Tendance : ces jeunes qui arrêtent l\'alcool

undefined 23 juillet 2018 undefined 18h49

La Rédac'

À l'heure à laquelle j'écris ces lignes, nous sommes lundi et pas mal de mes congénères (sans m'oublier au passage) portent les séquelles d'un week-end un peu trop chargé éthyliquement parlant. Et tous les lundis c'est la même chose, on se dit que le week-end prochain, « on lève le pied », résolution noyée dans la première bière d'afterwork venue. Du coup, on a voulu changer un peu de point de vue et rejoindre ceux qui ont levé le pied... pour de bon !


Un peu d'histoire

Le fait de ne pas consommer d'alcool (pour des raisons morales, de santé ou religieuses) possède un nom – bien méconnu d'ailleurs : il s'agit de "l'abstème". De la même façon qu'il y a toujours une bonne occasion pour boire un verre, il en existe également pour l'inverse. Et c'est comme ça qu'au XIXe siècle (en 1833 précisément) s'est créée la Preston Temperance Society, sous l'impulsion de Joseph Livesey, un militant britannique.

Cette organisation était emblématique des ligues de tempérence qui se sont formées dans quelques pays d'Europe et aux États-Unis au 20e siècle et obéissaient toutes au même principe : « Nous acceptons de nous abstenir de consommer toute liqueur à la propriété intoxicante, bière, vin ou spiritueux, sauf en tant que médicament » mentionnait The Pledge, ("La Promesse"), sorte de bible de ce mouvement non-alcoolisé. Pour des motifs psychologiques, religieux, sanitaires, médicaux, familiaux, philosophiques, sociaux, à cause d'un alcoolisme passé ou par simple préférence de goût, les abstèmes ne buvaient donc pas une goutte.


L'abstème au XXIe siècle

Presque 200 ans après la création de la première ligue de tempérence, le mouvement s'est forcément un peu étouffé, noyé dans les publicités omniprésentes et la représentation de l'alcool dans l'audiovisuel. Aujourd'hui, en contradiction avec l'alcoolisme mondain qui caractérise les soirées parisiennes, les modes de vie sains se frayent une place de plus en plus importante dans nos sociétés. Qu'est-ce qui pousse certains à rejoindre l'équipe d'en face ?

Camille a 23 ans, elle est musicienne et c'est son métier qui lui a fait prendre la décision de ne plus boire : « J'ai arrêté depuis plus de 3 ans, j'avais 19 ou 20 ans. Ce qui m'a motivée, c'est d'abord que j'ai vu que je n'étais pas maître de moi-même sous alcool. Cette décision est venue avec un changement de mode de vie, en tant qu'artiste musicienne, comme un sportif de haut niveau, je voulais être vraiment saine de corps et d'esprit. » Elle devient ensuite végétarienne puis végétalienne, arrête de consommer tout ce qui est industriel et tout ce qui modifie l'état de conscience. Résultat ? De meilleures performances et une concentration accrue.

Lorsqu'on lui demande s'il y a des conséquences, et comment elle l'a vécu, Camille explique qu'elle l'a « très bien vécu, même si j'ai perdu des amis, ça permet de faire le tri. Maintenant je me sens totalement libre, en parfaite santé, et il paraît que physiquement je ne vieillis pas. »

Du côté de Mathilde, c'est un traitement médical qui l'empêche de boire, avant qu'elle s'aperçoive qu'elle ne reprendrait finalement pas. « J’ai arrêté depuis deux ans, pour deux raisons principales : premièrement a cause d’un traitement à long terme qui m’interdisait de boire, (quand j’ai arrêté ce médicament je n’ai jamais repris) et surtout pour une question d’éthique, de valeurs... J’ai toujours trouvé ça "laid" une femme ou un homme qui boit. Ça fait des ravages et beaucoup ne se contrôlent plus. »

