Des Parisiens racontent leur coming-out

undefined 16 février 2017 undefined 01h00

Olivia

L'homosexualité, ce n'est plus un sujet aussi tabou, me direz-vous. Certes, les couples de personnes de même sexe peuvent se marier en France depuis 2013, mais cela n'empêche pas les réactions virulentes des opposants au mariage homosexuel, représentés notamment par La Manif pour tous, et les polémiques autour du sujet. Et même si finalement le contexte est un peu plus détendu, s’avouer homo continue à être difficile, et le révéler au grand jour, encore plus. On a demandé à plusieurs Parisiens de nous raconter cette étape de leur vie.

 

« La première personne à qui on le dit, c’est soi-même »

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Clothilde a 21 ans, elle est étudiante infirmière, habite à Courbevoie, et a fait son coming-out au printemps de l’année dernière.  


Raconte-nous ton coming-out 

En réalité, la première personne à qui je l’ai dit, c’est moi-même. J’ai toujours plus ou moins ressenti que j’étais homo, mais quand tu es jeune tu n’en prends pas forcément conscience. Au début tu mets ça sur le compte du temps, tu te dis que tu vas trouver la personne qui te correspond, puis un jour tu te dis : « si ça se trouve je suis homosexuelle », et à partir de ce moment-là tu réfléchis, tu prends un choc et tu flippes. Ensuite, la première personne "extérieure" à qui je l'ai dit, c'est à ma thérapeute, parce que je n’arrivais plus à garder ce secret. Pendant quelques mois, il n’y avait qu’elle qui savait. Un jour c’était plus suffisant, et je l’ai dit à mon meilleur ami. Ce qui m’inquiétait le plus c’était ma famille, c’était dur à dire parce que plus je le disais, plus je l’affirmais, c’était encore tout un processus. Ce n'est pas que j’ai des doutes, mais il y a une différence entre se l’avouer à soi-même et s’accepter.


Tu pourrais t’afficher en public ?

Même si j’étais hétéro, je serais beaucoup plus réservée en public, j’aurais probablement plus de mal à montrer mes sentiments en public qu’à une autre personne, donc je ne sais pas si ça joue vraiment.


Est-ce que cela a changé ta relation avec les autres ?

J'ai l'impression que l'on m'a beaucoup plus comprise, surtout ma mère. Elle ne comprenait pas pourquoi j’avais ce mal-être, elle s’imaginait plein de choses, et finalement ça l'a rassurée. 


« J’ai commencé par dire que j’étais bi-sexuel »

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Nicolas a 24 ans. Il est originaire d’Aix-en-Provence et vit à Paris depuis deux ans. Il travaille en tant que consultant marketing, et a fait son "premier" coming-out en 2011 à 19 ans. 


Comment s'est passé ton coming-out ?

J’ai fait deux coming-out, un auprès de mes amis en 2e année d'école et l'année d'après à mes parents. Le coming-out auprès des amis s’est fait quand j’ai eu mon premier copain, il fallait que j’en parle mais ça me faisait peur car les seuls homos que j’avais rencontrés, c’était des clichés, des gens qui faisaient les intéressants, les têtes de Turc de la promo. Alors j’ai commencé par dire que j’étais bi-sexuel ; j’étais puceau jusqu’à mes 19 ans, ma première relation c’était avec un mec, j’ai ensuite essayé avec une fille et ça a été un non-retour !


Le dire à tes parents c'était plus difficile ?

En 2012, quand François Hollande a été élu, c’était le début de "la manif pour tous". J’adore mes parents mais ils sont de droite, et je me souviens des critiques assez virulentes de ma mère quand elle regardait des reportages etc. J’avais très peur d’être renié. En troisième année je suis parti vivre à New York, mon co-stagiaire était gay, il m’a logé pour me dépanner et s'est amouraché de moi. Quand mes parents sont venus, ils ont voulu rencontrer "le fameux" et ont tout de suite vu la complicité entre nous deux. Le lendemain quand je les ai retrouvés pour déjeuner, ma mère livide et crispée m’a mis devant le fait accompli, mais j’ai nié. Après un interrogatoire, j'ai fini par leur dire. Au début ils m'ont fait des reproches, mais maintenant on en rigole. Il n'y a pas longtemps, ma mère m'a dit : « Fillon, ce serait le candidat parfait s’il n'était pas contre les gays ». Je préfère le voir comme une déclaration d’amour. 


Tu pourrais t’afficher en public ?

M’afficher en public, c’est quasiment mort. J’aurais l’impression d’être un animal de foire, je ne sais pas si les gens trouvent ça courageux ou si ça les dégoûte de voir deux gays ensemble, mais je ne supporterais pas les regards des autres. 


Est-ce que tu t’es accepté ?

Je me suis accepté tel que je suis, mais je me sens différent dans la mesure où je n'ai pas les mêmes droits que tous les Français, je me sens "sous-citoyen", on peut pas donner notre sang (les hommes homosexuels peuvent donner leur sang, mais sous certaines conditions, notamment une abstinence d’un an, NDLR), on ne peut pas avoir d’enfant à moins d’avoir un paquet d’argent... 


« J'ai deux oncles gays (...) je pensais que ça allait être hyper facile, que ça allait couler de source »

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William a 26 ans, il habite à Paris depuis 5 ans et est originaire du Royaume-Uni.  Il travaille dans la communication. Il a fait son coming-out à 18 ans. 


Raconte-nous ton coming-out ? 

