ont été faits par les gays, au fur et à mesure », affirme Véronique Godet. Quelques bars du centre-ville sont gay-friendly, comme le Play, le Polikarpoff ou encore l’historique New Cancan ; mais il n’existe pas de quartiers dits gays, comme le Marais à Paris.

Une méconnaissance de l'autre

De plus, ces lieux d’expression, concentrés en centre-ville, sont difficiles d’accès depuis les quartiers excentrés. Ce qui provoque une disparité sociale. « Quand on reste confinés dans des cités sans ouverture sur l’extérieur – plus de bus après 21 h, pas de métro –, il est plus facile de rejeter tout ce qui peut sembler différent », poursuit la déléguée Paca de SOS Homophobie. La pauvreté, les difficultés d’intégration et l’accessibilité limitée au reste de la ville seraient, en partie, à l’origine d’une profonde méconnaissance de “l’autre”, et pourraient donc conduire à un comportement homophobe.

Ainsi, une récente étude parue dans le magasine Têtu, place Marseille à la 21e place des 23 plus grandes agglomérations françaises, selon plusieurs critères : satisfaction pour les lieux communautaires, attitude de la municipalité et du reste de la population, ressenti de l’homophobie et note donnée à la ville.

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« Pas plus d'agressions qu'ailleurs »

Pour autant, Marseille ne serait pas profondément homophobe mais simplement « en retard » sur les autres villes. « On ne constate pas particulièrement plus d'agressions ici qu'ailleurs, précise Véronique Godet. Ces chiffres sont aussi basés sur un ressenti. » Un avis partagé par Elodie, militante LGBT à Marseille. « Je n'ai pas subi d'agressions à Marseille. Je pense que, comme dans toutes les grandes villes, il peut arriver de faire des mauvaises rencontres. Ce n'est pas propre à Marseille. »

Un sentiment qui peut redonner un peu d'optimisme, en attendant le prochain rapport annuel de SOS homophobie, qui doit paraître en mai prochain.