Et quand elle fait la fête, qu'est-ce que ça change ? « Au début je l’ai plutôt mal vécu surtout en soirée, parce que je me pensais incapable de m’amuser sans, et pourtant maintenant je suis la première à faire la fête jusqu’au bout de la nuit, je n’ai vraiment plus besoin de ça ! Le plus positif c’est surtout le lendemain : même après une grosse soirée je me sens juste fatiguée, mais pas mal à cause de l’alcool. Moins cool, à défaut de boire je fume beaucoup plus de cigarettes, comme pour me donner une contenance, accompagner les autres, inconsciemment. »


Du blackout à la remise en question

Parfois, c'est la cuite de trop, comme pour Agnès : « C’était après le bal des pompiers de l’année dernière où j’en suis venue à me retrouver tellement mal que je n’arrivais plus à bouger ni parler. C’est mes amis qui ont dû me ramener chez moi. Ça arrivait vraiment souvent que je me retrouve complètement torchée mais jamais à ce point. Je me suis sentie comme un déchet, et je me suis rendue compte que là si je n’avais pas été entourée, ça aurait pu virer au drame.... » Patrick a également tout stoppé après un gros blackout, il a arrêté de boire pendant deux ans : « J'étais arrivé à un point où je buvais quasiment tous les soirs, que ce soit devant une série ou en soirée. Le lendemain de ma dernière cuite, je me suis souvenu être complètement mort, comme une loque. Je me suis dit "Qu'est-ce que tu penserais de toi si tu te voyais dans cet état ?". »

Après avoir évité les soirées pendant plusieurs semaines en révisant un concours, Agnès explique ne plus avoir besoin « de se mettre minable pour s'amuser » et avoir quelques amis qui ont suivi le mouvement. Même scénario pour Philibert, 26 ans, qui a arrêté il y a trois ans en voyant ses potes abuser de la tise, sans parfois s'en rendre compte « car l'alcool est une drogue socialement acceptée (voie encouragée) en France. » 

Alphonse nous a raconté l'incompréhension qui règne dans certaines teufs, après qu'il ait arrêté en février 2017 : « Y'a toujours un mec qui me demande comment je fais pour m'amuser. Premièrement je trouve que ce genre de personnes sont de tristes personnages incapables de savourer un bon moment lucide, et ensuite c'est vrai qu'être entouré de mecs qui picolent ou fument et forcent pour que tu fasses la même c'est relou, mais je trouve que ça te permet de profiter à 100% du moment et de t'en rappeler. »

On s'aperçoit qu'il y a clairement deux équipes : ceux qui ne vont plus en soirée parce qu'ils ne retrouvent pas l'ambiance des fêtes alcoolisées précédentes, et ceux pour qui arrêter de boire a été difficile au début, et puis qui s'y sont fait. Patrick nous confie qu'au début, l'adaptation est compliquée : « J'avais du mal à kiffer comme mes potes bourrés. Puis au fur à mesure, tu t'ambiances comme eux, et c'est limite si le fait d'être entouré de gens bourrés te donne un effet placebo et te donne l'effet toi aussi d'être "pompette", mais sans la gueule de bois le lendemain. »

Au final, que du plus, surtout pour l'organisme : Patrick dit avoir « ressenti la différence sur mon corps dans les 2 à 3 mois après avoir arrêté. Tu te sens mieux, plus en forme, t'as d'autres intérêts en soirée et tu kiffes d'autres trucs. Mais bon, depuis janvier 2018 (le Nouvel An), j'en ai eu marre, et je me suis dit que je m'étais prouvé que je pouvais arrêter sans ressentir de manque. Et du coup, j'ai une toute autre approche de l'alcool. Je bois moins en soirée, je fais moins de soirées aussi. »


La Société française d'alcoologie propose un questionnaire de dépistage simple permettant de repérer les addictions à l'alcool. Une réponse positive à l'une des quatre questions suivantes est évocatrice d'une difficulté avec l'alcool, on vous laisse avec :

- avez-vous déjà essayé de diminuer votre consommation d'alcool ?

- votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation d'alcool ?

- avez-vous l'impression que vous buvez trop ?

- vous arrive-t-il de boire dès le matin ?