Cannes : L’égalité des sexes aux oubliettes ?

undefined 17 mai 2017 undefined 00h00

Olivia

La gender equality au ciné est un véritable débat, et chaque année la Croisette en est le triste théâtre. Si le féminisme est en marche – le « T’as du clito » d’Houda Benyamina lors de sa remise de la Caméra d’Or nous avait tous secoués l’année dernière –, la parité reste compliquée. Cette année le jury se veut paritaire, et pourtant ils sont neuf (le président Pedro Almodovar compte bien, non ?!). La volonté est donc là, mais quid de la place des femmes à Cannes ? et de la place des femmes au cinéma en général ? Une évolution est-elle possible ?


Cannes, le pire festival européen en termes de reconnaissance des femmes

La Palme d’or n’a été décernée qu’une fois à une femme (Jane Campion), aucune réalisatrice n’était en compétition en 2012 (2 en 2014, 1 en 2013), seulement une dizaine de femmes ont présidé le Jury du Festival de Cannes en 70 ans (contre 55 hommes)… Autant de données qui nous font nous demander si la place des femmes sur la Croisette ne serait pas cantonnée au défilé sur le tapis rouge.  

Jane #janecampion #photography #portrait #blackandwhite #filmmaker #director

Une publication partagée par ⚪⚫ (@studyofagirlthroughfamousfaces) le

Le malaise grandit surtout lorsque l’on compare Cannes aux autres festivals. En 15 ans, trois femmes ont reçu un Ours d’or au Festival de Berlin, deux un Lion d’or à la Mostra de Venise, et cinq un Léopard d'or au Festival international du film de Locarno. Le nombre de lauréates est certes loin d’être impressionnant, mais c’est toujours mieux que chez nous, où Jane Campion fut la première et unique réalisatrice à décrocher la prestigieuse palme pour La Leçon de Piano en 1993. Et c’était il y presque 25 ans.


Les femmes au ciné, où se cachent-elles ?
 

Cannes n'est qu'une illustration des inégalités entre les hommes et les femmes au sein même de l'industrie du cinéma. En France, on ne compte que 25% de productrices et 6% de réalisatrices, tandis qu'une étude réalisée par le Réseau européen des professionnelles de l'audiovisuel (EWA) publiée en avril 2016 révélait que seulement un film sur cinq est réalisé par une femme (21%) en Europe. Aux Etats-Unis, il n'existe que 4% de réalisatrices lorsqu'il s'agit des longs métrages de grands studios. 

Le site "Vol au dessus d’un nid de machos" a voulu montrer l'ampleur de ce sexisme en réalisant une enquête sur la place des femmes au cinéma. En se basant sur le top 100 des films américains depuis 1995, il révèle notamment que le temps de parole accordé aux femmes n'est que de 36%, il en est de même pour le nombre de personnages féminins. 

cinéma

Au niveau des dialogues, ça pèche aussi. Parmi les dix plus gros cartons au cinéma en 2016, les femmes n'ont prononcé que 27% des mots contenus dans les dialogues, constatait l’américaine Amber Thomas, dans une récente enquête

Comme dans d'autres secteurs, l'écart de salaire entre les hommes et les femmes est flagrant. Selon une étude du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) publiée en février 2017, le salaire perçu par une réalisatrice serait inférieur de 42% à celui d'un collègue masculin, quant aux budgets accordés, les hommes bénéficient de 4,7 millions d'euros en moyenne, alors que la gent féminine n'aurait que 3,5 millions d'euros.


La féminisation en marche ! 

On a beau avoir ironisé un peu plus haut, il n’en reste pas moins vrai que pour la première fois le jury est paritaire (exception faite donc du président Pédro Almodovar). Parmi les huit membres du jury, on compte quatre hommes - le réalisateur coréen Park Chan-wook,  l’acteur américain Will Smith, le réalisateur italien Paolo Sorrentino et le compositeur français Gabriel Yared -, et quatre femmes, l’actrice et réalisatrice française Agnès Jaoui, l’actrice américaine Jessica Chastain, la réalisatrice allemande Maren Ade et l’actrice chinoise Fan Bingbing.

Mr Président #pedroalmodovar #cannes2017 #vivaelcinema

Une publication partagée par Thierry Klifa (@thierryklifa) le


Malgré ces inégalités, il y a tout de même des changements, et un espoir sur l'évolution de la place des femmes au cinéma comme le souligne Frédérique Bredin, Présidente du CNC : 

« Depuis près de 10 ans est apparu une nouvelle génération de réalisatrices d'une très grande créativité. Leur talent, leur audace, ont donné un souffle nouveau au cinéma français avec, aujourd'hui, des premiers films reconnus dans le monde entier, comme Mustang ou Divines. » 

Le tableau n'est pas totalement noir non plus, comme l'indique l'étude du CNC. En 10 ans, le nombre de réalisatrices a augmenté de 71% avec 567 films produits, et la France fait figure d'exception au niveau du nombre de réalisatrices par rapport aux autres pays européens : 22% des films français sortis en salle entre 2011 et 2015 ont été réalisés ou coréalisés par des femmes, contre 19% des films allemands, 11% des films britanniques, 10% des films italiens et 11% des films espagnols.

Mais il semblerait que la Suède remporte la palme de la parité dans l'industrie du cinéma. Les jurys y sont paritaires ainsi que les financements, notamment grâce à l'impulsion d'Anna Serner, directrice générale de l’institut du film suédois. Et cette verve féministe gagne le pays. Lors d'un séminaire au Palais des festivals de Cannes samedi 20 mai, la Norvège, l’Irlande et le Canada proposeront leur stratégie pour un cinéma plus paritaire. Preuve que l'on s'intéresse un minimum au sujet...