ITW : Toujours aussi fous de Metronomy

undefined 25 février 2022 undefined 18h30

Sarah Leris

Comment ça va ? Tu es dans quel état d’esprit ?

Ça va, je suis confiné dans ma chambre d’hôtel à Paris, j’ai 48h de quarantaine à mon arrivée de Londres. Ce soir j’aurais le droit de ressortir. Je me sens plutôt bien, je me revois l’année dernière attendant impatiemment la sortie, maintenant on y est et je ne pourrais pas être plus heureux. C’est excitant et agréable de pouvoir enfin en parler. Si je n’étais pas confiné ça pourrait presque ressembler à un monde normal désormais.

Dans cet album tu abordes beaucoup le sujet de la pandémie. Comment on créé un disque pendant une telle période, le processus change-t-il ?

L’album n’est pas seulement à propos de la pandémie, ce serait bizarre de de ne parler que de ça. Je suppose que cette situation sanitaire m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses. J’étais évidemment enfermé à la maison comme tout le monde, ça te fait réfléchir à ton boulot, à ce que tu fais, comment tu te sens et ce que tu ressens à propos de la vie que tu mènes. Je passais tellement de temps avec ma famille et j’ai réalisé que c’était tout ce dont j’avais besoin pour être heureux. Je pense que toutes ces choses qui sont arrivées étaient plutôt de bonnes inspirations pour faire de la musique.

C’est drôle d’avoir choisi ce titre, Small World, à une période où on ne peut pas visiter le monde et après deux années enfermées avec un groupe d’amis plutôt restreint. C’était l’idée ?

C’est un cliché, une de ces phrases un peu bateau qu’on sort quand on rencontre quelqu’un et qui a pourtant beaucoup de sens : « le monde est petit ! ». Je pensais à comment, d’une certaine manière, toute ma vie se passait dans un espace délimité. Mais j’ai aussi l’impression que c’est la première fois de ma vie que tous les êtres humains du monde vivent la même expérience collective et ressentent la même chose, et c’est comme si ça rendait les gens égaux. On entend toujours parler du fait que la population mondiale est énorme, mais elle ne l’est pas tant que ça au final, on est tous sur cette planète en même temps et c'est agréable de sentir ce genre de connexion.

© Hazel Gaskin

La dernière fois qu’on s’est rencontrés c'était il y a plus de deux ans pour la sortie de Metronomy Forever. En quoi êtes-vous différents ? Les relations au sein du groupe ont-elles changé ?

On était censés tourner toute l'année dernière et on est passés d’être tout le temps ensemble à ne plus nous voir pendant deux ans. Et puis on s'est retrouvés il y a quelques semaines pour faire le clip de It’s good to be back et en cinq minutes c'était revenu à la normale, tout le monde était sur son téléphone (rires). C'est assez rassurant d'avoir ce genre de relation.

Small World est le plus austère de vos 7 albums. À cause des deux dernières années ?

Ça a plus à voir avec moi, avec le fait de grandir et de réaliser qu'il était temps de passer à autre chose. Là où je suis dans ma vie et à mon âge, c'est le bon moment pour devenir une version plus âgée de moi-même, plus mature.

Donc tu te sens enfin adulte ?

Pas du tout, mais peu importe ce que je ressens ! Je ne suis pas dans un jeune groupe indie, nous ne sommes pas un nouveau groupe, et l’admettre peut être plutôt sympa. Ça te donne la liberté de gagner en maturité et de changer ta musique. Le disque n'est pas tellement ennuyeux, il peut même être assez dansant, mais il ne s'agit pas d'imaginer une nouvelle musique et de nouvelles choses parce que ce n'est pas le cas.

« Les fans de musique sont la seule raison pour laquelle je continue à faire de la musique, je veux leur donner quelque chose qui les passionne, qui les éclate. »

Alors Small World est une ode aux plaisirs simples de la vie ?

Complètement. C'est la meilleure leçon que j’ai apprise sur le monde. Tu réalises qu’il y a tellement de choses que tu fais sans vraiment y penser, tu vas acheter un café à emporter pour lequel tu dépenses de l’argent, tu consommes sans te demander pourquoi ni si tu en as besoin. Quand j’étais à la maison, je ne dépensais pas d’argent et je n’en avais pas besoin puisque tout ce dont j’avais besoin était à portée de main. Ça m’a fait prendre conscience de l’horreur du consumérisme et qu’il faut apprécier les petits plaisirs de la vie.

© Hazel Gaskin

Tu as changé ta façon de consommer depuis ?

Pas vraiment… J'essaie d'être plus conscient du consumérisme et des mauvaises choses qu’il apporte. Tout le monde est horrifié par le fait que Jeff Bezos se rende dans l'espace après la pandémie avec l’argent qu’on a dépensé pendant ce temps, y mettant littéralement le feu. Je préfère soutenir un magasin local ou quelque chose comme ça, c’est ça qui a changé, je me suis rendu compte de ce genre de choses.

Les deux premiers singles de l’album étaient les plus dansants, si bien qu’on ne s’attendait pas à la suite. Est-ce qu’on peut continuer à surprendre après 15 ans de carrière ?

Si tu as été surprise alors oui. Quand je commence à faire de la musique ou un nouveau disque, j’ai une idée bien en tête, et qu’elle soit surprenante ou excitante, j’imagine toujours comment elle va être reçue par les gens. C’est ça qui me fait avancer, le fait qu’ils puissent toujours être surpris et intéressés. C’est la chose la plus importante et c’est ce qui fait que ça en vaut toujours la peine. J’essaie d’entretenir la flamme parce qu’il n’y a rien de pire que d’être déçu par quelque chose qui vous passionne. Les fans de musique sont la seule raison pour laquelle je continue à faire de la musique, je veux leur donner quelque chose qui les passionne, qui les éclate, c’est à eux que je pense.

C’est un challenge comparable au fait d’être en couple depuis plus d'une décennie ?

Oui c'est probablement similaire. Il faut travailler dur pour garder l’excitation, tu ne peux pas prendre l’autre pour acquis ni imaginer qu’elle ou tes fans vont t’aimer pour toujours, il faut faire en sorte qu’ils continuent à t’aimer !

Dans Things Will Be Fine, tu parles de la difficulté d'éduquer les enfants à une époque où nous-mêmes n'avons aucune idée de ce qui va se passer. Tu fais comment avec les tiens ?

Il n'y a pas de solution. Quand la guerre en Irak avait lieu, je me souviens avoir eu peur et en avoir parlé à ma mère et elle m’a répondu « Quand j'étais jeune il y avait la Guerre Froide, il y a toujours une raison d’avoir peur mais tout ira bien ». Ce n’est que maintenant que je réalise qu'elle mentait, elle n’en savait rien ! Maintenant que j'ai des enfants, ils me posent ce genre de questions et je réponds « Pas d'inquiétude, tout est normal, tout va bien » alors que je ne sais pas vraiment. Je le dis parce que c'est ce qu'un enfant devrait entendre, il ne devrait pas entendre quelque chose comme « honnêtement, je ne sais pas si ça va ou pas, je suis désolé, tout est hors de contrôle ».

Small World / Because
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