L'humour et le trait légers : rencontre avec Margaux Motin

undefined 5 octobre 2020 undefined 14h43

Zoé Stene

Te revoilà 7 ans après ton dernier album, que s’est-il passé entre temps ?

J’étais occupée à vivre. On s’est installé dans notre nouvelle maison et on a recomposé la famille, j’ai voulu me dédier à ça. J’ai aussi beaucoup dessiné pour insta, et puis il y avait l’appel de la campagne, j’avais envie d’être dehors et de bricoler toute la journée donc ça a été difficile de s’y remettre. J’avais un projet que j’ai commencé puis interrompu, c’est Pacco qui m’a remise en selle. Ensuite, j’ai mis 2-3 ans pour faire l’album.


Pacco est à la fois ton compagnon et co-auteur du bouquin. À deux, on va plus loin ?

Tellement, mon Dieu ! Le métier d’artiste se vit beaucoup seul, on est souvent confronté à nos émotions et nos limites. Quand tu doutes de ton travail, tu doutes de toi et c’est parfois super difficile, j’ai cette chance énorme d’avoir un amoureux qui fait le même travail et qui a à cœur de travailler avec moi. Avec son regard, il débloque les situations, il me pousse plus loin, il me partage aussi ses outils et ses techniques. On a écrit l’album ensemble, on a un mode de fonctionnement où on a chacun nos points forts qu’on met ensemble au service du duo. Il m’a notamment appris à réduire les dialogues et choisir le bon mot pour être plus impactante.


Ton nouvel album aborde encore une fois tes thèmes de prédilection comme l’amour et la famille. C’est ce qui t’inspire le plus ?

Ma source d’inspiration, c’est la réalité du quotidien, parce que c’est génial d’avoir à portée de main autant de choses à raconter. Je prends plaisir à raconter des situations vraies et authentiques parce que j’aime que mes lecteurs se retrouvent dans cette réalité, qu’ils se disent « ça me parle », « moi aussi je l’ai vécu ». Il y a plein de choses de ma vie que je ne raconte pas parce que dans ce que je vis, je vais uniquement chercher le truc qui va raisonner avec les autres.

LE PRINTEMPS SUIVANT T1 - VENT LOINTAIN


Tu représentes "la femme moderne", aux antipodes de la femme parfaite, celle qui assume ses défauts et qui se lance dans une famille recomposée. C’est ça qui plaît ?

Oui, je sens bien qu’il y a un vrai kiff pour mes lectrices à se reconnaitre et à se sentir mises en scène, c’est comme si elles avaient une image d’elles. C’est agréable de voir des choses qui nous ressemblent, tu te sens compris, rejoint, c’est plaisant. Souvent, ça permet aussi de se regarder et de se poser des questions sur soi-même.


Justement, la Parisienne c’était ton essence, ton identité, ce qui t’a fait connaître. Tu n’as pas eu peur de perdre ça en changeant de vie ?

J’ai adoré la période parisienne mais on ne reste pas la même toute sa vie. Je pense que ce n’est pas tant le décor qui fait que ça fonctionne, c’est qui on est. Alors oui, c’est vrai que je parle moins de chaussures, mais doit-on parler de chaussures toute sa vie ?


Qu’est-ce qui te donne l’impulsion de dessiner ?

Mes impulsions ne m’emmènent pas au bureau mais dans le jardin ou en forêt. J’ai des horaires de bureau et un planning, sinon je serais en slip et en sabots dans la gadoue toute la journée. Heureusement pour moi, je suis quelqu’un de très disciplinée !


Comment passe-t-on d’illustratrice à auteure de BD ?

Dans mon cas précis, j’ai toujours eu un feeling pour la BD, d’ailleurs quand je suis rentrée à Olivier de Serre (L’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d'art ) j’ai choisi un cours de communication visuelle enseigné par Jean-Christophe Chauzy, un auteur de BD. A posteriori, je me rends compte que j’avais un appétit pour ça même si à l’époque je ne l’avais pas encore formulé dans ma tête.

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Est-ce que savoir dessiner c’est forcément savoir raconter des histoires ?

Ce n’est pas une évidence, non. Pour ma part, c’est mon blog qui a servi de passerelle. Au départ, j'y postais des dessins qui étaient juste de l’illustration mais petit à petit le format me donnait la possibilité de raconter de courtes histoires. Quand Marabout m’a proposé de faire mon premier livre, les dessins étaient tirés du blog, et c’est à ce moment-là que le virage s’est fait.


Lorsqu’on a près de 300 000 abonnés sur Instagram est ce qu’on devient une femme puissante ? Est-ce que ça ne donne pas envie de faire passer des messages plus engagés ?

Je ne vois pas ça en termes de puissance, je ne réfléchis pas comme ça. Certaines personnes utiliseront leur notoriété pour faire passer des messages engagés, d’ailleurs il y a beaucoup d’artistes qui font ça très bien mais ça n’est pas mon cas. Ce sont des sujets complexes et sensibles qui font partie de l’intime pour moi et sur lesquels je n’ai pas envie de m’exprimer. Ce n’est pas là que ça se joue pour moi, l’univers que j’aime partager c’est l’émerveillement, le rire, la nature et la positivité. Et puis Instagram, c’est l’espace où je m’amuse le plus artistiquement.


Tu dis souvent que tes dessins sont liés aux moments heureux parce que c’est ce que tu aimes raconter. Tu te verrais aborder les choses de manière plus sérieuse, voire plus sombre, à l’avenir ?

Peut-être. Je n’ai pas l’impression mais je sais qu’on peut changer. Parfois j’aime aborder les choses de manière poétique et sensible, mais ce qui me fait vibrer c’est d’aller raconter les jolies choses et celles qui me font sourire. Mais qui sait, on verra ! Peut-être qu’avec l’âge, je vais me mettre à parler de la mort… Mais toujours avec humour. J’aime que ce soit léger et drôle.

Le printemps suivant / Volume 1, Vent lointain
Margaux Motin 

Sortie le 7 octobre 2020 aux éditions Casterman