Ce photographe parisien a compilé 400 photos de teufs partout dans le monde

undefined 19 mars 2018 undefined 13h50

La Rédac'

La fête, un mouvement socioculturel global ? C'est en tout cas ce qu'esquisse Myriadis, un bouquin de photos prises sur le vif aux quatre coins du monde et qui montre la fête sous toutes ses formes - nuit, jour, before, after. Témoignage d'une fête libre et diversifiée, le livre coordonné par Irwin Barbé, un photographe parisien qui a traîné ses guêtres et son objectif dans pas mal de teufs, est avant tout la preuve par A + B que celle-ci est loin d'être oubliée. Pour comprendre un peu plus la démarche, on lui a donc posé quelques questions. 


Comment l'idée de ce livre a-t-elle pris forme ?


L'idée s'est imposée à nous de façon très naturelle. Avec quelques amis, dont le duo de graphiste Service Local et Simon Chambon-Andreani, nous nous sommes dit que certaines des photos qu'on prenait pendant des moments de fête dégageaient quelque chose d'intéressant et que nous aimerions les faire exister et cohabiter ensemble sur un support, qui les fixerait, comme des souvenirs qu'on ne veut pas perdre. Puis nous avons eu envie de les regrouper avec des images de gens d'une multitude de villes, de pays, qui gravitent autour des mêmes scènes musicales que nous.

© Teres Bartunkova


Comment avez-vous trouvé tous les photographes ?

Nous avons parlé du projet autour de nous, et l'information s'est vite répandue. Nous avons reçu de très belles propositions et nous avons ensuite fait une sélection des images qui nous paraissaient avoir la plus grande force symbolique. Nous cherchions des images qui soient brutes, honnêtes, poétiques. Nous avons essayé de nous éloigner d'une approche de reportage, nous voulions que le livre soit le plus sensoriel et immersif possible. 

© Basile Peyrade


Pourquoi avoir choisi ce terme de "Mydriasis" ?


La mydriase est un terme médical désignant la dilatation de la pupille sous l'effet de différents phénomènes et de certaines substances psychoactives, comme la MDMA. Le titre du livre est à la fois une référence à cette substance, très populaire dans le milieu de la fête au sens large, et une métaphore entre le mécanisme de l'appareil photographique, dont le diaphragme s'ouvre pour laisser rentrer la lumière, qui forme une image sur le capteur, et le fonctionnement de l'œil humain, avec la dilalation de la pupille.

© Lucia Martinez


En regardant toutes ces photos prises à travers le monde, en tires-tu un enseignement plus global sur la fête ?


Je ne sais pas si on pourrait parler d'enseignement, parce que comme je l'expliquais, nous avons essayé de créer un livre qui n'est jamais didactique ou binaire. Ce qui nous semble toutefois capital, c'est justement cet aspect de non-binarité et de diversité. Les images les plus marquantes sont celles où les contrastes sont les plus forts, celles dans lesquelles interagissent des gens de milieux socioculturels, de sexualités et d'origines différentes. Celles dans lesquelles on sent que la fête a une âme imprévisible, aux multiples facettes, et que ce n'est pas un produit de consommation conçu pour une cible unique, comme c'est le cas de beaucoup de soirées et festivals. 

© Kristina Podobed


Est-ce que c'est uniquement un divertissement ? 


Pour nous, la fête est plus qu'un divertissement. A travers la sélection des images et l'écriture des textes qui ponctuent Mydriasis, nous avons essayé de retranscrire la profondeur, l'intensité émotionnelle de ces moments, qui transcendent beaucoup de limites (physiques, psychologiques, morales, sociales). Les fêtes techno (au sens large) nous semblent être la continuation d'une longue tradition humaine de rituels festifs. 

© Irwin Barbé


Paris est-elle l'un des grandes villes de la fête ?


À Paris et dans les autres grandes villes françaises comme Marseille ou Lyon, la rigidité des lois semble rendre difficile la création de vrais espaces de liberté propices à la fête : normes de sécurité extrêmement rigides, limite du niveau sonore, problèmes de voisinage, etc. Il y a tout de même beaucoup de collectifs qui organisent des événements très intéressants, mais ils doivent le faire de manière souterraine voire illégale.

© George Nebieridze


Quels sont tes projets du moment ? 


Je travaille justement sur une version vidéo de Mydriasis. Je souhaite garder l'aspect collaboratif du livre en organisant un nouvel appel à projets, en demandant à des gens de m'envoyer des images vidéo filmées au cours de soirées : des instants volés, des images de clubs en plein chaos, des moments d'entre-deux étranges. L'idée, comme pour le livre, sera de créer une œuvre expérimentale fusionnant toutes ces images en une même histoire.