Songs : un retour en musique à l\'Angleterre du XVIIe siècle

undefined 2 janvier 2019 undefined 18h05

Jeanne Gourdon

Imaginez un lieu qui ne serait pas de notre monde, un décor fait d’instruments de musique, des personnages d’un autre temps et une femme qui chante sans discontinuer. Songs, au théâtre des Bouffes du Nord, risque de vous en mettre plein la vue !


Le metteur en scène Samuel Achache et le directeur musical Sébastien Daucé se sont passionnés pour la musique anglaise du XVIIe siècle. À l'époque, l’instabilité politique du pays et les guerres de religion entre catholiques et protestants ont un certain impact sur les productions musicales. Les musiques évoluent au gré du soutien apporté à l’un ou l’autre régime ou l’une ou l’autre des religions. C’est cette diversité que Samuel Achache et Sébastien Daucé ont voulu montrer à travers la pièce. Avec un message sur notre âme et un travail sur l'oubli et le souvenir. 

©Jean Louis Fernandez


Le spectacle

Un alto, des violes, une flûte, une harpe… et deux comédiennes se partagent les planches du théâtre des Bouffe du Nord. L’intrigue ? De la musique et une femme qui chante en anglais des pièces de musique du XVIIe siècle non stop, qui chante pour atténuer ses peines pour que la vie reste vivable et que l’oubli fasse son travail. On peut imaginer que ce lieu est l’archive de la mémoire, des chagrins.

Soudain, une autre femme arrive qui, à l’inverse, réclame ses peines, refuse d’oublier, veut garder vives ses douleurs. L’orchestre devient la scénographie du spectacle, et comme le chœur de la vie, va accompagner la descente de cette femme ; autour, des instruments utilisés, des décombres, des instruments coupés en deux, qu’on ne connaît pas, détournés… 

©Jean Louis Fernandez 


Une mise en scène surprenante

La scène est recouverte de cire. Cela peut vous paraître bizarre mais la metteuse en scène a une bonne explication. Elle s’est intéressée au Théétète de Platon : dans le texte, Socrate émet la possibilité que nos âmes soient des "tablettes de cire". Ces tablettes étaient utilisées par les Grecs mais aussi les Romains pour écrire. Ils grattaient ensuite la surface pour effacer ce qui avait été noté auparavant. Pour Platon, la tablette contenue dans l’âme sert de mémoire, elle conserve toutes les empreintes des sensations et des réflexions reçues par l’homme afin qu’il ne les oublie pas.

Mais au bout d’un moment, ces empreintes perdent de leur précision. On ne peut pas vivre toute notre vie avec les souvenirs. C’est donc tout en métaphore que la scène est recouverte de cire et devient une fabrique de l’oubli, de l’archivage. La cire représente la transformation, le passage d’un état à un autre, mais aussi le temps qui passe ; ainsi, les objets seront comme des fossiles pétrifiés. Un travail incroyable de la scénographe Lisa Navarro.

©Jean Louis Ferandez 

Vous l’aurez compris, en allant voir Songs, vous oublierez l’époque dans laquelle vous êtes, le monde extérieur, vous oublierez peut-être même que vous êtes dans un théâtre tant le spectacle transporte dans l’irréel. Entre poésie et musique, Songs est une piéce hors du commun à ne surtout pas manquer.


Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, bd de La Chapelle – 10e
Du 5 au 20 janvier 2019