La Douleur : c\'est le cas de le dire

undefined 24 janvier 2018 undefined 18h21

La Rédac'

Dans le Paris occupé de juin 1944, l'écrivain Robert Antelme est arrêté puis déporté en raison de sa position active dans la Résistance. Sa femme Marguerite, écrivaine elle aussi, va tout tenter pour obtenir de ses nouvelles, avant de se résoudre à une longue et pénible attente. Emmanuel Finkiel adapte ici le roman éponyme de Marguerite Duras, avec plus ou moins de bonheur. 


Enfin fini bon Dieu ! Je n'en pouvais plus. Etant quelqu'un de consciencieux, j'ai attendu que le film se termine pour pouvoir en juger, mais ça faisait déjà bien une heure que je n'avais qu'une envie : me barrer. Non pas que le film d'Emmanuel Finkiel soit mauvais, attention ; je pense même qu'il est très réussi, extrêmement cohérent, mais dans le sens où il porte à merveille son nom, dans le sens où c'est un film sur la douleur, donc, et que c'est effectivement le sentiment qui nous étreint et qui ne nous quitte pas pendant presque l'intégralité du métrage. Pour être très clair, on souffre pendant une heure et demi. Le but est-il alors atteint pour le réalisateur ? Rien n'est moins sûr, mais ce qui l'est, c'est qu'il faudra me payer très cher pour que je revois un jour ce film. 

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Si vous êtes familier de l'œuvre de Margurite Duras, vous comprendrez pourquoi je trouve le film bien foutu. Il transpose effectivement assez bien à l'écran cette prose si particulière à l'auteure du Ravissement de Lol V. Stein, cette espèce de schizophrénie stylistique et narrative qui trouble la frontière entre songe et réalité et rend le récit presque fantastique par moments. Mais ce qui marche sur les pages d'un livre ne fonctionne pas forcément sur la pellicule, et force est de constater qu'une fois le sujet du film entamé, à savoir la douleur insoutenable liée à l'attente du retour du mari déporté, on s'ennuie ferme jusqu'à la fin.

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Ça avait pourtant plutôt bien commencé, car pour en arriver là, Margurite (Mélanie Thierry) avait d'abord frayé quelque peu avec un agent français de la Gestapo (Benoît Magimel, excellent) pour obtenir des nouvelles, nous offrant une mise en place contextuelle plutôt intéressante et intelligemment filmée. Les décors et les costumes sont superbes, et la caméra, très intuitive, nous plonge admirablement dans l'atmosphère tendue de l'Occupation.

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Mais la deuxième partie du film, la plus importante, ne consiste en fait qu'en une lecture mise en images du texte, par ailleurs superbe, de Duras. Mélanie Thierry fait ça excellemment, et son travail d'actrice n'est pas à remettre en question. Benjamin Biolay par contre, dans le rôle de Dionys, l'amant discret, est quant à lui plus contestable. Mais ce ne sont au final que des détails, car les images et le récit prennent dès lors bien peu de place devant la force du texte dit en voix off par Marguerite. Le problème, c'est peut-être que ce roman était fait pour être lu, pour qu'un lecteur se plonge dedans, et non pour être montré, habillé, et donc, quelque part, travesti. 

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Certains romans de Duras se prêtent peut-être à une adaptation cinématographique, on pense bien sûr à L'Amant par exemple, mais il faut croire que La Douleur n'en fait pas partie, sous peine d'en infliger une réelle au spectateur.