Le remède d\'un millennial bouddhiste à la crise existentielle de notre génération

undefined 20 septembre 2017 undefined 16h46

Olivia

A 23 ans, Gabe Gould est un poète, écrivain et expert en psychologie bouddhiste. Avec Crybaby : Meditation for Punks and Wallflowers (Méditation à l’usage des punks et des marginaux en VF), cet Américain du Colorado s'adresse à sa génération en proie à un « type très spécifique d’angoisse existentielle que seuls les millennials peuvent comprendre ». L'idée ? Réinsuffler un peu de spiritualité dans notre société en nous invitant à la méditation.

A travers son expérience, il dépoussière cette pratique ancestrale, en détaille les bienfaits, et casse ce cliché qui en fait une lubie revenue à la mode. Tombé en dépression à l’âge de 18 ans, c’est à la suite d’un séjour en rehab à Bethlehem dans le Connecticut que Gabe Gould s’initie au zazen : la pratique quotidienne du zen, c'est-à-dire de la méditation. A mi-chemin entre le guide et la quête spirituelle, Crybaby a pour ambition de nous aider à évoluer et à survivre dans le monde occidental. Intrigué, on a voulu en savoir plus sur les conseils de ce jeune bouddhiste américain.  


Le Bonbon : Penses-tu que cet engouement pour la méditation soit le reflet d’une quête de sens que l’on ne trouve plus dans la religion ?

Gabe Gould : Autrefois la religion et la philosophie étaient toutes deux une quête pour la connaissance réelle. Une connaissance distincte de nos intellects, une connaissance pré-verbale, enseignée à travers cette compréhension de notre propre expérience. En réalité, à un moment le christianisme était profondément ancré dans la méditation et la "prière silencieuse". Cependant, elles ont fini par se tirer une balle dans le pied. 

Quand on médite, on se reconnecte à quelque chose de bien plus grand que nous-mêmes, à quelque chose d'incompréhensible à la logique, à quelque chose qui dépasse largement notre esprit. Comme Pascal disait : "Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas". Ne voyez-vous pas ? Ce "sens" que l'on recherche se trouve en nous. Il vient de notre expérience. Nous donnons la permission pour que ce sens existe. Ça n’a jamais été séparé de nous. C’est nous, c’est au-delà de nous ; et ce n’est qu’une fraction de ce que nous sommes vraiment.


Dans ton livre, tu décris notre génération comme étant « perdue dans sa propre image », qu’entends-tu par là ?

Nous les millennials somment des maîtres du paraître. Cela ne concerne pas que cette génération, mais je pense que c’est plus décelable chez nous à cause de notre manière de vivre. Nous vivons scotchés à nos écrans (téléphone, ordis...). Nous avons Facebook, Instagram, Snapchat et ainsi de suite pour construire la façon dont nous voulons être perçus. Mais la plupart du temps ce n’est qu’une illusion. Nous avons dédié notre vie à construire une image de nous-mêmes, et du coup par ce processus nous avons complètement négligé notre vie, nos expériences réelles. Nous avons oublié qui nous étions en essayant de construire qui nous voulions être.


On pratique la méditation depuis plus de 2500 ans. Comment expliques-tu ce regain, cet enthousiasme soudain ?

Je ne sais pas. Comment l’expliques-tu, toi ? A t’entendre poser cette question, cela ravive ce cynisme très vivant en moi. Ce que j’observe, c’est que ce n’est pas la pratique de la méditation qui est populaire, elle ne l’a jamais été. Cela requiert une âme très particulière pour s’asseoir sans bouger et arrêter de vouloir fuir notre propre expérience. C’est très rare. Seuls les "warriors" se dévoueront corps et âme à ce "chemin".

Ce qui est devenu populaire, c’est le matérialisme spirituel. Cela a quelque chose de sexy de dire qu’on est un spiritualiste. […] Ce n’est pas si simple. Ces dix dernières années, les entreprises ont ciblé la population à travers cette "approche consciente". Partout, on voit ces pubs de gens beaux aux sourires radieux, assis sur un rocher, près d’une rivière, en position de lotus. Leur peau est éclatante. Cela ne veut pas dire qu’ils sont en train de méditer. Cela pourrait ressembler à de la méditation. Ils pensent peut-être d’aileurs qu’ils sont en train de méditer, et c’est OK, ce n’est pas notre rôle de les casser dans leur trip, mais ils sont peut-être tout simplement en train de fuir leur expérience, leur vérité, ce qu’ils cherchaient au départ à accepter et à aimer.


Beaucoup pensent que la méditation c’est soit ennuyeux, soit trop difficile. Qu’as-tu à leur répondre ?

Je les inviterais d’abord à challenger cette idée en essayant et ensuite je les féliciterais d’avoir eu leur premier aperçu de la pratique – que oui, c’est intrinsèquement difficile. Ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas essayer. Si on devait fuir tout ce qu’on trouve difficile, on n’irait nulle part. Il faut accepter d’être dans l’inconfort. Comme dit Bukowski, "tout ce qui compte, c’est comment tu réussis à traverser les feux dans ta vie". 


Penses–tu que la méditation soit accessible à tous ou que cela dépende de notre personnalité ?

Je pense que le caractère peut jouer. Globalement, les gens ayant tendance à se tourner vers la méditation sont ceux qui recherchent la paix, la vérité, après être passés par la souffrance. Mais tout le monde peut méditer. La méditation est un procédé humain. C’est un procédé par lequel on reprend possession de notre position, ici, sur la planète. […] Tout le monde peut méditer, vous commencez où vous êtes, juste ici. Vous finissez où vous êtes, maintenant.


Penses-tu que la méditation soit la clé du bonheur ?

Cela dépend de ce que tu entends par "bonheur". Nous avons tous une idée différente du bonheur. L’occident est un peu névrosé quand il s’agit de bonheur. Quand on pense au bonheur, spécialement ici aux Etats-Unis, on le confond avec l'enthousiasme. […] Aux States, on se noie dans l’enthousiasme et on s’embarque inconsciemment dans nos projets frénétiques. Mais la méditation montre qu’il y a une façon nettement différente d’être heureux. En fait on ne veut pas réellement être heureux, on veut l’épanouissement. On recherche l’accomplissement, on essaye de comprendre notre raison d’être.