Témoignages de confinés : comment ne pas sombrer dans la solitude

undefined 28 mars 2020 undefined 21h08

Morgane Espagnet

En France, 5 millions de personnes sont seules, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas de relations sociales, que ce soit sur le plan familial, amical, professionnel ou encore de voisinage. En dépit d’Instagram, Tinder et tous les réseaux sociaux qui nous plongent dans une ère d’hyper-connexion, nous n’avons jamais été aussi seuls. Et ce confinement ne fait qu’aggraver la situation. « Avant je sortais quasiment tous les soirs pour voir mes potes, mais depuis le confinement, j’ai dû renoncer à toutes mes sorties. Du coup, j’essaie de garder le contact avec mes proches via Skype, Messenger ou HouseParty », témoigne Camille, une étudiante de 21 ans vivant seule à Paris dans un 18 m2.


Des citadins confinés dans moins de 30 m2

Comme Camille, 22 % des Parisiens sont contraints de se confiner dans moins de 30 m2 pendant plusieurs semaines. C’est notamment le cas de Théo, 24 ans, qui a d’abord vécu cette interdiction de sortir comme une frustration. « Ma copine est partie en Province chez ses parents donc je suis seul à Paris dans un 28 m2, c’est assez agréable mais à la fois très éprouvant car je n’ai plus personne avec qui parler. Je continue d’appeler ma famille, ma copine et mes amis pour garder le contact, ça renforce les liens et ça m’occupe la journée », m'explique-t-il. Pour la plupart des Français, ce confinement vient interrompre un mode de vie actif et nous coupe de nos interactions avec le reste du monde. Mais pour certains, il ne fait qu’accentuer ce qui existait déjà avant…

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Un risque de mortalité prématurée

Face à l’épidémie de Covid-19, le gouvernement nous impose de rester reclus chez nous pour protéger notre santé et celle des autres. Pourtant, c’est l’opposé de ce qu’exige une bonne santé mentale. Car pour le bon développement de notre cerveau, nous avons besoin d’échanger et d’avoir des contacts physiques. Sans ces éléments, notre matière grise peut en garder quelques séquelles. Il a d’ailleurs été démontré par de nombreuses expériences qu’un être humain en état de privation affective et sans interaction avec ses parents, a des risques élevés de développer de graves problèmes psychologiques, des maladies motrices, visuelles, linguistiques et infantiles. Pire encore, selon une nouvelle étude, le fait de vivre seul augmente l’incidence des troubles mentaux comme la dépression, les troubles du comportement alimentaire ou les troubles anxieux. Dans les cas les plus sévères, l’isolement social conduit même à des pertes d’espérance de vie. De récents travaux présentés au congrès de l’Association américaine de psychologie en 2017, montrent d’ailleurs que selon 148 études sur le sujet couvrant 300 000 participants, le risque de mortalité prématurée augmente de 50 % du fait de l’isolement social. Les interactions avec les autres sont donc essentielles à la construction d’un individu et au bon fonctionnement de son cerveau. Pour la psychothérapeute, Véronique Blondeau, « c’est un besoin légitime. Il est donc naturel pour certaines personnes de terriblement souffrir de ce manque ».


Le téléphone, notre meilleur allié

Marie, une retraitée de 70 ans, se sent particulièrement stressée pour sa famille. « Par mesure de sécurité, je ne vois plus mes enfants et petits enfants. Je reste seule chez moi à faire des mots croisés, du jardinage ou de la lecture ». Pour contrer la solitude, elle n’hésite pas à appeler régulièrement ses proches et à « rester dans le jardin pour voir le voisinage passer ». Tout comme Marie, Murielle, une retraitée de 70 ans, trouve la solitude pesante. « Le plus embêtant pour moi, c’est la solitude, mais je pense à ceux qui sont malades et en souffrance, je n’ai pas le droit de me plaindre. J’ai quand même de très bonnes surprises de personnes inattendues qui demandent de mes nouvelles. Le téléphone permet de garder le contact et de ne pas sombrer dans l'enfermement. C’est mon meilleur ami pendant ce confinement et il occupe une grande partie de mes journées. D’ailleurs, chaque jour, j’appelle des personnes plus âgées que moi ou plus isolées pour leur apporter un peu de compagnie. J’essaie d’aider comme je peux ! ».

Un tabou dans notre société 

Même si la solitude reste taboue dans notre société, les trois quarts de ceux qui en souffrent disent avoir du mal à en parler. « Je souffre beaucoup de ce confinement car j'ai encore moins d’interactions avec les autres que d'habitude. Je n’ai pas vraiment d’amis à Paris, la plupart vivent à l'étranger ou dans d’autres villes, je n’ai donc pas beaucoup de contact avec eux », témoigne Anaïs, une Niçoise de 35 ans vivant à Paris dans un 36 m2. Pour beaucoup, cette période de confinement est synonyme d’angoisse car elle isole encore plus les personnes déjà fragiles et isolées. Pourtant, de nombreuses initiatives et actions ont émergé pour maintenir les liens qui nous unissent. « La première étape pour mieux gérer la solitude, c’est d’oser en parler. C’est difficile pour la majorité des gens, pourtant il faut oser formuler des demandes pour maintenir un contact régulier », affirme une bénévole de l’association Astrée. « Pour rompre la solitude à tous les âges et aider ceux qui font face à des épreuves difficiles, on propose un soutien téléphonique pendant le confinement ». De cette manière, les personnes isolées en situation de fragilité personnelle ou sociale sont mises en relation avec des bénévoles formés à l’écoute et à l’accompagnement. « La spécificité de cet accompagnement est d’être individualisé. Chaque personne est accompagnée par le même bénévole de manière régulière sur les principes de l’anonymat et de la confidentialité. L’objectif premier est de rompre l’isolement des personnes fragilisées en les laissant s’exprimer sans jugement ni interférence. C’est un processus très efficace qui permet de retrouver la confiance ». Car en cette période de confinement, une seule chose arrivera toujours à nous réconforter : la solidarité.


Des applis solidaires

Alors que l’actualité nous l’a encore prouvé, entre les fêtes aux balcons et les applaudissements destinés au personnel soignant tous les soirs à 20h, le Bonbon a voulu aller encore plus loin en créant une application solidaire, pour ne pas se sentir seul et abandonné. Ma vie de Quartier propose de l’entraide entre voisins vivant dans un même arrondissement. Vous pouvez directement poster un message sur votre profil et il apparaîtra dans le fil d’actualité de chaque personne ayant affirmé habiter dans le même quartier. La Ville de Paris propose également une affiche à télécharger et à mettre dans les parties communes pour faciliter l’entraide entre les habitants d’un même immeuble. Les voisins prêts à aider les personnes isolées peuvent y inscrire leur numéro de téléphone afin d’être contactés. La promesse en somme, d’un confinement plus léger, et peut-être même de rencontres à conserver, peu importe où vous vous trouvez !

Certains prénoms ont été modifiés *