Le Japon et le plaisir sont à l’honneur au Festival de l’histoire de l’art de Fontainebleau

undefined 21 mai 2021 undefined 12h01

Manon Merrien-Joly

Avez-vous déjà entendu parler du syndrome de Stendhal ? Aussi appelé syndrome de Florence, il désigne les troubles physiques et psychiques que peut ressentir une personne au milieu d’une ou plusieurs œuvres d’art qui viennent la submerger d’émotion. C’est ce que viendront transmettre historiens de l’art, artistes, architectes, cinéastes, écrivains, comédiens ou encore musiciens qui se retrouvent depuis dix ans au château de Fontainebleau, berceau de l’événement.

Cette dixième édition s’adresse de manière accessible au grand public tout en conviant les professionnels de l’art, les enseignants et les chercheurs à se retrouver. Pour les novices, des séances d’initiation à l’histoire de l’art seront proposées, sous forme de mini-conférences, cours et petits films ainsi que la découverte d’œuvres présentes au château et d’ateliers créatifs. À contexte sanitaire particulier, la programmation se tiendra de manière hybride, à la fois en présentiel et en distanciel.

 
Cérémonie du thé, collection de bonzaïs et kaléidoscope cinématographique

Cette année, le festival a pour ambition d’offrir un grand panorama des arts du Japon, traversant toutes les périodes et tous les médiums. De l’artisanat datant de la préhistoire au design contemporain, la programmation, à la fois scientifique et culturelle donne à comprendre les plus grandes œuvres du pays du Soleil-Levant.


Atelier de cerfs-volants© Mami Kiyoshi

En guise de fil rouge, la façon qu’ont les artistes japonais à respecter les règles ancestrales pour constamment réinventer leur propre culture.On pourra ainsi s’intéresser aux arts du jardin japonais, au rituel du thé et à l’architecture, à la bande dessinée et au manga ou aux mouvements contestataires des années 1960-70 avant d’en apprendre plus sur le positionnement de l’art japonais contemporain sur la scène internationale.

Pour débuter, on assistera à la cérémonie du thé par le maître de thé de l’école Urasenke, qui nous plongera dans l’histoire du breuvage, apparu au Japon au 12e siècle dans les bagages d’un moine bouddhiste japonais, Kukai. À voir absolument ensuite, le pavillon de thé « Fu'an » dessiné par un des plus grands architectes de notre temps, Kengo Kuma, qui flottera dans la chapelle Saint-Saturnin, au cœur du château. 


FU'AN © KKAA, Courtesy Galerie Philippe Gravier

Les botanistes en herbe s’intéresseront aux arts du jardin japonais, en écoutant des conférences exposant leur histoire, leurs liens avec le rituel du thé et l’architecture, avant de faire un détour par la collection de bonsaïs prêtés par l’arboretum du Domaine de la Vallée-aux-Loups. Ces arbres sont issus de la collection du spécialiste français Rémy Samson qui, pendant plus de 40 ans, dans son musée du bonsaï de Châtenay-Malabry, a créé et soigné 9 000 bonsaïs de plus de 350 espèces, âgés pour certains de 300 ans.

Pour les cinéphiles, on vous donne rendez-vous dans la grotte des Pins du château pour découvrir la carte blanche donnée à la Collection Nouveaux médias du Centre Pompidou, qui s’incarne sous la forme d’un dialogue inédit entre deux œuvres de l’artiste japonais Toshio Matsumoto : Atman, film de 1975 et la vidéo Mona Lisa de 1973. Par ailleurs, une trentaine de films sont programmés pour donner à voir la diversité du cinéma japonais en traversant toutes ses périodes et un bon nombre de genres de films différents, des films historiques au pinku eiga (films érotiques), du cinéma d’animation aux documentaires, du film de fantômes à l’avant-garde, sans oublier les mouvements contestataires de l’après-68 et les figures montantes du cinéma contemporain comme Katsuya Tomita.

Invité d’honneur du festival, le cinéaste Kiyoshi Kurosawa donnera une conférence de clôture le dimanche 6 juin. Connu pour avoir renouvelé depuis les années 1980, il a réinventé les codes du film fantastique tout en interrogeant de l’intérieur les mutations du vivre ensemble contemporain.

 
Plongée dans les tréfonds du plaisir

Les plaisirs qui relèvent des cinq sens et les plaisirs éprouvés par l’âme seront aussi à l’honneur au festival. Le pitch ? Dès l’Antiquité, on voit apparaître des scènes de plaisirs qui convoquent la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher dans la décoration des objets de culte aussi bien que des objets de la vie quotidienne. Comment a-t-il traversé des siècles de création artistique ?

Une partie de la programmation sera dédiée aux liaisons entre art et plaisir érotique avec, entre autres, des conférences consacrées à l’évocation du plaisir charnel dans la peinture italienne de Corrège à Titien et dans l’art français du 18e siècle, ou encore à l’image de la bacchante dans l’art de la fin du 19e siècle. Elle sera complétée par une réflexion autour du regard sexué au sein des études de genres et ses implications politiques, sociales et culturelles, qui ont bouleversé l’histoire de l’art de ces cinquante dernières années.


Max Ophuls, Le Plaisir, 1952, photogramme © Gaumont

On fait un saut dans le temps pour découvrir les multiples acceptions du plaisir au cinéma, du muet jusqu’au cinéma contemporain : vagabondage joyeux du burlesque, libertinage (Loulou de Pabst, Le Plaisir de Ophuls ou Sérénade à trois de Lubitsch), plaisir esthétique (Le Salon de musique de Ray), pulsion violente (Le Voyeur de Powell, La Grande Bouffe de Ferreri)... En prenant à bras le corps le sujet subversif de la sexualité, ses zones d’ombres et son obscénité, ces réalisateurs interrogent à leur manière un plaisir inséparable de ses mécanismes de représentation, tout en dévoilant les forces inconscientes et politiques qui s’y exercent.


Annette Messager © DR

Enfin, le festival fait place à la création vivante en invitant l’artiste Jean-Jacques Lebel, l’actrice Jeanne Balibar (qui donnera une conférence le samedi 5 juin), les plasticiens Hélène Delprat et Gérard Garouste. L’un des temps forts, à ne manquer sous aucun prétexte, la conférence inaugurale d’Annette Messager, artiste plasticienne française qui s’attaque aux clichés attachés aux femmes à leur corps ou leur psychologie.

Vous l’aurez compris, avec sa programmation pluridisciplinaire et la présence de figures contemporaines majeures, le Festival de l’histoire de l’art de Fontainebleau nous offre un week-end empreint d’émotions dans un cadre bucolique. Qui a dit que Florence était le seul berceau du syndrome de Stendhal ?

 
Festival de l’histoire de l’art de Fontainebleau
Château de Fontainebleau
Du 4 au 6 juin
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