JUSTICE : au théâtre de la misère humaine

undefined 28 septembre 2018 undefined 15h25

Cyrielle

L'injustice se prend en pleine face, comme un upercut. JUSTICE se reçoit de la même façon. En plaçant le spectateur seul entre le banc des accusés et des procureurs, la pièce nous confronte en tant que citoyen à un système judiciaire défaillant et pose les bases d'une réflexion sur la manière dont s'exerce notre démocratie. Mal, de toute évidence. 


Toute la misère humaine, morale et affective est invoquée sur scène. Mais nous n'avons pas le temps pour le misérabilisme. La pièce, menée tambour battant, enchaîne sans relâche les comparutions sans jamais s'apesantir. Elle égrène sans transition les affaires, ne reprend jamais son souffle, quitte à parfois nous faire perdre le nôtre. Un coup de verve asséné d'une traite, ou plutôt 1000, par une distribution exclusivement féminine.

Camille Cottin (d'une justesse et d'une humanité éclatantes), Camille Chamoux (taquine et grinçante à souhait), Océane RoseMarie, Naidra Ayadi, Fatima N’Doye et Samantha Markowic (l'heureuse auteure de la pièce) se partagent l'affiche en alternance. Chaque soir, elles sont trois à s'échanger les rôles d'accusés et de proc' dans les comparutions immédiates. 

Pour sa première pièce, Samantha Marcowic s'est elle-même glissée dans les coulisses des tribunaux pour rendre un ensemble de scènes : audiences, interrogatoires et témoignages, tous criants de vérité. Une mécanique qui tourne sur elle-même et semble se répèter indéfiniment, sans échappatoire. Une justice sans moyens, briseuse d'espoirs, de vie, de liberté, où l'enfermement est la seule option quand, faute d'argent, on ne peut octroyer un suivi psychiatrique dont les coûts s'élèvent à 800€ par jour contre 80 en prison.

La pièce parle d'humanité, de dérives, de l'impuissance d'un système qui essaye tant bien que mal de se maintenir debout, avec une seule volonté : nous interroger. Elle nous laisse seuls juges de l'injustice. Seuls, face à ceux qui bossent sur le terrain et qui voient après des mois de labeur ou d'enquêtes leurs condamnés relaxés sous 24h. Ceux qui doivent trancher, juger, jauger en quelques minutes à peine, sans autre alternative. Ceux enfin, qui affrontent la machine, s'en détournent, s'en moquent ou s'y plient, parfois brisés en mille morceaux. 

L'ensemble est parfaitement incarné par trois comédiennes qui changent de personnage comme d'histoire avec beaucoup d'aisance, et porté par une mise en scène sobre et efficace. Seule ombre au tableau : si l'agrégation des situations donne une dimension sociologique et politique à l'ensemble, elle peut aussi devenir écrasante, étouffée par la linéarité du ton adopté. On aurait aimé que le récit aille plus loin, creuse au fond des âmes, des sentiments, nous secoue de manière brutale, crée un peu plus de liant et pose les questionnements avec un peu plus de hauteur. Mais si l'on aurait aimé en avoir plus, c'est bien parce que l'on a déjà beaucoup aimé.


JUSTICE

Une pièce de Samantha Markovic
Mise en scène de Salomé Lelouch
Jusqu'au 8 décembre 2018

Théâtre de l'Œuvre
55, rue de Clichy - 9e
Réservations au 01 44 53 88 88