Divines, le film qui a du clito !

undefined 30 août 2016 undefined 00h00

Anais Rouyer

Son discours cannois, lors de la remise de sa Caméra d'Or (traduisez prix du meilleur premier film), a fait le tour du web. Ce n'est certes pas souvent qu'une femme, plantée droit dans ses bottes à la tribune, lance à son producteur, assis dans la salle : « t'as du clito ! ». Du clito, elle en a sans aucun doute, Houda Benyiamina, comme Dounia et Maimouna, les héroïnes de son premier long métrage, Divines, un bijou qui sort en salles demain.


Et quand on dit bijou, on n'éxagère pas. Car le cinéma d'Houda Benyiamina est pour le moins brillant. Et ces personnages sont si humains, si vrais et si attachants, qu'on ne peut pas demeurer indifférents au parcours initiatique semé d'embuches et de préjugés sur lequel ils s'engagent. L'héroïne de cette pépite cinématographique, c'est Dounia. Un tantinet rebelle, elle n'a pas un CV de winneuse. Mais elle en a la gagne. Poussée comme une (magnifique) fleur sauvage dans un bidonville manouche de la banlieue parisienne, la débrouille est son quotidien. Un quotidien gris comme le béton des tours où vit Maimouna, sa sœur de cœur. Maimouna est fille d'imam. Élevée dans le respect de la religion musulmane et l'humilité, elle obéit à ses parents et se fait discrète. Sauf quand elle est avec Dounia. Ensemble, elles osent s'imaginer un avenir radieux et rire des galères du quotidien.

Un quotidien qui bascule quand elles croisent la route de Rebecca, au volant de sa décapotable rutilante, sapée en marque de la tête aux pieds, régnant sur un business florissant de produits illicites et une armée de petites frappes chargées de surveiller son territoire et de revendre son matos. Embauchées comme petites mains, elles s'engagent sur des chemins de traverse, plus aventureux et plus risqués que le chemin tout tracé menant au RSA, qu'elles ont refusé de suivre. Ivre de rêves d'argent et de vie facile, Dounia s'enhardit, persuadée qu'elle peut déjouer tous les pièges et trancher dans le vif sa part du gâteau...

Maimouna (Deborah Lukumuena), Dounia (Oulaya Amamra) et Rebecca (Jisca Kalvanda)

Sur la trame de ce scénario banlieusard, Houda Benyiamina tisse une œuvre d'une impressionnante finesse. Loin des clichés sur la banlieue, malheureusement rebattus au cinéma, son film s'engage sur des chemins féminins, voire féministes. En témoigne le cri du cœur poussé à Cannes lors des remises des prix. Une parole de renouveau et de féminisme dans le milieu machiste du cinéma, conclue point levé par un tonitruant « Cannes est à nous, à nous, les femmes ».

Oui, cette reconnaissance est à elles, les femmes dites "issues de minorités" ou "issues de l'immigration". Elles, les femmes des banlieues, mais aussi les femmes du 7e art, simplement. Des femmes qui crèvent la vie et l'écran, à l'instar d'Oulaya Amamra (Dounia), vingt ans à peine, et Deborah Lukumuena (Maimouna) d'un an son ainée, toutes deux originaires du 91, endossant toutes deux leur premier rôle. Difficile à croire, au vu de la performance bluffante de talent, de beauté, d'humour, de force de ces deux jeunes actrices. Un casting et une cinéaste à suivre. Si l'on y ajoute une B.O. qui claque, une réalisation qui prend aux tripes, au plus près des corps et des visages, sans se départir d'une certaine tendresse, on obtient l'un des plus beaux films français de 2016. Sur mon clito !

Divines, en salles le 31 aout.