Nos batailles, un drame social poignant où Romain Duris triomphe

undefined 4 octobre 2018 undefined 15h22

La Rédac'

Il est bien loin le temps du Péril jeune et de L'Auberge espagnole, des bières pas chères et de la légèreté. Aujourd'hui Romain Duris est un acteur confirmé, l'un des tous meilleurs de sa génération, et il incarne des personnages adultes, sérieux, parfois même graves. Et c'est toujours aussi bon de le voir à l'écran. 


Olivier travaille pour une grosse boîte, dans un entrepôt immense et mal chauffé. Il est un chef d'équipe proche de ses "gars", et se bat en permanence avec sa hiérarchie pour faire valoir les droits de ses collègues. Il rentre tard le soir, mais a la chance de retrouver chez lui sa femme, Laura, et ses deux enfants, Elliott et Rose. Un soir cependant, il est appelé à son travail par l'école où sont scolarisés ses enfants : Laura n'est pas allée les chercher. Elle est partie, sans donner d'explication, et ne reviendra pas. Olivier se retrouve alors seul à devoir gérer son boulot, ses enfants, et lui-même... 

Nos batailles film critique

Si le film traite en premier lieu des épreuves que traverse Olivier suite au départ de sa femme, de sa relation avec ses enfants, de sa détresse morale et de son courage teinté de fragilité, c'est bien le contexte dans lequel cette défection intervient qui donne sa couleur au métrage. Ainsi, si Laura quitte le foyer et sa famille, on comprend en sourdine que ses raisons ne sont pas d'ordre familial, mais traduisent bien une certaine lassitude due à sa position sociale : elle n'en peut tout simplement plus de vivre dans la pauvreté et le stress continuel dû à la position d'Olivier au sein de l'entreprise, celle d'un syndicaliste engagé qui consacre trop de temps à ses collègues et pas assez à sa famille. Paradoxalement, cette volonté de rester proche des employés, d'être "un des leurs", que montre Olivier, pointe du doigt un manque d'ambition mais grandit l'homme, qui se retrouvera même confronté à un choix cornélien : doit-il accepter la promotion du syndicat qui veut l'envoyer à Toulouse, ou celle de l'entreprise qui veut le promouvoir aux relations humaines ? La résolution du dilemme, comme un symbole, se fera au suffrage universel direct entre lui et ses deux enfants, par l'intermédiaire d'un vote sur la table de la cuisine. 

Nos batailles film critique

On savait Romain Duris capable de jouer le dandy séducteur, le héros torturé à la recherche de son moi profond ou même l'artiste raté à la limite de la schizophrénie, mais c'est bien dans ce rôle de père de famille modeste, de prolétaire, qu'il livre peut-être sa plus belle composition. Probablement aussi parce que le film montre quelque chose qu'on voit peu au cinéma et qui ne correspond pas forcément à son physique souvent mis en valeur : la rudesse, la tristesse d'une vie passée à trimer pour les grands de ce monde, et l'absence de considération, l'inhumanité que l'on reçoit en retour, cette sensation insupportable de demeurer une quantité négligeable. 

Nos batailles film critique


Avec Nos batailles, Guillaume Senez livre un drame social poignant à la dimension politique très contemporaine. La performance de Romain Duris, éclatant sous la grisaille qui entoure le contexte narratif, permet au film de traiter tout en délicatesse d'une importante réalité de notre pays : beaucoup de Français galèrent. Eh ouais.