Crack dans le métro parisien : « s’il faut qu’on soit armé pour aller dans le métro, ça pose problème ! »

undefined 24 janvier 2018 undefined 19h40

Camille H

Depuis quelques jours, les lignes de métro 4 et 12 font beaucoup parler d’elles. En cause, la présence inquiétante et récurrente de consommateurs de crack sur les quais. Le syndicat UNSA RATP et l’association SOS Usagers ont uni leurs voix pour alerter les pouvoirs publics. Alors, quel avenir réserve-t-on aux crackers du métro parisien ?


« Depuis des années, le réseau est envahi par des groupes de dealers qui attirent des toxicomanes souvent agressifs et dangereux. (…) Le nombre d’agressions sur les voyageurs et le personnel RATP est en constante augmentation et prend des proportions de plus en plus dramatiques. » Voici le contenu du tract écrit communément par l’association SOS Usagers et le syndicat UNSA RATP. A l’origine de cette action : l’agression d’un délégué de l’UNSA dans le métro, mais aussi le témoignage de conducteurs qui racontent qu’ils ne s’arrêtent pas aux stations Jules-Joffrin ou Marcadet-Poissonniers quand les toxicomanes sont trop nombreux sur le quai. « Un de mes délégués s’est fait agressé il y a à peu près un mois, ça fait longtemps qu’on le sait que ça se passe comme ça, des mesures ont déjà été prises concernant ces lignes, mais ce n’est pas suffisant », estime Laurent Djébali, Secrétaire Général à l’UNSA RATP. Avec le soutien d’SOS Usagers, le syndicat a envoyé un courrier adressé à Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, Anne Hidalgo, maire de Paris et Valérie Pécresse, présidente du Conseil régional d’Île-de-France pour « les alerter sur cette question qui dépasse largement les conducteurs et les organisations syndicales. »

Pour Jean Claude Delarue, président d’SOS Usagers, « le but est de faire bouger les lignes. Il faut réagir, on a quand même eu le témoignage d’une femme qui ne prenait plus le métro depuis 4 ans à cause de ça. Face au sentiment d’insécurité, certains se munissent de bombes lacrymo, au poivre, ou de pistolet à air comprimé, ça peut être très dangereuxS’il faut qu’on soit armé à Paris pour prendre le métro, ça pose problème ! ». Les deux organisations ont déjà obtenu de la Préfecture de Police la présence d’une équipe dédiée à la sécurité sur toutes les lignes. « C’est important, mais il faut élargir le problème, c’est une question de santé publique. Les agents de la RATP doivent être formés, il faut faire de la prévention sur la drogue. Quand on demande à un conducteur ou un contrôleur d’aller voir ce qu’il se passe quand il y a du vacarme sur un quai, il a peur et ne sait pas forcément comment réagir », temporise Laurent Djébali.


Une question de santé publique

Si des hommes viennent sécuriser les lignes 4 et 12, les crackers devront bien aller quelque part. « Ils iront ailleurs c’est certain, il faut un réel investissement des pouvoirs publics. On manque d’humains, on a remplacé les guichets par des robots. Je suis convaincu qu’il faut plus de monde en station, mais aussi développer les salles de shoot par exemple et voir le problème de façon globale. » Justement, une réunion est prévue le 29 janvier avec Valérie Pécresse pour discuter des enjeux au sein de la région. Pour Anne Souyris, adjointe en charge de la santé à la Mairie de Paris, « il ne suffit en effet pas seulement de résoudre la question sécuritaire, cela déplace le problème. C’est cyclique, même si ont fait en sorte qu’ils quittent les stations, tôt ou tard, ils reviendront. »

carte-drogue© Le Parisien 

Le crack est la drogue du pauvre. Et à Paris, il est très peu cher. Malheureusement, les inégalités sociales grandissent et les crackers sont de plus en plus nombreux dans les rues. « S’ils sont là, cela montre qu’on ne les prend pas suffisamment en charge. Les structures ne sont pas encore tout à fait adaptées. Dans les années 90, on se concentrait surtout sur le VIH. Les injections de crack passaient au second plan, ce n’était pas l’urgence. » Si aujourd’hui le bilan de la première année de la salle de shoot à deux pas de Gare du Nord est positif, elle ne peut pas accueillir les consommateurs de crack uniquement. « Dans cette salle, il y a des polyconsommateurs dont 40% prennent du crack. Il faudrait créer un lieu qui ne prend en charge que les crackers, en Seine-Saint-Denis ou dans le nord de Paris, là où il y a le plus de consommateurs. »

L’adjointe estime qu’il faut avoir des lieux de prise en charge sanitaire mais surtout entamer une réflexion sociale plus globale. « On est face à des personnes pour la plupart très pauvres et extrêmement désinsérées. Les problématiques sont complexes. Il y a un versant hébergement, une prise en charge psychiatrique, des maraudes à faire… C’est une prise en charge lourde sur laquelle on travaille beaucoup à la Mairie de Paris. Nous pourrions envisager par exemple de créer des centres d’hébergement dans le Sud ou l’Ouest de Paris pour sortir des réseaux de drogues »

La réunion du 29 janvier devrait nous en dire plus sur les politiques à mener. En attendant, les tristes pipes à crack continuent de flotter dans les caniveaux crasseux du métro parisien…