Tendance : va-t-on tous devenir crados ?

undefined 21 mars 2017 undefined 00h00

Olivia

A l'heure où la propreté est devenue quasi obsessionnelle - on s'affole dès la première goutte suée ou dès que le cheveu devient un peu reluisant -, certains commencent pourtant à s’en détacher, et à quitter cette quête du trop propre. La méthode du No-Poo (a.k.a no shampoo) gagne du terrain, le shampoing sec remplace le shampoing quotidien, sans compter cette envie d'être plus écolos en utilisant moins d'eau et moins de produits chimiques nocifs pour nous et notre planète. Va-t-on tous devenir crados pour autant ? On a mené l'enquête ! 

 

La tradition du bain : de l’amour à la haine 

Depuis l’Antiquité, le bain est une sorte d'institution. D’abord lié aux dogmes religieux, il devient à l’époque romaine un lieu d'échange. « Les thermes, ce sont d’abord des lieux de convivialité, avant d’être des lieux de propreté. Ce sont des lieux d’entretien du corps également – il y a des bains froids et des bains chauds -, mais c’est une vision sanitaire plus qu’hygiénique », explique l'historien Georges Vigarello.  

Contrairement aux idées reçues, c’est au Moyen Âge que le bain prend cette dimension hygiénique, jusqu’à devenir un véritable art de vivre ; on se lave pour être propre mais également pour le plaisir. On se baigne aux étuves, lieu d’hygiène, mais également lieu propice à la volupté, les bains sont mixtes et la nudité est de mise. 

Mais la fin de la Renaissance sonne la fin du bain. Désormais on se méfie de l’eau, on suppose que nos pores dilatés par la chaleur laissent entrer les maladies plus facilement. Ce n'est que vers la fin du XIXe siècle que l'on se réconcilie avec l'hygiène corporelle. La tâche s'avère cependant compliquée : en 1850, un Français prend un bain tous les deux ans ! La propreté devient carrément un enjeu au niveau de l'éducation. Dès 1883, l’école de Jules Ferry remplace la leçon de cathé par la leçon d’hygiène.

Aujourd'hui, se laver est devenue une habitude qui peut même virer à l'obsession chez certaines personnes, obsession qui pourrait être nocive. 


C'est un fait, on se lave trop

Dans son livre Dans ma peau (paru le 9 février), le Dr Yael Adler consacre un chapitre entier au "lavage à outrance". Interrogée par l'Express, elle explique son propos : 

« Aujourd'hui, on confond beaucoup l'odeur corporelle avec l'odeur de la transpiration et de la crasse. Sauf qu'à moins d'avoir couru un marathon dans des vêtements en fibres synthétiques, vous ne sentirez pas si fort. La majorité des gens prennent une douche une à deux fois par jour. On se savonne partout avec un savon parfumé contenant des conservateurs et des colorants, on utilise des fragrances pour recouvrir son odeur corporelle et la peau, agressée, réagit par des symptômes d'irritation ».

Irritation, sécheresse de la peau, allergies (rhume des foins, eczéma, et asthme)... autant de choses nocives qui seraient notamment provoquées par notre excès de propreté, comme le révèlent de nombreux scientifiques.  

Mais cette idée que l'on est TROP propre remonte à plus loin. Selon le National Health Service (NHS) (le système de la santé publique du Royaume-Uni), cette idée est basée sur « l’hypothèse de l’hygiène ». Proposée pour la première fois dans une étude du Prof. David Strachan, cette théorie suggère que le manque d’exposition des enfants aux mauvais microbes et la baisse des infections infantiles due à un environnement trop propre pourraient être la cause d’une augmentation des allergies.

« Sans aller jusqu'à parler d'obsession, c'est vrai qu'on se lave trop », affirme Agnès Laffourcade, fondatrice de Enfance Paris, une marque de savons 100% naturels et biologiques.

« Pour les adultes, la toilette intime est importante, mais après on n’a pas besoin de se laver les cheveux tous les jours, tout cela crée le besoin. Plus on se lave les cheveux, plus on a les cheveux gras, plus on se lave la peau, plus on a la peau sèche, c’est l’eau, l’eau parisienne notamment, qui est très calcaire et qui dessèche la peau plus qu’autre chose » explique-t-elle. 

Le parallèle peut également être fait avec les nourrissons. « Prendre un bain, c’est-à-dire se mettre dans une posture relaxante pour annoncer la venue de la nuit, oui, mais on n’a pas besoin de le savonner, de lui faire sortir de la mousse de partout (comme on nous montre à la télé) comme s’il sortait de la mine, c’est une hérésie. »  


La non-hygiène, la nouvelle tendance écolo

Et pourtant, il semblerait que l’on soit un peu moins à cheval sur la propreté. Selon un sondage BVA publié en septembre 2012 sur l’hygiène des Français, 1 Français sur 5 ne se lave pas tous les jours, mais plutôt un jour sur deux, et 3,5% ne prennent qu'une douche par semaine. Le bain, spécifiquement, est en perte de vitesse avec seulement 18% de Français qui en prennent une fois par semaine et 61% qui déclarent ne pas prendre de bain fréquemment. Finalement, on ne serait pas égaux face à la propreté, suggère Agnès Laffourcade. « Certaines personnes peuvent rester trois semaines sans avoir une goutte de sueur, tandis que d'autres suent très facilement. »

Toujours est-il qu'une nouvelle tendance commencerait à voir le jour : celle d’espacer ses shampoings. En janvier, le New York Times racontait ce phénomène grandissant chez les New-Yorkaises, et qui s’étend à la France. On troque désormais le shampoing presque quotidien contre des shampoings secs ou des produits DIY pour les plus écolos, comme l'explique un article publié sur Slate.

« Le shampoing sec est une petite alternative (...). Après j’ai plein de copines qui ne peuvent pas s’empêcher de se laver les cheveux tous les jours car sinon elles ne se sentent pas propres, pas réveillées. Cette communauté de femmes qui ne se lavent plus, qui ne se rasent plus, reste tout de même anecdotique » conclut-elle. 

savon-paris

Plus qu'un bain qu'on serait en train de délaisser, il s'agirait plutôt d'être dans une démarche écologique, en ne gaspillant pas l'eau et en choisissant des savons à l'ancienne. « Dans le savon solide à froid, il n'y a pas de phtalates, pas de sulfates, il n’y a pas cette espèce de mousse chimique qui est polluante », explique Agnès Laffourcade.

« Dans un savon liquide, il y a le produit qui sert à laver et après il y a toute cette batterie de choses qui donnent une texture, une odeur, un rendu et tout ça ce sont des produits pour lesquels il faut des conservateurs. » 

Malgré toutes ces considérations autour de l'hygiène, les habitudes semblent difficiles à bousculer. Il n'y a qu'à tester : serais-tu prêt à troquer ton savon liquide acheté au supermarché pour un savon artisanal à l'ancienne ? A espacer tes shampoings sur plus de deux jours ? Ou encore à dire définitivement adieu au bon vieux bain (quotidien pour certains) ? 

Véritable tendance de fond ou simple cas d'école, à toi de choisir ce que sera l'avenir du bain !