Silence : Scorsese la boucle à tout le monde

undefined 13 février 2017 undefined 00h00

La Rédac'

« Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous devant un tribunal. » Voilà en gros ce que Martin Scorsese nous raconte dans Silence, si l'on assimile cette célèbre phrase à ce que le maître nous dit de la religiosité. En gros hein. En tout cas c'est comme ça qu'on l'a compris. 


Le projet était ambitieux. On savait simplement qu'il serait question de religion, peut-être plus précisément d'évangélisation dans le Japon du XVIIe siècle. Personnellement je m'attendais à quelque chose de lent et beau, d'assez contemplatif, une sorte d'épopée mystique, à mi-chemin entre 1492 : Christophe Colomb de Ridley Scott et Aguirre, la colère de Dieu, le chef-d'œuvre de Werner Herzog. Il y a un peu des deux dans le film de Scorsese, d'autres trucs également, mais surtout, il y a le silence.

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Un silence qui accompagne le spectateur du début à la fin du film, puisqu'aucune musique ne vient jamais rythmer le storyboard. Si cette volonté, très forte, de la part de Scorsese, affaiblit quelque peu le côté épique, hollywoodien, du métrage, elle permet cependant d'asseoir l'expérience immersive sur un matelas de réalisme très appréciable ; n'oublions pas que le voyage des pères jésuites Rodrigues (Andrew Garfield) et Garupe (Adam Driver) au Japon a pour but de trouver leur mentor, le père Ferreira (Liam Neeson), dépositaire de leur foi et dont on n'a plus rien entendu depuis un an. Une quête qui se fait donc dans le silence pour répondre au silence.

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Chaque parole, chaque bruit ambiant prend alors une dimension sémantique exacerbée. Le silence devient ainsi la chambre de résonnance des violences dont sont victimes les chrétiens japonais, de pauvres paysans qui s'accrochent à leur foi avec un désespoir poignant. Les images en elles-mêmes sont tout à fait supportables, on ne voit que très peu de sang, mais les gémissements et les pleurs, eux, sont comme hurlés à nos oreilles, et nous donnent une perspective bien plus importante de la souffrance, physique mais plus encore morale, endurée par ces derniers. 

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Le silence, enfin, et quelque part évidemment, c'est Dieu. Le père Rodrigues, en captivité, dont la foi est mise en balance contre la vie de ses ouailles, prie, implore Jésus Christ, dans des questionnements intérieurs qui n'obtiendront jamais aucune réponse. C'est ce qu'il faut comprendre de la quête de Dieu scorsesienne. Le silence abrite tout le reste. Il n'existe pas réellement, il y a toujours un son, même infime, pour venir le perturber. Le vrai silence est intérieur. 

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C'est finalement un tour de passe-passe plutôt brillant que nous joue Martin Scorsese. Qu'aurions-nous fait à la place du père Rodrigues ? Il faut chercher la réponse en nous, et pour cela rester silencieux. Je n'ai pas dit un mot jusqu'à mon retour chez moi.


Silence
, de Martin Scorsese

Avec Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson
Actuellement en salles