Être vegan fait-il de vous un révolutionnaire ?

undefined 20 mars 2018 undefined 17h05

La Rédac'

Impossible aujourd’hui d’échapper au véganisme – « Ce mode de vie qui cherche à exclure, autant qu’il est possible et réalisable, toute forme d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but », comme le définit La Vegan Society. Comment ce mouvement a-t-il pris forme ? Par qui est-il incarné aujourd’hui ? Comment ce mouvement au demeurant radical s'est-il fait une place dans notre société ? Autant de questions qu’aborde la sociologue Marianne Celka dans son ouvrage Vegan Order (Arkhê Éditions) qui vient tout juste de paraître.  


Les éco-warriors animalistes : une lutte clandestine à l’époque

Les premiers éco-warrior animalistes (éco-guerrier en VF) apparaissent dans les années 60 avec l’Animal Liberation Front ou encore Bands of Mercy en Angleterre. « À l’époque, ces activistes prennent les traits de justiciers, il s’agit d’une bande de "camarades" unis pour libérer les animaux », explique Marianne Celka. À l’époque, cette lutte révolutionnaire est cantonnée à une sphère élitiste, marginale, confidentielle.

Aujourd’hui, les éco-warriors sont loin de cet organisme clandestin et prennent désormais action en tant qu'entités organisées qui agissent au grand jour. Ces nouveaux activistes – l’association L214, Sea Shepherd ou encore PETA – ont popularisé cette cause animaliste. « Les gens trouvent désormais ça plutôt cool, ces activistes qui n’ont pas froid aux yeux et qui font des actions spectaculaires, alors qu’il faut bien se rappeler qu’aux États-Unis avant les attentats de 2001, les éco-warriors étaient considérés comme la première menace intérieure », souligne Marianne Celka. 

Alors qu’il s’agissait d’une politique dans les marges, située en dehors des partis en place, il y a aujourd’hui un vrai succès populaire de tout ceci. « On le voit notamment dans le pullulement des parties animalistes, souvenez-vous de ces affiches au moment des législatives de 2017 où le candidat était un chaton », remarque Marianne Celka. Bref, cette pensée politique commence par s’institutionnaliser.


D’une politique des marges à une nouvelle forme de consommation

C’est au début des années 2000 que l’éco-warrior sort du côté marginal et underground. Comment ? « Grâce aux réseaux sociaux notamment et à la diffusion des images qui profitent à cette lutte », explique Marianne Celka. Les images diffusées par PETA, par exemple, à la fois attirantes et choquantes, interpellent le public sur cette cause animale. Et le véganisme en est finalement l’aboutissement. « Depuis 5 ans environ, le style de vie vegan est la mise en pratique exhaustive de cette libération ».

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« Dans les premières cellules de libération animale, il n’était pas question de véganisme, mais plutôt de politique antispeciste, car l’on peut tout à fait être antispeciste sans être vegan. Mais au fur et à mesure de cette popularisation, c’est le véganisme qui a pris le dessus », souligne Marianne Celka.

Les adresses veggie ne cessent d’éclore, et prennent même la forme de concept stores entièrement dédiés au mode de vie vegan et qui englobent la nourriture, la mode et les produits en tout genre, à l'image d'Aujourd'hui Demain, Manifeste011 ou encore Empreintes. Cette trajectoire qu’a pris le véganisme sort le phénomène des marges du sociale en en faisant une nouvelle forme de consommation.


Veganisme = révolution ?

Dès lors, comment faire la différence entre les vegans tentés de suivre une mode (ceux qui suivent un "régime", soit quelque chose d'éphémère) et les vegans "purs et durs" qui font ça pour révolutionner la société ?  

« Cette révolution est en même temps une victoire car il y a de plus en plus d’adeptes, mais en même temps c’est une faillite car, parce qu’elle est devenue populaire, elle est moins radicale, moins subversive, et cela perd de son potentiel révolutionnaire », explique Marianne Celka. Mais alors que refuser de consommer de la viande ou des produits laitiers parce que ce n’est pas moral apparaît comme révolutionnaire, « le fait même que cette révolution passe par la consommation l’amoindrit »

Aujourd’hui le vegan côtoie le carniste, il s’est inscrit à l’intérieur de notre société. « Finalement la révolution a échoué dans sa tentative de tout remettre à plat », commente Marianne Celka. Certes, les vegan attaquent l’exploitation animale, mais ça donne du grain à moudre au système, et finalement la victoire serait quelque part un peu ambivalente, selon l'auteure. 

Pour autant, le véganisme signifie quelque chose de crucial dans notre société et aboutit qu'on le veuille ou non à une certaine modification de nos normes et de nos valeurs. Loin d'être une mode passagère, cet activisme nous pousse aujourd'hui à la reconsidération du statut animal et de notre manière d’être vis-à-vis de ce dernier.