Un élu de la métropole réclame des arbres sur la place des Terreaux dans une tribune libre

undefined 25 juillet 2019 undefined 13h43

Antoine Lebrun

Parmi les principales places de la ville, la place des Terreaux est régulièrement critiquée pour son absence criante d’arbres et de verdure. Un manquement qui rend notamment la place littéralement irrespirable pendant les épisodes de canicule. Mais lorsque des voix s’élèvent pour réclamer la végétalisation de la place, la réponse est toujours la même : c’est impossible pour des raisons de droit de respect de l’oeuvre de l’artiste Daniel Buren qui habillent les Terreaux de ses célèbres colonnes. Pour tenter de changer la donne, Bruno Charles, vice-président de la métropole de Lyon en charge du développement durable et de l’agriculture, a transmis une tribune libre à la rédaction de Lyon Capitale. La voici.


"Pendant les canicules, les travaux continuent place des Terreaux ! Depuis son inauguration en 1995, les malfaçons et les travaux à répétition n'ont cessé de perturber la vie des riverains et des usagers. Certaines des 69 petites fontaines ont rapidement été en panne, le sol de la place est en permanence dégradé, la fontaine Bartholdi s'enfonçait, etc.

Les travaux en cours amélioreront sans doute la situation, mais ne régleront pas les erreurs graves de conception. En effet, que l'on aime ou pas l'esthétique de cette place, elle souffre de deux défauts majeurs :

  • La place n'offre aucune possibilité aux familles et aux enfants pour s'asseoir autre que les terrasses de café qui la bordent. Si vous ne pouvez pas payer, circulez ! Ce n'est pas notre conception d'une place publique où les familles et les enfants doivent pouvoir s'arrêter, se poser, discuter librement sans être forcés à consommer
  • En second lieu cette place entièrement minérale est la pire de la presqu'île en termes d'îlot de chaleur urbain. En période de canicule, c'est une horreur et cela va s'aggraver.


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Terreaux végétalisée pour être vivable en été

Or, on le sait, les canicules vont se multiplier et augmenter en intensité dans les années à venir. La place des Terreaux doit donc impérativement être végétalisée pour être vivable en été, pour rester une des principales places publiques au cœur de notre cité.

On objectera que la place est construite au-dessus d’un parking et qu’il est impossible d’y planter des arbres. C’est un faux problème, il existe des solutions techniques et de toute façon, on peut végétaliser la place de nombreuses façons différentes.

Surtout, la ville de Lyon et la métropole se disent contraintes par un contrat signé entre le concepteur, l'artiste Daniel Buren, et la ville, lors de la mandature de Michel Noir. Selon elles, Buren serait propriétaire de l'image de la place et pourrait interdire à la ville de la modifier sans son accord.


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Cet argument ne résiste pas à l’analyse juridique :

  • En premier lieu, la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d'État, a affirmé dans un arrêt du 13 avril 2018 que l'image du domaine public n'est pas un bien, et qu’elle n’est donc pas susceptible d'appropriation. Un contrat qui conférerait à un tiers la propriété de l’image du domaine public serait donc dépourvu d'objet, et par conséquent entaché de nullité.

  • Ensuite, la Cour de cassation a jugé (cf analyse de Me Lussiana ci-dessous) que la place est, en soi, un lieu historique, comportant des éléments remarquables (l'Hôtel de Ville, le Palais Saint-Pierre, la fontaine Bartholdi), qui sont librement reproductibles, car ressortissant du domaine public. L’œuvre de MM Buren et Drevet se "fond" dans l’ensemble.

  • Enfin, à supposer que ce contrat ne règle que les modalités de respect du droit moral que tout artiste a sur son œuvre, ce droit moral de l'artiste n'implique pas un droit à "l'intangibilité" de l'œuvre, qui doit pouvoir évoluer même sans l'accord de l'auteur. Et c'est encore plus vrai quand cette œuvre est intégrée à une place publique, qui doit pouvoir évoluer en fonction des nécessités découlant de son affectation à l’usage du public.


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Il serait d’ailleurs contraire à toute notre tradition juridique qu'une personne privée, fut-elle artiste, puisse imposer sa volonté sur le domaine public, au détriment de l'intérêt général et de l'usage normal de cette place.

La ville peut donc en réalité parfaitement végétaliser cette place, y planter des arbres pour l'ombrager et installer des bancs au pied de ces arbres, sans que des arguments juridiques puissent faire obstacle à la volonté politique.

La ville et la métropole de Lyon peuvent et donc doivent végétaliser la place des Terreaux, planter des arbres, poser des bancs pour préserver la vie sur cette place qui sans ça deviendra chaque été un four invivable."


Source : Lyon Capitale