30 Nuances de Noir(es), la fanfare qui porte la voix de l’afroféminisme

undefined 30 mars 2018 undefined 13h29

Coline

Elles sont 27 et à elles seules, mettent la rue en transe. Quand les danseuses, chanteuses et musiciennes de 30 Nuances de Noir(es) paradent dans les rues, difficile de les rater. Et pour cause, cette fanfare afroféministe unique en son genre a été fondée avec un but bien précis : offrir un espace de visibilité à celles qui n’en ont pas.


« Briller en société, mettre les autres en valeur, ne pas les déranger »

Créé il y a un an, ce projet est avant tout l’aboutissement d’un parcours de vie, celui de la danseuse et chorégraphe Sandra Sainte Rose Fanchine. Élevée en Côte d’Ivoire par une mère martiniquaise et un beau-père libanais, Sandra a perçu très tôt les difficultés d’être née fille dans une société foncièrement patriarcale :

« Pour moi c’est d’abord la condition de femme qui a été limitante. Petite, je voyais ce que c’était d’être toujours ramenée au second plan, d’être toujours celle qui n’est pas prioritaire, et à qui on fait finalement beaucoup d’injonctions : briller en société, mettre les autres en valeur, ne pas les déranger… »

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Une double discrimination

Ce n’est que dans un second temps, lors de ses récurrents voyages en métropole, puis après avoir été diplômée d’une école en design graphique, que Sandra prend la mesure de la discrimination qui est faite aux femmes noires. Rapidement, elle se rend compte que les portes du monde du travail ne s’ouvrent pas aussi vite pour elles que pour ses camarades blanches et que les chemins vers la réussite ne sont pas tous équivalents. 

Mais c'est dans sa vie affective qu’elle ressentira le plus cette discrimination : le rejet de la part des hommes noirs achève de la convaincre qu’il faut déconstruire la façon dont la société perçoit la femme noire :

« une femme facile, à la sexualité exacerbée, au corps différent, bonne à être femme de ménage ou nounou ». 

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Elle entame alors des études de genre à la fac et se rapproche du collectif afroféministe Mwasi, découvrant le pouvoir des manifestations de rue.

« Je voyais que le fait d’être plusieurs femmes noires rassemblées dans la rue interpellait, les gens n’avaient pas l’habitude de voir cela, et je me suis dit : si je veux nous montrer telles qu’on est, dans une position de force, c’est ça qu’il faut que je fasse. »

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La fanfare de l'espoir

L'idée de la fanfare resurgit alors. « J’ai toujours dansé et cela faisait longtemps que j'avais l'idée de monter une fanfare », nous explique Sandra.

« Entre 2000 et 2004, j’ai travaillé pour le Festival Villes des Musiques du Monde d’Aubervilliers qui en produisait énormément en reprenant des classiques funk.C'est un univers qui me parle car j’ai moi-même grandi dans cette musique, qui imprégnait l’Afrique des années 70. C’est un courant musical qui est en plus chargé de revendications d’égalité et de fierté noire, avec des vêtements à épaulettes, des pantalons taille haute… »

30 Nuances de Noir(es) était né.

30-nuances-de-noires©Willy Vainqueur


Un travail artistique et politique

« Il y a eu des petits miracles sur ce projet », nous confie Sandra. « J’ai commencé à parler du projet et plein de gens me sont venus en aide, avec parmi eux énormément de femmes noires. Elles étaient concernées car c’était un espace pour elles. »

Après un an de travail acharné à peaufiner les chorégraphies et la musique, 30 Nuances de Noir(es) défile pour la première fois le 24 mars 2017 a la Goutte d’Or. Succès immédiat. Depuis, les dates s’enchaînent et les filles sont de plus en plus demandées. Dernière apparition en date ? Au Musée de l’Histoire de l’Immigration le 24 mars.

« Quand on défile, les gens sont fascinés, les enfants chantent avec nous, il y a beaucoup d’émotion qui passe car c’est un spectacle chargé d’une dimension politique : cela met en scène la rage, la frustration, la colère… ce sont des sentiments qui sont puissants et les gens le ressentent, il se passe quelque chose », nous raconte la chargée des relations presse, qui fait également partie de la fanfare.

 ©ClaireObscure

Et il suffit d’assister à une parade pour comprendre ce que veut dire la jeune femme : dans leurs costumes chatoyants, les chorégraphies des filles nous emmènent, leurs voix se font vibrantes, et pour quelques instants, le temps se suspend.

Rendez-vous le 3 avril au festival Magic Barbès pour vous en rendre compte par vous-mêmes.


30 Nuances de Noir(es)

Prochaine parade au Festival Magic Barbès le 3 avril