[ITW] Hubert Lenoir à toute épreuve

undefined 4 octobre 2019 undefined 17h08

Sarah Leris

Look androgyne et cheveux en pétard, Hubert Lenoir est le nouveau petit prodige du Québec. Entre glam rock, psyché et jazz, celui qui n’aime pas être rangé dans une case et qui prône la liberté d’être soi-même remplit déjà toutes les salles françaises à chacun de ses passages. Après avoir tourné pendant deux ans pour présenter son premier album Darlène, aux inspirations 70's, le chanteur annonce un deuxième volet, plus contemporain, qui risque fort de cartonner lui aussi.


« Hubert Lenoir, il va bientôt exploser en Europe, tu vas voir. Ce mec est un génie. » Ainsi un de mes amis défendait-il avec conviction sa nouvelle découverte musicale. Plus tard, je tente une conversation autour du phénomène canadien avec un deuxième ami, canadien lui aussi, mais répond-il aussitôt « Ah non, Hubert Lenoir j’en peux plus, on entend que lui là-bas. » Pour comprendre, il faut imaginer un gringalet de 24 ans dont la popularité outre-Atlantique se rapprocherait de celle d’Angèle en France – si sa musique est bien loin de celle de la jeune Belge, vous voyez l’idée.

Car Hubert Lenoir, tout juste débarqué du Canada pour conquérir l’hexagone, a beau être petit en taille, il a déjà tout d’un grand. Un seul album à son actif, et pourtant déjà une horde de fans qui scandent son nom à chacun de ses concerts (tous sold-out), des tubes en veux-tu en voilà, et une modestie à toute épreuve. La nouvelle coqueluche, dont on se demande si elle ne viendrait pas d’une autre planète, balance des morceaux qui rappellent Bowie, Prince ou T-Rex, et se donne une image punk du mec qui se fout de ce que tu penses de lui. Il dit ce qu’il pense, se rase la tête et porte du rouge à lèvres, se déchaine sur scène, grimpe sur toutes les installations, slamme torse poil dans un public ébouillanté, bref, c’est une affaire qui roule.

Dans la vraie vie, Hubert Chiasson – de son vrai nom – parle doucement, est plutôt timide, et avoue préférer regarder un film sous la couette que de faire la tournée des bars. « Le dernier où je suis allé à Paris, c’était le Dirty Dick, un rade à Pigalle que j’ai trouvé par hasard, mais ça doit faire au moins deux ans maintenant. J’aime pas les clubs, j’aime pas les bars, je suis très casanier. »

En ce jour froid de juillet, quelques minutes avant de monter sur la scène du festival Pete the Monkey en Normandie, il demande à sa manageuse et petite amie, Noémie D. Leclerc, de lui apporter une tisane bien chaude. C’est avec elle qu’il a composé Darlène, son premier album, ou opéra post-moderne. « C’est un projet sur plusieurs supports. Noémie a écrit un livre éponyme, et moi j’ai composé de la musique qui aborde les mêmes thèmes, les mêmes sujets. Il faut consommer les deux supports qui s’entremêlent pour connaître Darlène », explique-t-il en soufflant sur sa tisane. Un travail en miroir, qui demandait à chacun de s’impliquer dans le travail de l’autre et d’apporter ses conseils. « J’essayais de faire en sorte que le roman et l’album se répondent, mais les deux sont fondamentalement différents. Les chansons peuvent peut-être donner l’impression de dicter une certaine morale, certaines valeurs, alors que le roman est très narratif, il expose les faits. »

De l’album Darlène, on retient l’énorme bombe "Fille de Personne II" (présenté en triptyque avec "Fille de Personne I" et "III"), le tube "Recommencer", le jazzy "Wild & Free", ou le très dansant "Ton Hôtel". L’album rafle toutes les récompenses sur son passage, et l’ascension du nouveau petit prince du Québec est telle qu’il cumule quatre Félix au Gala de l’ADISQ, équivalent canadien des Victoires de la musique. Côté inspiration, l’artiste se nourrit de références ultra variées, et celui qu’on compare un peu trop facilement à Xavier Dolan n’hésite pas à citer Tyler, The Creator, Fleetwod Mac ou Brian Eno dans la même phrase.

Hubert surprend par sa douceur. Il répond, s’intéresse, s’interroge, et se marre quand on lui parle de la fleur de lys qui éjacule tatouée sur sa fesse, la même que celle de la pochette de Darlène. « C’est drôle de profaner un symbole aussi emblématique que la fleur de lys. Et puis au Québec, ça représente juste le pays et la souveraineté, c’est pas un symbole aussi connoté qu’en France. » Le chanteur se fiche bien de choquer, il est lui-même et c’est peut-être ça qui fait du bien dans la société actuelle. Sur son Instagram aux 50 000 abonnés, il raconte sa vie et se montre tel qu’il est. Dans le clip de "Fille de Personne II", son tube aux millions d’écoutes, il se rase la tête face caméra, comme le personnage qu’il chante. Et comme pour éviter de se transformer définitivement en Darlène, ce personnage provocateur qui expérimente son entrée dans l’âge adulte, il annonce la fin de sa tournée avec des airs d’apocalypse, et brise le coeur de milliers de fans avant de les rassurer : Darlène vivra toujours.

« Après tout, c’est juste une tournée qui se termine, maintenant place au prochain projet. Imagine un peintre qui fait un premier vernissage, puis qui voyage dans le monde pendant deux ans pour exposer ses tableaux... Bah à un moment, il a envie de retourner peindre dans son atelier. » Quand il lui faut décrire son prochain album, il parle de sonorités organiques inspirées des années 70, mais aussi d’inspirations contemporaines plus jazz, comme une rencontre entre Steely Dan et Travis Scott. Des mélodies dont il donne un aperçu dans son dernier duo avec Kirin J Callinan, le très accrocheur "Hunny Bunny", sorti fin septembre. Décidément, mon premier ami se trompait. Hubert Lenoir ne va pas "bientôt" exploser, il est déjà dans les étoiles.

Hubert Lenoir
Darlène / Simone records