Range ton téléphone ou je te casse la gueule !

undefined 7 décembre 2018 undefined 16h10

La Rédac'

À toi, être humain dont l’utilisation du téléphone est devenue l’essentiel de ta vie. À toi, enfant de la technologie dont le cerveau s’est fait absorber par les médias, les réseaux sociaux et Candy Crush. À toi, celui qui m’a bousculé l’autre soir et renversé mon verre pour pouvoir se rapprocher des enceintes et shazamer la musique. Je vous emmerde et j’en ai marre.


Ça fait une heure que je le vois se pavaner à droite à gauche, enchaînant les allers-retours entre les toilettes, le bar et la piste. Ça ne sait pas rester en place… Déjà que ce club s’apparente plus à une conserve de maïs – tant pour le monde que pour l’humidité – qu’à la soirée de ma vie, j’aimerais un minimum profiter. Sauf que c’est trop tard, cet abruti m’a gâché mon plaisir et j’ai bien envie de lui pourrir la vie.

Je continue de le regarder trente secondes, puis je me décide à vider mon verre. Déception instantanée. Il en avait renversé l’intégralité du contenu en me poussant violemment pour courir comme un débile vers le booth, son téléphone à bout de bras au-dessus de lui pour capter toutes les ondes. Avec son grand manteau gris et son écharpe, qu’il n’a pas voulu laisser au vestiaire pour ne pas prendre froid dehors avec sa clope au bec. Insupportable. J’aimerais que cette haine franche, profonde et soudaine ne soit qu’une simple hystérie de passage. La vérité, c’est que je n’en peux plus.

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Ce n’est plus à lui, mais bien à toi que je m’adresse désormais. Paris, pourquoi ne peux-tu pas être plus civilisée ? J’aime tes clubs, j’aime ta musique, j’aime ta scène. Mais je ne t’aime pas toi. Je n’aime pas ton public, ta jeunesse. Je n’aime pas me retrouver trempé de la tête aux pieds parce qu’un pauvre type n’a pas su se contenir. Parce qu’il ne sait pas se tenir. Parce qu’il a bu, qu’il s’est drogué et qu’il recommencera probablement la semaine suivante, sans jamais savoir se contrôler.

Et cette manie de vouloir à tout prix capturer chaque instant… De prendre mille photos, de filmer pour se la coller sur son Insta, d’essayer de choper le moindre son qui procure un quelconque frisson… Les gens n’écoutent plus la musique, ils l’enregistrent. Personne n’est DJ, personne ne compte la jouer. Il fut un temps où les souvenirs n’étaient que glissés dans le fond de notre cerveau, et plus sur la carte mémoire 128Go de son foutu Samsung. On regardait encore avec les yeux, on écoutait avec les oreilles. Aujourd’hui, on ne fait plus qu’entendre. Rares sont les endroits où on n’est pas obligé de percuter un con parce qu’on a voulu lever les bras de joie. Chaque expérience est unique, alors si c’est pour aller demander un track ID sur un groupe Facebook privé, s’il vous plaît : arrêtez.

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Le revoilà qui passe à deux centimètres. Mon verre déjà vide, je lui aurais bien mis dans la gueule. Mais le bellâtre n’a pas que ça à faire, il doit courir pour s’en refaire une. Parce que la soirée ne serait pas si bonne si sa meilleure amie Caroline ne lui tenait pas compagnie au plus profond de lui. Bravo, tocard. Tu es un exemple pour toutes les générations. Oh là, le voilà qui fait demi-tour sur lui-même dans un pas de danse hasardeux. Je goûte à son écharpe imbibée de sueur tandis qu’elle me caresse le visage. Le mec ne capte pas, manque de se ramasser par terre, et finit par se rattraper à moitié à moi, son téléphone dans la main. Mon épaule vacille, je sens l’appareil s’enfoncer et me vriller le tendon. Nos regards se croisent, je vois ses yeux de bovin témoigner du vide sidéral qui occupe l’intérieur de sa tête. Du plus grand sérieux et mépris que je puisse puiser au fond de mon être, je lui adresse alors les seules paroles que j’aurais prononcées ce soir-là : « Range ton téléphone, ou je te casse la gueule. ».

Ça vaut pour vous aussi.