Quelle est la signification du bronzage selon les époques ?

undefined 18 juillet 2017 undefined 12h58

La Rédac'

Tu ne t'es jamais demandé pourquoi tu t'infligeais tous les étés le supplice de rester des heures durant sous un soleil de plomb ? Eh bien parce que le bronzage est un marqueur social, mon enfant. De nos jours, il signifie globalement que tu as pu te permettre de partir en vacances au soleil, quand, il y a 100 ans, il signifiait que tu étais un paysan sans le sou. Déjà en 1928, Vogue s'interrogeait : "Être ou ne pas être hâlée ?". En 1939, Marie Claire tranchait : "Brunir vite", affirmait le titre. En fait, en même temps que la société évolue, les significations sociales du bronzage aussi... Throwback


Le bronzage diabolisé 

Avant les années 1880, même sous de fortes chaleurs, tout le monde reste à l'intérieur. A l'époque, on considère, médecine comprise, que le corps se détraque avec le soleil. On pense l'été nocif, propagateur d'infections et de microbes. Du coup, personne ne s'expose. Même les gosses restent enfermés dans des salles de classe jusqu'au 15 août. Rude. Et puis, le bronzage est réservé au monde ouvrier et paysan. Les gens bien nés, eux, n'ont pas à travailler dans les champs. Ils restent à l'abri chez eux et sauvegardent donc une peau laiteuse. 


Après la guerre, on met du soleil sur sa peau

Puis, après la Première Guerre mondiale, on assiste à un revirement des mœurs. Pour se guérir des maux d'esprit, on en appelle à la nature, aux éléments, soleil compris. Les rayons UV ne sont plus des ennemis. Au contraire, ils sont des alliés pour le moral, des drogues addictives. Plusieurs acteurs comme des médecins, des stylistes ou encore des scientifiques, ont aussi contribué à l'émancipation du bronzage. La créatrice de mode Gabrielle Chanel (1883-1971) a notamment, selon l'auteur de L'invention du bronzage, essai d'une histoire culturelle Pascal Ory, joué un rôle. A l'époque, on la surnommait "le teint brûlé". Finalement, là encore, elle lançait une mode


On part massivement vers les stations balnéaires

Un autre facteur non négligeable, aussi, c'est bien sûr les congés payés. A partir de 1936, les gens peuvent pour la première fois se barrer en vacances en continuant d'être rémunérés. Tous le monde se rue alors vers les stations balnéaires. La signification du bronzage s'inverse : la peau hâlée devient l'antonyme de labeur.


Et aujourd'hui ?

A notre époque, la signification est plus subtile. D'un côté, les mannequins des années 90 à maintenant, de Kate Moss à Cara Delevingne, célèbrent les teints blafards. D'un autre, l'industrie des produits liés au bronzage n'a jamais été aussi pérenne. Dans le commerce ou sur Internet, on trouve plus qu'il n'en faut pour entretenir, favoriser ou reproduire artificiellement le bronzage : pillules pour préparer sa peau, autobronzants, cabines à UV, laits après-soleil... En fait, aujourd'hui, aussi parce qu'on connaît les effets dévastateurs de la pratique, on ne cherche plus tellement à être cramé. On préfère un doux hâle tempéré, subtil stratagème pour évoquer notre niveau de vie sans trop en faire.


Finalement, ton corps, en été, n'est que la simple pancarte de ta condition. C'est aussi le reflet de ton temps, l'écho de ta culture, et la tienne seulement, petit ethnocentriste. En Chine, par exemple, être bronzé est encore la pire des tares...