Le coming-out, chez nous, c'est plutôt une affaire de famille. Mes deux oncles (les frères de ma mère) sont gays, il y avait une sorte d’ouverture sur ces choses-là dans ma famille, enfin ce que je croyais être une certaine ouverture d’esprit depuis mon enfance. Quand j'ai décidé de l'annoncer à mes parents, je croyais que ça allait être hyper facile, que ça allait couler de source, surtout auprès de ma mère qui "avait l’habitude". Ses frères l'avaient annoncé dans les années 80, ils vivaient au cœur du nord industriel de l'Angleterre, dans une famille de confession catholique, mais elle s’y est fait plutôt rapidement. Avec ça comme précédent, je ne m’attendais pas à des scènes et à des conversations longues et dramatiques. Pour moi, un coming-out, c’est une façon de vivre sa prise d’indépendance vis-à-vis de ses parents, que l'on soit hétéro ou gay.   

Avec mon père, c’était encore plus dur : c’est quelqu’un qui sait être tolérant - et la preuve, il s'entendait bien avec ses beaux-frères - mais, non seulement il avait une idée très arrêtée de la masculinité de façon générale, mais il se permettait aussi des réflexions homophobes en famille. Quand je le lui ai annoncé, il a voulu nier la réalité, il a simplement baissé la tête, n'a rien dit du tout, et à ce jour il ne m’en a jamais reparlé ; cela fait six ans. Sa réaction était donc révélatrice d’une hypocrisie latente qui n’osait pas dire son nom chez lui.


Est-ce que tu as décidé de partir d'Angleterre pour vivre pleinement ton homosexualité ? 

Non ça n'a rien à voir, je pouvais vivre ma vie pleinement et vivre mon homosexualité sans problème. Oxford, c'est la ville la plus gay du monde (rires). Quand je suis arrivé à Paris en 2013, c'était pile au moment de la manif pour tous, ça m’a un peu refroidi pendant les premiers mois, mais après ce petit couac, je me dis que Paris est une super ville où vivre son homosexualité.


« Les réactions n’étaient pas celles que j’attendais »

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Clara a 35 ans, elle travaille dans la mode, elle a fait son coming-out il y a trois ans. 


Comment s'est passé ton coming-out ? 

J'en ai fait trois - un à mes amis, à ma famille et ensuite dans mon entourage professionnel. Il y en a à qui j’en parle, d’autres non, si ça se présente j’en parle, sinon j’en parle pas.

La première personne à qui je l'ai dit, c’était mon ex. Je ne voulais pas qu’il soit surpris, qu’il s’imagine qu'on s'était séparés parce que j'étais devenue lesbienne. J’ai attendu un petit peu avant de le dire, pour que ça se stabilise, c'était beaucoup de bouleversements, de questions. Je suis tombée amoureuse d’une fille, c'est comme ça que je m'en suis rendu compte. J’avais eu des attirances, mais il y a une différence entre vivre un truc et quand ça devient officiel. 

Ensuite je l'ai dit à mes amis, et les réactions n’étaient pas celles que j’attendais. Une de mes amies, très proche, notamment, l’a pris bizarrement, il y avait une certaine réticence, comme si elle ne savait pas comment m’aider, parce que c’était différent, qu’ils n'avaient pas les clés. Autant, il y a pas mal d’hommes homo, autant des filles dans le groupe d’amis, pas du tout.

A ma famille, je l'ai dit seulement l’année dernière, j’estimais que ça ne regardait que moi. Je l’ai fait à partir du moment où j’ai eu quelqu’un de régulier. J’ai fait ça comme il fallait, à Noël (rires). Ça s’est passé plutôt mal je savais pas trop à quoi m'attendre. Ma mère s’est mise à pleurer, elle m'a dit des mots très blessants, a ressorti des espèces de clichés – du type « tu n'auras pas de famille ».  Maintenant ça va, mais ils ne sont toujours pas prêts à rencontrer ma copine. 


Tu t'acceptes donc totalement ?

Oui et je n'ai pas de problème à me montrer en public, si on me pose la question sur mon orientation sexuelle, je réponds, comme dans une vie normale.


Est-ce que tu t'es déjà sentie discriminée ? 

Non jamais. J’ai l’impression que les gens sont moins dérangés par deux lesbiennes que par deux hommes homos, parce qu’ils estiment que c’est moins agressif.  J’ai l’impression que ça se développe, de plus en plus de filles sont devenues lesbiennes dans mon entourage. Ce n'est plus aussi tabou, ce n'est plus vu comme une nécessité d’être en couple avec un homme. En même temps je vis dans un milieu très ouvert, je travaille, je ne me sens pas différente dans la société, il y a encore des choses à travailler certes, mais j’ai pas l’impression d’être ostracisée.


Ça n'a pas été bizarre de te rendre compte que tu étais lesbienne "après tant d'années" ?  

Au contraire, c'est fabuleux de découvrir, passé 30 ans, des nouvelles aventures, des nouvelles expériences, c’était... "WOW", de se surprendre soi-même c’est assez fou. La sexualité, c’est quelque chose de très mouvant, on n'est pas la même personne à 20, 30 ou 40 ans. Le désir c’est quelque chose de tellement personnel, c’est difficile de vivre librement et de trouver ce qu’on aime. Tomber amoureux d’une fille ou d’un garçon c’est la même chose. Ton cœur bat pareil. 

* certains prénoms ont été modifiés 

Illustrations : Cécile Jaillard