Pourquoi le métro parisien inspire-t-il les créateurs du monde entier ?

undefined 15 mai 2018 undefined 19h18

Manon Merrien-Joly

Le 29 septembre dernier, la créatrice berlinoise d'origine roumaine Andréa Dumitrascu (à l'origine du label éponyme) créait la surprise générale en présentant sa collection SS18 sur le quai de la ligne 11 du métro, à la station Châtelet.


Si nous évoquions déjà en 2015 cet engouement pour les défilés présentés dans les rames du monde entier, de Londres à Sao Paulo, ici les intentions du studio sont tout autres. En effet, la designer a fait face à un imprévu – son défilé était initialement prévu au Centre Pompidou – et a ensuite confié à l'AFP : « Je n'aimais pas l'idée de le faire dans la rue. Je me suis dit qu'une station de métro était un meilleur endroit. J'aime l'adrénaline, l'instabilité de la situation ». En deux jours, l'idée était née et matérialisée sous les yeux des Parisiens. Le spectacle était assuré par le bruit des wagons, la signalisation des trains et les passagers qui montent et descendent sur le quai.


Quand les composantes brutes du métro fascinent

Les couleurs tranchées des pictogrammes des lignes de métro, la géométrie de sa signalétique, ses liens avec l'architecture : tout semble relier le métro à la mode. Il relie aussi Paris à la banlieue et constitue donc le formidable foyer d'un mélange d'individus où se croisent des destins radicalement différents, rassemblés dans une rame le temps d'un instant. Le temps de trajet est éphémère, tout comme les cycles qui régissent l'industrie. Tout doit aller vite, être sans cesse en mouvement et précurseur.

La couleur du vert bouteille, elle, passe de l'uniforme RATP à la rue et vient supplanter le bleu Klein porté par les techniciens et les adeptes du workwear : le label mode/maison d'édition Etudes Studio s'en inspirait en 2017 avec un éditorial créé en collaboration avec le distributeur québecois 017 autour du métro parisien. Résultat : maillots et vestes rayés vert bouteille et blanc, jeans délavés et imprimés à l'effigie de monuments de la capitale.

Etudes Sudio chez O17


Entre démocratisation, conversations et observation

Les composantes brutes de l'environnement du métro ne sont pas les seuls éléments qui inspirent les designers : organiser son défilé sous terre, pour un label, c'est adopter le parti pris de la démocratisation de la mode. La manifestation suprême de l'élitisme résidant en l'invitation au défilé, il se met à la portée de tous une fois improvisé dans un lieu public.

On a demandé à Robin L., membre de l'équipe créative du studio Marine Serre, ce que lui évoquait le métro : « C'est carrément une composante de nos vibes. Le cadre qui se pose comme une partition dans laquelle les notes improvisent les rencontres. La dernière fois, on sortait du studio. On est montés dans la ligne 13, un mec commence à tchatcher une fille sur sa coupe de cheveux. Le mec est coiffeur, il parle très fort et on apprend au cours de la conversation qu'on est bien forcés de vivre qu'il essaye de vendre un produit précis pour les teintures. On a grave kiffé cette rencontre technique de cheveux, alors on est devenus très pointus sur les colorations. Mais ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. »

Finalement, ce sont donc les discussions, les silhouettes aperçues depuis le car de touristes jusqu'au groupe de potes en passant par la jeune étudiante en école d'art qui vont inspirer tout un chacun.

D'ailleurs en 2016, Glenn Martens, directeur de création chez Y/Project, expliquait au New York Times avoir tiré l'inspiration de sa collection des passagers du métro parisien : il dit « observer constamment les passagers, et plus largement célébrer le quotidien dans [ses] collections, et explorer les possibles du vêtement individuel – réorganiser un sweat basique, un trench ou une paire de jeans. Vous pouvez appeler ça le Normcore 2.0 (...) De mon point de vue, nous sommes une équipe jeune et il n'y a aucune séparation entre nos vies et notre travail, donc il faut en jouir », poursuit-il.


Par ailleurs, la très controversée ligne 13 devient source d'inspiration et terrain de jeux pour la prochaine collection collective de l'école de mode Casa 93 (implantée à Saint-Ouen) qui prendra pour thème "métro futuriste" : les élèves réinventeront en juillet cette ligne qui relie Paris à la Seine-Saint-Denis. Les wagons forment un labyrinthe tentaculaire où se mêlent partage, lenteur, nature et évasion visuelle. Une chose est sûre, le métro parisien n'a pas fini de faire parler de lui.