Women House, l\'expo 100% femmes qui revisite l\'espace domestique

undefined 15 décembre 2017 undefined 19h09

La Rédac'

Nous sommes en 1972. Miriam Schapiro et Judy Chicago, toutes deux professeures à l’Ecole des Arts de Californie, n’ont aucun espace à disposition pour dispenser leurs cours. Pour remédier au problème, elles créent avec leurs étudiantes un groupe de travail et investissent une vieille maison hollywoodienne, dans laquelle elles organiseront une exposition baptisée WomanHouse, utilisant et réinterprétant les 17 pièces de la maison. Quatre semaines après sa construction, la maison sera détruite sous la caméra de Johanna Demetrakas. C’est sur ce film que s’ouvre la superbe expo Women House à la Monnaie de Paris.


Dans les huit chapitres de l’exposition, Camille Morineau et Lucia Pesapane questionnent la représentation de l’espace domestique par les femmes à travers les œuvres de 39 artistes, du XXe siècle à aujourd’hui. Tantôt perçu comme un lieu d’enfermement, tantôt comme un lieu de liberté et de création, l’expo tient avant tout à montrer qu’il existe de multiples points de vue sur le sujet, et ne tient en aucun cas à être perçue comme une expo féministe.

womenhouse© The Easton Foundation/ADAGP, Photo : Christopher Burke


L’espace domestique comme enfermement…

L’expo démarre avec une partie baptisée "Desperate Housewives", qui revient sur les années 70 et la conquête de certains droits fondamentaux pour les femmes. Un vent d’émancipation féminine souffle alors sur les artistes, qui remettent en cause l’espace domestique et dénoncent les clichés qui lui sont associés : femmes vouées à la répétition mécanique de tâches domestiques, bonheur conjugual pensé entièrement en fonction de l’homme… Pour se libérer, les femmes doivent impérativement sortir de l’espace domestique, alors représenté comme un lieu d’enfermement.

women house© Estate Birgit Jürgenssen / Bildrecht, Vienna


Ou comme libération

A l’inverse, certaines femmes voient l’espace domestique comme lieu d’inspiration, à l’instar de Virginia Woolf, qui encourage dans son essai Une chambre à soi les femmes à se créer un espace de création au sein de leur maison, dans lequel elles pourraient travailler sans être dérangées. L’intérieur devient alors un lieu où la femme s’expose, un lieu d’inspiration créatrice. C’est d’ailleurs cet intérieur qui inspire les artistes exposées dans la partie "Maison de poupée". Le jouet devient alors détourné par plusieurs artistes pour dénoncer l’objectivation de la femme, ou au contraire pour faire l’éloge onirique de l’enfance.

womenhouse© Rachel Whiteread; Courtesy of the artist, Luhring Augustine


Des femmes absentes de la sphère publique

Le cinquième chapitre, "Absence", se focalise sur le vide de l’espace domestique, en mettant en scène des traces de présence dans un espace désormais vide : matelas, maquette d’un mur de Téhéran désormais disparu… Une façon poétique de garder l’empreinte de ces espaces fantômes. Le sixième chapitre présente deux grandes œuvres des années 70, visant à dénoncer, chacune à leur manière, la privation d’espace de travail et l’absence de reconnaissance des femmes dans la sphère publique. 

womenhouse© galerie Jocelyn Wolff, Paris © Monnaie de Paris – Romain Darnaud


Des œuvres majeures : Nikki de Saint-Phalle et Louise Bourgeois

Les dernières parties de l’exposition se font plus philosophiques, et s’intéressent à l’architecture en présentant l’idée utopique d’un monde où l’architecture serait plus proche de la nature et donnerait davantage d’espace aux femmes. La visite se termine avec la présentation de deux artistes majeures, Nikki de Saint-Phalle et Louise Bourgeois, avec leurs Nanas-maison et Femmes-maison, qui interrogent la représentation du corps de la femme comme lieu d’accueil.

womenhouse© The Easton Foundation/Adagp, Paris 2017 © Monnaie de Paris - Aurélien Mole

Une superbe expo, qui arrive à questionner la place des femmes dans le monde de l’art sans pour autant tomber dans la revendication féministe. A aller voir de toute urgence !


Women House

Jusqu’au janvier 2018
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 19h. Nocturne le jeudi jusqu'à 21h
À partir du 31 janvier 2018, nocturne le mercredi jusqu'à 21h
Monnaie de Paris
11, quai de Conti – 6e