Barbara, l’antibiopic éblouissant d’Amalric

undefined 7 septembre 2017 undefined 18h00

La Rédac'

Il y a avait du monde hier au cinéma le Balzac sur les Champs. Une queue longue comme les succès inébranlables de la dame en noir. Balibar en Barbara, ça sonne presque comme une jolie contrepèterie. Un jeu de de miroirs sans frontière qui scelle le caractère atypique de cet antibiopic. Un film brut, ancré dans une liberté de ton revigorante, qui a sacrément ébranlé le public dans la salle. On vous raconte.

« C’est un matin qui n’est pas encore froid, un petit soleil, une petite pluie. Mais un matin sombre quand même ». Le générique s’ouvre sur la voix de Barbara qui parle à son pianiste. Autodidacte, elle décrit en images ce qu’elle veut qu’il joue au piano.

Brigitte (Jeanne Balibar), comédienne star à l’étranger ouvre le script de Barbara. Elle va incarner la dame brune sous la direction d’Yves (Mathieu Amalric), un réalisateur fétichiste qui veut revivre ses souvenirs d’enfance, dans lesquels Barbara est restée un mythe intouchable. Un homme fantasque semblant sortir d’un roman de Boris Vian, véritable Chick, collectionneur de Jean-Sol Partre. Méticuleusement, il cartographie les lieux de sa vie, façon serial killer attendrissant.

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Pour lui, ses chansons sont « les berceuses » que sa mère ne lui a pas chantées. Entouré de post-it et d’archives collées au mur, il recrée tout l’environnement de Barbara. 

Fumée de cigarette dans une lumière diaphane, Mathieu Amalric a pris le parti de filmer l’actrice qui travaille ; qui observe Barbara sous toutes ses coutures, entrant dans un touchant mimétisme. Le génie de cette réalisation, c’est qu’on ne sait plus quand Jeanne Balibar joue ou ne joue plus. « On voulait tricoter des plans comme elle le faisait. On passe de Barbara à Brigitte avec quelque chose de Jeanne, bien sûr », balance un Amalric amusé.

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Balibar, de l’or en barre                                    

Jeanne Balibar s’installe au piano, son œil se fait malicieux. Un profil, une main qui glisse sur un boa noir. Tête penchée, elle entame le titre ô combien cabotin « D’elle à lui ». Voix douce, lancinante, respiration rapide : Balibar est gouailleuse mais sensuelle. On est immédiatement troublé par sa diction qui se moule dans les tournures de phrases si particulières de Barbara. « Jeanne a appris des milliards de mots du champ lexical de Barbara », précise Mathieu Amalric.

La comédienne débite aussi les colères d’une artiste étouffante et omniprésente avec ses équipes. Tout le film est habité par cette ambivalence du personnage : ses impertinences et ses angoisses. Sa grâce. Jeanne Balibar qui chante dans beaucoup de scènes, fixe la caméra derrière son piano à queue, le regard vague. Habitée dans ces moments par le masque d’une mélancolique extrêmement envoûtante. On se délecte des jeux de séductions avec pas mal de ses hommes, dont son excellent accordéoniste Roland Romanelli. Et on touche des doigts son mystère. Ses visites dans les prisons pour femme, son enfance difficile : tout est distillé avec délicatesse et dignité, comme Barbara l'a fait tout au long de sa vie. 

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« On voulait faire bouger les tables »

Mathieu Amalric qui trouvait l’idée d’un biopic « sale » ne voulait pas de mise en abime mais d’un film premier degré qui laisserait l’esprit de Barbara aller et venir. « Il fallait créer une situation musicale, un filtre d’amour. Faire bouger les tables. On ne savait jamais quand Barbara viendra nous visiter. » Une petite séance de spiritisme en somme, sans le côté flippant. On passe d’une émotion intense au cruel retour au monde qui va vite. Brigitte fait revivre Barabra, puis tout à coup, elle attrape un smartphone et nous ramène en 2017.

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Ce septième film d’Amalric est une pépite tant il se laisse vivre. « On a filmé des scènes de 20 minutes pour saisir l’instant où on basculait. » A la fin de la séance, beaucoup ont les yeux qui brillent, certains pleurent. On sent qu’on touche à l’intime car « toutes les chansons de Barbara semblent avoir été écrites pour chacun d’entre nous », conclue Amalric. Un film qu'il faut foncer voir sur grand écran, ne serait-ce que pour la qualité des images archives qui se mêlent à la merveilleuse réalisation de Mathieu Amalric. 

Barbara de Mathieu Amalric
Avec Jeanne Balibar et Mathieu Amalric
En ce moment en salles