Slow food : êtes-vous prêts à faire la révolution gastronomique ?

undefined 13 juin 2018 undefined 15h35

La Rédac'

Nous n’avons jamais autant été exposés à la nourriture, qu’il s’agisse de ses tendances appétissantes – chefs starifiés, foodporn omniprésent, mouvement veggie/vegan – ou de ses travers – scandales, gaspillage, pollution etc. Une foule de choses qui nous font cogiter, mais pas agir pour autant. À l’occasion de l’inauguration du festival Italissimo, Carlo Petrini, fondateur du mouvement Slow Food, et Pierre Rabhi, créateur de l'association Colibris, ont discuté des enjeux autour de la gastronomie lors d’une conférence intitulée "Alimentation, vive la révolution ?" Topo.


Un système alimentaire criminel

Il y a 30 ans, Carlo Petrini créait Slow Food, mais ce qui ne devait être qu’une association gastronomique classique est devenu par la force des choses un réel mouvement international présent aujourd’hui dans 160 pays.

L’idée du mouvement slow food ? Mener une bataille politique et culturelle pour changer ce que Carlo Petrini qualifie de « évolution absurde de la gastronomie ». Pour cela, il convient tout d'abord de réfléchir au concept de la gastronomie lui-même.

« Aujourd’hui tout le monde parle sans cesse de recettes, de restos, de nourriture mais il ne s’agit que de 10% du problème », explique l'Italien. « La gastronomie, c’est la nature, la génétique, l’Histoire, l’économie… Or la plupart des gens considèrent aujourd’hui que la gastronomie se résume à la pornographie alimentaire. »

Le paradoxe n’a jamais été aussi important. D'un côté, la gastronomie est totalement starifiée, de l'autre l'enjeu écologique autour de la nourriture n'a jamais été aussi important. 

Le principal responsable de cette situation apocalyptique ? « Le système de développement qui a été instauré, et qui si l’humain n’y adhère pas, le rend complètement archaïque », commente Pierre Rabhi, écrivain, paysan, écologiste, fondateur de Colibris, une association qui se mobilise pour la construction d’une société écologique et humaine.

Ce système alimentaire serait même carrément criminel, selon les mots de Carlo Petrini. « En 100 ans, nous avons perdu 75% de la biodiversité. Le nombre de paysans ne cesse de diminuer. Nous sommes passés de 50 à 3% de paysans italiens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. »


Une rationalité qui tue la planète

Et si nous étions trop rationnels ? C’est en tout cas ce que suggère Pierre Rabhi. Et cette rationalité serait, d’une part, contre nature, et d’autre part destructrice pour notre planète. « On oublie que l’homme est irrationnel, nous avons besoin d’une pensée plus large, d'un peu de poésie, de prendre soin de la planète, de la nature, sinon elle nous éjectera. La rationalité est en train de détruire le monde. »

Les deux hommes évoquent cette idée de "nouvel humanisme". En effet, notre rationnalité aurait étouffé la spiritualité, le lien affectif que l'homme avait à la base avec la planète, avec la "terre nourricière".

« À chaque fois que l’on fait mal à la terre, on fait mal à l’homme », explique Carlo Petrini, qui évoque l'idée d'une "écologie intégrale". Le militant suggère ainsi l'importance de reconstruire le concept de communauté autour du tryptique suivant : éthique, politique, spiritualité. « Car lorsqu'il y a une communauté, il y a la certitude de l’affectivité. »


Consommateur = co-producteur ?

D’une part nous avons une population sur-alimentée, de l’autre une population sous-alimentée. Quel type de production agricole peut-on alors créer pour réinstaurer un équilibre ? 

Dans l'idée de Carlo Petrini, il faudrait que le consommateur se transforme en co-producteur, c'est-à-dire « qu'il devienne actif, qu'il connaisse la traçabilité, qu'il paye le paysan au prix juste, car même si ça implique que ce soit un peu plus cher, c’est notre responsabilité sociale »explique-t-il. 

Cela passe également par la création d'une économie agricole locale, d'une régénération des sols. Une solution qui existe par ailleurs déjà en Afrique avec des villages où une inclusion écologique a été instaurée pour que les gens réhabilitent leur milieu.

In fine, tout cela passe par le rassemblement car seule « une communauté pourra influencer la politique », lancent les deux hommes. En devenant co-producteur, en réfléchissant au désastre du gaspillage dans le monde, en engageant une bataille contre le plastique (« n'oublions pas que nous sommes responsables par nos actions, nous mangeons le plastique car il est entré dans notre chaine alimentaire... », rappelle Petrini)... L'idée est claire, le consommateur doit se bouger. 

Instaurer une démocratie végétale – la plante parle, vit, ressent... – et nous reconnecter avec l'éthique et la spiritualité, c'est ça le nouveau mouvement !